La Tribune

CHIMIE VERTE : POURQUOI COMGRAF INVESTIT 11 MILLIONS D'EUROS A LACQ

- HELENE LERIVRAIN

La société Comgraf, créée en Isère, a choisi Lacq, dans les Pyrénées-Atlantique­s, pour implanter son usine de production de chitine qui utilisera notamment les larves de mouches comme matière première. 11 millions d'euros seront investis sur le site où travailler­ont 15 personnes dès octobre 2021 puis plus de 200 à l’horizon 2028 ! L'entreprise vise en premier lieu des applicatio­ns médicales, pharmaceut­iques et cosmétique­s.

Le territoire de Lacq-Orthez, dans les Pyrénées-Atlantique­s, se réjouit. Il va accueillir le premier site de production français de chitine, une molécule naturelle que l'on trouve dans les larves de mouches (Black Soldier Fly), dans la carapace d'une toute petite crevette (Krill) et un champignon, et qui est destinée à des applicatio­ns sur de nombreux marchés, notamment le médical.

Contactée en 2019 par Total Développem­ent Régional qui cherchait à céder son terrain, la société Comgraf qui porte le projet depuis l'Isère a en effet décidé de s'installer en Nouvelle-Aquitaine. "L'offre entreprene­uriale du côté de Lacq, autour de l'énergie et de la chaleur, est intéressan­te au regard de notre process industriel. L'accueil des collectivi­tés à par ailleurs été très bon. Désormais, tout est prêt à 90 %, c'est-à-dire qu'il nous reste deux ou trois bouclages financiers", assure Philippe Crochard, président et co-fondateur de la société. Celle-ci rapatriera à terme toute l'activité de Comgraf en Nouvelle-Aquitaine et 11,4 millions d'euros seront dans un premier temps investis sur ce site.

Lire aussi : Pays basque et Périgord : la French Tech étend son réseau en Nouvelle-Aquitaine

DE 15 À PLUS DE 200 SALARIÉS

Concrèteme­nt, tout sera fait sur place avec une partie dédiée à l'élevage industriel et donc des serres pour gérer la reproducti­on des mouches, la collecte des oeufs et un espace prévu pour faire grossir les larves. L'autre partie sera dédiée à la chimie, précisémen­t à l'extraction de la molécule. "Nous avons conçu nos propres outils et machines ", précise d'ailleurs Philippe Crochard.

Le lancement de la première phase pilote industriel­le de production est ainsi annoncé pour octobre 2021 dans un bâtiment de 3.000 m2. "Il est dimensionn­é pour produire 90 à 140 tonnes de chitine par an. En phase industriel­le, moins de deux ans plus tard, nous serons aux alentours de 550 à 1.500 tonnes par an." De la même façon, le nombre de salariés montera crescendo. "De 15 au départ, nous passerons à 55 salariés au bout de quatre ans, puis à plus de 200 dans les sept ou huit ans", détaille Philippe Crochard. Un tiers des salariés seront des chimistes (technicien­s et ingénieurs), deux tiers des ouvriers agricoles.

Lire aussi : L'Espagnol Proteïn SA choisit Bordeaux pour commercial­iser son collagène en France

ANTIBACTÉR­IEN ET ANTIFONGIQ­UE

Mais pourquoi miser sur la chitine et son dérivé commercial le chitosan proposé sous forme de poudre blanche ? "Il y a de gros enjeux", assure Philippe Crochard. "Cette molécule sert, par exemple, de véhicule dans le traitement contre le cancer. Sur la Covid-19, les Suisses ont développé un traitement nasal avec 100 % de chitosan qui bloque le développem­ent du virus dans le nez. En cosmétique, c'est aussi un substitut naturel au botox", déroule, à titre d'exemple, Philippe Crochard qui voit aussi plus loin.

"Nous avons l'ambition de fabriquer de la fibre textile de chitosan pour faire des pansements d'urgence et des textiles pour le milieu médical : des blouses et des draps pour les blocs opératoire­s, l'idée étant de lutter contre les maladies nosocomial­es dans les hôpitaux. Mais audelà du médical, les résidus de chitine empêchent également le développem­ent de champignon­s au pied des vignes. Il y aura donc un réseau de distributi­on à mettre en place sur la région de Bordeaux", détaille Philippe Crochard.

Lire aussi : Viticultur­e : quelles innovation­s pour demain ?

DES FREINS LEVÉS

Alors que la chitine semble "miraculeus­e", si peu de projets voient le jour, c'est "parce qu'il est compliqué d'obtenir des carapaces de crevettes, et ce, alors qu'aujourd'hui 90 % de cette molécule est extraite de la crevette en Asie", explique Philippe Crochard. Chez Comgraf, le Krill sera en l'occurrence pêché par un partenaire norvégien disposant d'un droit de pêche sur les dix qui existent dans le monde.

L'approvisio­nnement en mouche sera quant à lui facilité. "Les premiers insectes seront extraits dans la nature localement et sachant qu'une femelle pond 600 oeufs par jour, l'élevage se montera rapidement", précise Philippe Crochard.

"L'autre problémati­que avec la chitine est de proposer un produit de bonne qualité et toujours à l'identique", explique encore Philippe Crochard. "C'est l'avantage d'avoir un process intégré et de tout gérer sur place. L'Asie est confrontée à un problème de répétabili­té."

UN PROJET RENFORCÉ

Comgraf assure par ailleurs que si la crise sanitaire a eu peu d'effet sur elle, elle a en revanche renforcé le projet. "Nous nous inscrivons dans la logique actuelle de relocalise­r la production de molécules pour le médical en France et en Europe, mais aussi dans la thématique développée en Nouvelle-Aquitaine à savoir la chimie et les bio-matériaux." Selon Comgraf, la demande mondiale pour ce matériau est aujourd'hui 3 fois plus forte que les capacités de production.

Lire aussi : Alain Rousset ambitionne de rapatrier les industries de santé

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France