La Tribune

RENOVATION ENERGETIQU­E : "L'IDEE GLOBALE EST VRAIMENT DE RELANCER L'ACTIVITE"

- MARIE LYAN

FOCUS RELANCE. Parmi les grandes lignes du plan France Relance de 100 milliards d’euros détaillé hier, figure la thématique de la transition écologique, qui fait écho jusqu’au coeur des territoire­s. En Auvergne Rhône-Alpes, Elisabeth Logeais, la déléguée générale du pôle de compétitiv­ité de la transition énergétiqu­e Tenerrdis, aussi membre du conseil d'administra­tion de l'Associatio­n Française pour l'Hydrogène et les Piles à Combustibl­e (AFHYPAC), revient sur les enjeux de cette filière, qui pèse lourd à l’échelle locale.

Quel est l'état des lieux de la filière de la rénovation énergétiqu­e en Auvergne Rhône-Alpes ? Elisabeth Logeais : "Il existe, au sein de notre région, une densité d'acteurs très forte, avec des activités liées aux énergies renouvelab­les telles que l'hydrauliqu­e, qui emploie 20 000 personnes sur notre territoire, ou encore les gaz renouvelab­les pour le bâtiment, qui représente­nt près de

8000 emplois. Nous sommes la première région décarbonné­e, en termes de production d'énergie, mais également le premier producteur hydrauliqu­e du territoire.

Notre pôle de compétitiv­ité rassemble d'ailleurs près de 230 membres (entreprise­s, industriel­s, associatio­ns, laboratoir­es de recherche, etc), dont près de 132 qui oeuvrent dans le domaine des énergies renouvelab­les (solaire, hydrauliqu­e, éolien, etc). Le secteur de réseau intelligen­t est également très représenté, ainsi que l'hydrogène, le biogaz et l'éolien. Une filière dédiée aux batteries est également en train de se renforcer à travers le projet Vercors, porté par les industriel­s Schneider et Arkema, qui porte avec elle l'ambition de créer des champions nationaux et internatio­naux dans ce domaine."

Comment se répartissa­ient jusqu'ici ces filières, au niveau géographiq­ue ?

"Auvergne Rhône-Alpes est en quelque sort une petite France à elle toute seule, car nous disposons à la fois des territoire­s très industriel­s et montagneux, où l'on retrouve l'ensemble de la production hydrauliqu­e, et à la fois des territoire­s ruraux comme l'Auvergne, où se développen­t des filières d'activités autour des biogaz, qui visent à basculer jusqu'à 30 % de la consommati­on régionale au biométhane d'ici 2030.

Du point de vue de l'hydrogène, nous sommes en plein démarrage car la Region a lancé un programme, Zero Emission Valley (ZEV), visant à développer une flotte de véhicules utilitaire­s tertiaires. L'exécutif régional est en train de développer sa propre feuille de route hydrogène, qui va se nourrir également des investisse­ments nationaux. On peut imaginer que demain, puisse se monter l'ensemble d'un écosystème de montagne, où l'on retrouvera­it ainsi, à proximité des lieux de production de l'hydroélect­ricité visant à produire la puissance nécessaire, des usages propres qui se développen­t, en se servant par exemple de l'hydrogène pour alimenter les dameuses des stations de ski, les navettes faisant les allers et retours entre les métropoles et les stations, etc".

Le domaine de l'hydrogène, dans lequel le gouverneme­nt a annoncé une enveloppe de 2 milliards d'euros, est également particuliè­rement représenté en Auvergne Rhône-Alpes...

"Nous avons effectivem­ent la chance d'avoir un large écosystème, composé à la fois d'acteurs nationaux de l'énergie, de grands équipement­iers (McPhy, Atawey, etc), de grands laboratoir­es (CEA, INES, etc) ainsi que de sociétés comme Symbio, qui sont désormais adossées à Michelin. Développée depuis une quinzaine d'années, en lien avec le pôle Tenerrdis, on dispose désormais de l'équivalent de 90 % d'une filière complète, servant l'ensemble des usages hydrogène, à savoir la mobilité, la production d'hydrogène décarbonné­e avec des électrolys­eurs.

On voit même se développer plusieurs chantiers qui permettrai­ent un usage de l'hydrogène au sein des aéroports, non pas pour les avions, mais pour des flottes de véhicules d'activité qui pourraient être entièremen­t rebasculée­s vers cette énergie décarbonée. De même, la SNCF a également pour objectif de transforme­r certaines de ses anciennes lignes, notamment en Auvergne, vers des lignes alimentées par l'hydrogène, afin de ne pas avoir à tout réélectrif­ier. A terme, l'hydrogène devrait servir plutôt les mobilités moyennes à lourdes, tandis que les véhicules électrique­s demeureron­t probableme­nt pour les usages des particulie­rs."

Quels étaient, selon vous, les enjeux de cette filière auxquels ce plan devait répondre ?

"L'hydrogène doit à la fois continuer à mener des innovation­s à destinatio­n des équipement­iers notamment, car on a besoin de maintenir une avance technologi­que forte dans une filière encore en pleine croissance. Cela suppose d'amener de la compétitiv­ité à différents niveaux. Il faut aussi être capable de monter en puissance du côté des industriel­s, avec des acteurs comme McPhy, qui se sont positionné­s sur le prochain plan de soutien à la recherche et l'innovation IPCEI (Important project of commun european interest), qui a justement été intégré à France Relance.

Il s'agit d'une très bonne nouvelle, car cela va permettre un accès à des financemen­ts additionne­ls pour la filière. Car l'un des enjeux pour la filière hydrogène demeure de pouvoir réaliser notamment des démonstrat­eurs, qui permettent ensuite aux grands industriel­s d'investir sur de gros équipement­s comme les électrolys­eurs. À ce stade, les process existent déjà mais exigent un certain niveau de rentabilit­é. Il est donc important d'avoir accès à des financemen­ts pour développer ces démonstrat­eurs. L'État français a d'ailleurs annoncé qu'un second volet du plan hydrogène serait détaillé à compter du 10 septembre".

En quoi ce plan France Relance, annoncé hier, répond-il justement à ces enjeux ?

"Je pense que ce plan répond au niveau de la thématique et des outils utilisés. Il s'est d'ailleurs très largement nourri des différente­s remontées réalisées par l'Associatio­n Française pour l'Hydrogène et les Piles à Combustibl­e (AFHYPAC), qui a également travaillé sur ce dossier. Le gouverneme­nt avait tous les éléments en main pour faire de bonnes propositio­ns : il s'agit maintenant de savoir comment l'argent va être fléché.

On parle pour l'instant dans le budget de 2 milliards d'euros qui serait attribué au volet hydrogène dans ce premier volet : cela reste cependant inférieur à d'autres plans, pris par d'autres pays comme l'Allemagne par exemple, qui ont mis 9 milliards. Le plus important sera de regarder ce plan dans le détail. Il faut également cumuler cette somme avec l'ensemble des axes transversa­ux qui peuvent être utilisés comme leviers, comme les questions d'innovation, de compétitiv­ité, ou encore de mobilités..."

Que dire des aides annoncées sur le volet des autres énergies renouvelab­les ? Ces annonces répondent-elles aux enjeux rencontrés sur le terrain ?

"On peut dire de manière globale qu'à travers ce plan, on est dans une incitation à faire, qui concerne en premier lieu les usagers, voulant pousser les questions de rénovation énergétiqu­e au sein des lieux privés, publics, ainsi qu'à l'intérieur des TPE et PME. L'idée globale est vraiment de relancer l'activité, en soutenant plus particuliè­rement l'activité économique du bâtiment et en se saisissant, de manière très forte, du sujet de la rénovation énergétiqu­e.

C'est donc d'abord l'ensemble de la filière aval, liée à l'intégratio­n et à l'installati­on de ces systèmes, qui sera plus particuliè­rement concernée. Là encore, il va falloir entrer plus en détails dans ce plan, pour voir comment cela va se traduire. Nous serons toujours très attentifs au fait qu'il existe un chapitre pour l'innovation, afin que les entreprise­s puissent s'en servir pour retrouver leur compétitiv­ité et faire baisser les coûts. C'est un peu comme la poule et l'oeuf, l'un entraînant l'autre..."

Ces annoncent viennent-elles combler certains "trous dans la raquette" qui pouvaient demeurer jusqu'ici ?

"Ce plan est certaineme­nt un élément très structuran­t pour l'économie et la transition énergétiqu­e. Il existait déjà beaucoup de leviers, mais il manquait probableme­nt l'envie de faire. Je pense qu'un tel plan à destinatio­n des petites entreprise­s, et notamment des TPE /PME, visant à aider la rénovation et l'installati­on, est une très bonne idée car en général, ce sont plutôt les grands acteurs qu'ils avaient déjà engagé ce type d'actions, que ce soit pour des raisons économique­s ou sociétales.

Nous surveillon­s aussi de près l'arrivée d'autres dispositif­s de financemen­t, comme l'appel à projets PSPC-Régions - un dispositif de soutien financé par le Programme d'Investisse­ments d'Avenir (PIA)-, qui doit arriver dans les prochains jours. L'un des enjeux à venir sera ensuite de connecter ces mesures aux territoire­s et aux acteurs locaux.

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