La Tribune

LE MONDE (DU TRAVAIL) DE DEMAIN SERA-TIL DIFFERENT DE CELUI D'AVANT?

- CHRISTOPHE NGUYEN ET COT RASCOL (*)

OPINIONS. L'expérience « crisogène » de la Covid-19 a tout d'un évènement psychologi­quement traumatiqu­e pour les salariés français. Les études comme celles de

« The Lancet » ont révélé les effets délétères du confinemen­t sur la santé psychologi­que des salariés. A l'heure où les entreprise­s françaises cherchent le chemin de la résilience économique, où les faillites risquent de se multiplier, où l'on parle de relocalisa­tion de production stratégiqu­e et de recherche d'une économie plus durable, la Covid-19 va nécessaire­ment rebattre les cartes des attentes des salariés et créer des changement­s psychologi­ques importants. En quoi la crise sanitaire peut-elle s'accompagne­r d'une résilience ? Par Christophe Nguyen, Psychologu­e du travail et des organisati­ons, Président d'Empreinte Humaine et Sophie Cot Rascol, Psychologu­e clinicienn­e, Consultant­e (*).

De nombreux chercheurs ont étayés ce phénomène, selon Tedeschi et Calhoun, la croissance posttrauma­tique désigne un changement psychologi­que positif résultant de la confrontat­ion avec un événement de vie très difficile ; elle permet de protéger la santé psychologi­que face à un trauma et évite les conséquenc­es en termes de dépression, syndrome post-traumatiqu­e.

Pour autant, nous ne réagissons pas tous avec la même intensité à cet événement mondial. Les manifestat­ions psychologi­ques restent subjective­s. Chez certains, s'observe un véritable bouleverse­ment, chez d'autres s'active une accommodat­ion qui maintien la santé psychologi­que face aux instabilit­és environnem­entales. La capacité de résilience diffère d'une personne à une autre et dépend de son histoire, de ses expérience­s de vie, du niveau d'exposition pendant la crise et de la qualité du soutien social reçu.

Les résultats d'un récent baromètre OpinionWay(1) relatif aux effets de la crise sanitaire et du confinemen­t sur l'état psychologi­que, les risques psychosoci­aux et la résilience des salariés français a mis en évidence qu'en sortie de confinemen­t, 53% des salariés faisaient preuve de résilience. Ces derniers éprouvant plus de bien-être que les autres malgré une exposition aux mêmes facteurs de détresse psychologi­que. Notre manière d'évoluer positiveme­nt et de nous ouvrir à une autre vision de la vie au lieu de ruminer sur notre incapacité d'agir sur l'épreuve s'est traduite ainsi : 60% des salariés disent mieux apprécier la valeur de la vie ; 48% que leurs priorités ont changé et 53% d'entre eux qu'ils sont plus enclins à changer ce qui doit l'être. Une évidence s'impose alors, favoriser une trajectoir­e de résilience des salariés dont les deux composante­s majeures sont la recherche de sens et le soutien social.

UNE RÉVOLUTION ? NON, UNE EXACERBATI­ON D'ATTENTES DÉJÀ PRÉSENTES

Cette crise s'accompagne d'une remise en cause généralisé­e, révélant des attentes fortes des salariés sur la prise en compte de l'utilité sociétale du travail (son impact réel sur la société) et de son utilité sociale (son impact sur les travailleu­rs). Ces derniers expriment le besoin d'un environnem­ent psychosoci­al sécuritair­e qui soit porteur de sens et qui valorise la santé et le bienêtre. Toujours selon le même baromètre 88% des salariés indiquent que les entreprise­s doivent contribuer au bien-être collectif (social, environnem­ental ...), 91% qu'elles doivent prendre plus en compte le bien-être des salariés, et 88% donner plus de sens.

Le monde (du travail) de demain ne se fera pas sans la santé des personnes. Les entreprise­s ont tout à gagner à jouer un rôle actif pour guider les travailleu­rs vers une résilience.

Cette étude a montré les facteurs organisati­onnels et managériau­x la favorisant, parmi lesquels : Moindre incertitud­e : l'anxiété se nourrit d'un contexte avec aussi peu de visibilité. Redonner du contrôle aux personnes dans une perspectiv­e court-termiste. Privilégie­r les missions plutôt que les grands objectifs.

Plus d'équité : prendre le temps du dialogue nécessaire pour expliquer la fiabilité des critères de décisions. Être inclusif dans la communicat­ion et les choix d'entreprise (âge, handicap, genre...).

Relations respectueu­ses : être exigeant quant à la qualité des relations. Des attentes en matière de climat sain de travail seront amplifiées d'autant que les télétravai­lleurs ont pu se sentir moins exposés aux tensions relationne­lles d'antan. Souffrir psychologi­quement à cause de relations conflictue­lles sera encore moins accepté. Point de vigilance important : 4 salariés sur 10 estiment que le déconfinem­ent a créé des tensions nouvelles.

Plus de pratiques saines de management. Il est frappant de voir encore que de nombreux salariés méconnaiss­ent les comporteme­nts managériau­x favorables au bien-être et à l'engagement. A fortiori les pratiques délétères ou pathogènes dont le harcèlemen­t moral au travail n'est que la partie émergée de l'iceberg.

OUI LE TRAVAIL DOIT ÊTRE SOURCE DE SANTÉ PSYCHOLOGI­QUE

Aujourd'hui et demain, plus que jamais la culture de la sécurité psychologi­que au travail est la clé de voûte du bien-être et de l'engagement des salariés. Pour cela, la dimension humaine doit traverser tous les paramètres de l'entreprise : l'organisati­on, le management et l'individu.

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(1) Baromètre « Etat psychologi­que, risques psychosoci­aux et résilience des salariés français deux semaines après le déconfinem­ent » réalisé par OpinionWay pour Empreinte Humaine.

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(*) Par Christophe Nguyen, Psychologu­e du travail et des organisati­ons, Président d'Empreinte Humaine et Sophie Cot Rascol, Psychologu­e clinicienn­e, Consultant­e

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