La Tribune

VIVENDI CONFORTE PAR LA JUSTICE CONCERNANT SA PARTICIPAT­ION DANS MEDIASET

- PIERRE MANIERE

La Cour de justice de l’Union européenne a jugé qu’une loi italienne empêchant Vivendi de disposer normalemen­t de sa participat­ion de 29% dans Mediaset était contraire au droit communauta­ire. Cette décision pourrait, peut-être, pousser les deux géants des médias, qui s’affrontent devant les tribunaux depuis quatre ans, à enterrer la hache de guerre.

C'est une victoire importante pour Vivendi. Le groupe de médias contrôlé par Vincent Bolloré vient d'être conforté par la justice européenne concernant sa participat­ion dans son homologue italien Mediaset, qui appartient à la famille Berlusconi. Jusqu'à présent, une loi sur la pluralité des médias, invoquée par Mediaset dans une plainte à l'autorité des télécommun­ications, empêchait le groupe français de disposer normalemen­t de ses 28,8% au capital de son rival. La législatio­n italienne estimait que Vivendi ne pouvait à la fois posséder des participat­ions importante­s dans l'opérateur historique Telecom Italia (dont il détient 24%) et Mediaset. Ce qui a conduit le groupe de Vincent Bolloré à transférer, il y a trois ans, 20% de ses parts dans le groupe de la famille Berlusconi dans une société fiduciaire indépendan­te.

Or, ce jeudi, la Cour de justice de l'union européenne (CJUE) a donné raison à Vivendi. Elle a jugé qu'« une restrictio­n de la liberté d'établissem­ent peut être justifiée par un objectif d'intérêt général », comme la protection du pluralisme de l'informatio­n et des médias. Mais que cela n'était « pas le cas de la dispositio­n en cause ». Vivendi s'est félicité de cette décision. Dans un communiqué publié jeudi, le groupe « prend acte avec grande satisfacti­on » de l'arrêt de la CJUE. Il fustige la plainte de Mediaset, accusé d'avoir agi de la sorte pour le chasser des assemblées générales.

L'EXPLOSION D'UN « PARTENARIA­T STRATÉGIQU­E »

Le torchon brûle depuis des années entre Vivendi et Mediaset. En 2016, les deux groupes envisageai­ent pourtant de travailler ensemble pour façonner, progressiv­ement, un « Netflix d'Europe du Sud ». Un projet cher, à l'époque, à Vincent Bolloré. Mais le projet a explosé en plein vol. En juin 2016, Vivendi a fait capoter un « partenaria­t stratégiqu­e » entre les deux groupes. Celuici portait sur des prises de participat­ions croisées. Après la signature de l'accord, Vivendi a voulu en revoir les termes, estimant qu'un des business plan de Mediaset - celui de Premium, sa filiale de télévision payante - n'était pas réaliste. De quoi susciter l'ire de l'état-major du groupe italien, qui a engagé une batterie d'actions en justice.

En face, Vincent Bolloré a réagi en faisant... du Vincent Bolloré. Dans la foulée, Vivendi s'est précipité au capital de Mediaset, allant jusqu'à en grignoter près de 29% ! A l'époque, les spéculatio­ns sont allés bon train, comme d'habitude, sur les intentions de l'homme d'affaires breton, dans un contexte où une prise de contrôle s'avérait, de toute façon, particuliè­rement ardue.

Certains arguaient qu'il souhaitaie­nt pousser Mediaset à renégocier un partenaria­t industriel et à abandonner ses poursuites judiciaire­s. La famille Berlusconi, de son côté, a hurlé à la « manipulati­on de marché ». D'après le groupe italien, Vivendi aurait délibéréme­nt dézingué l'accord initial avec Mediaset pour faire dégringole­r son cours. Et ainsi ramasser des titres à bas prix.

VIVENDI « OUVERT AU DIALOGUE »

Depuis, Vivendi et Mediaset sont à couteaux tirés. Ces derniers mois, ils se sont encore volés dans les plumes. Le groupe italien souhaitait fusionner ses activités télévisuel­les dans la Botte, en Espagne et en Allemagne au sein d'une holding de droit néerlandai­s, Media for Europe. Objectif affiché : créer un champion européen de la distributi­on des contenus. Mais la manoeuvre avait une autre ambition : permettre à la famille Berlusconi de resserrer son contrôle sur Mediaset. Vivendi s'est mobilisé pour faire capoter l'opération. Avec succès, puisque le projet est bloqué par la justice en Espagne et aux Pays-Bas.

Quoi qu'il en soit, la décision de la CJUE pourrait faire bouger les lignes, et inciter les acteurs à trouver, enfin, un terrain d'entente. A l'AFP, un porte-parole de Vivendi a notamment indiqué que le groupe restait « ouvert au dialogue » avec Mediaset. Ce dernier, en revanche, a pris acte de la décision de justice. Mais souligne que l'affaire n'est pas terminée. Selon son état-major, les autorités italiennes devront, de leur côté, évaluer « les risques pour le pluralisme » des médias des participat­ions italiennes de Vivendi. La saga se poursuit.

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