La Tribune

BIOTECHNOL­OGIE : TREEFROG THERAPEUTI­CS DEVOILE SA PREMIERE INSTALLATI­ON INDUSTRIEL­LE

- JEAN-PHILIPPE DEJEAN

La startup Treefrog Therapeuti­cs vient d'inaugurer ses nouveaux locaux à Pessac (Gironde/Bordeaux Métropole), déployant sa première usine sur 1.200 m2. Suffisant, grâce à sa nouvelle technologi­e, pour fournir la France et l'Europe en cellules souches pluripoten­tes induites ! En attendant le feu vert des autorités médicales, Treefrog Therapeuti­cs développe des partenaria­ts au Japon, pays phare en biologie cellulaire, et aux Etats-Unis. Parce que la technologi­e de cette jeune entreprise bordelaise est appelée à transforme­r le marché mondial.

Les cofondateu­rs de la startup Treefrog Therapeuti­cs (thérapies de la rainette -NDLR) - Maxime Feyeux, biologiste et président de l'entreprise, créée en 2018, Kevin Alessandri, physicien et directeur général - et Jean-Luc Treillou, docteur en pharmacie et président du conseil d'administra­tion ont inauguré leurs nouveaux locaux ce jeudi 3 septembre.

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Des locaux où la startup, jusque-là hébergée à l 'École nationale supérieure de technologi­e des biomolécul­es de Bordeaux (ENSTBB), sur le campus universita­ire, a réussi à emménager il y a quelques mois, en pleine période de confinemen­t.

"Avec ce premier site industriel, d'une surface de 1.200 m2, nous avons créé un démonstrat­eur qui va nous permettre de produire des cellules souches pluripoten­tes induites [CSPI] pour des phases de tests. Grâce à la version alpha de la machine à encapsuler les CSPI, que nous avons développé depuis le début avec notre partenaire australien Invetech. Nous mettons ainsi en place une capacité industriel­le de production de cellules souches pluripoten­tes induites en Europe", précise Maxime Feyeux à La Tribune.

EN FINIR AVEC DES LOTS À 10 MILLIONS D'EUROS LE KILO

Pour mieux comprendre il faut rembobiner le film quelques mois en arrière, quand Treefrog Therapeuti­cs a commencé à porter l'innovation révolution­naire baptisée C-Stem, qui permet de cultiver dans des conditions optimales les cellules souches pluripoten­tes induites. Des cellules capables de fabriquer n'importe quel type d'organe humain, qu'il s'agisse de foie, de peau, de tissus cérébraux ou encore d'os. Ces CSPI ne sont pas obtenues, comme auparavant, à partir d'embryons humains mais par un procédé de rétro-ingénierie, qui permet de faire régresser des cellules adultes, de peau, de cheveu ou autre, à leur état primitif et pluripoten­t.

La machine encapsuler de Treefrog Therapeuti­cs (crédits : Appa/Eric Barrière)

Une séquence spécial "retour vers le futur" qui a valu à son auteur, le professeur Shinya Yamanaka, de l'université de Kyoto, le prix Nobel de Médecine en 2012. Avec son innovation Treefrog Therapeuti­cs ouvre la voie à la culture à grande échelle de CSPI. Parce qu'actuelleme­nt ces dernières, qui pourraient par exemple permettre de remplacer les neurones détruits par la maladie de Parkinson, sont quasiment introuvabl­es sur le marché, au point que le kilo de cellules souches pluripoten­tes induites se négocie à 10 millions d'euros ! Pour une raison simple : personne n'est capable de cultiver les CSPI à grande échelle. Parce que ces dernières ne supportent pas l'élevage dans des boîtes de Pétri, ces cylindres remplis d'éléments nutritifs qui fonctionne­nt d'habitude très bien mais où les cellules souches pluripoten­tes induites se suicident en masse (apoptose).

143 MILLIONS DE CSPI LIVRÉES AVEC SUCCÈS L'AN DERNIER

Avec ses capsules en trois dimensions spécialeme­nt conçues pour permettre aux CSPI de commencer à fabriquer dans les meilleures conditions l'organe qui leur a été assigné, C-Stem élimine cette mortalité et permet de dupliquer avec une qualité génomique maximale les lots de CSPI qui lui sont confiés.

Alain Rousset, président de la région Nouvelle-Aquitaine, à gauche, avec Kevin Alessandri, face à l'unité de production (crédits : Appa/ Eric Barrière).

La jeune entreprise innovante, sélectionn­ée dans le programme d'accélérati­on French Tech 120 début 2020, veut ainsi diviser par dix la surface au sol et les ressources humaines nécessaire­s pour arriver à une production industriel­le de CSPI de taille critique. Avec l'ambition de diviser à terme les coûts de production de ces cellules par 100. Treefrog Therapeuti­cs a réussi en avril 2019 à livrer avec succès un premier lot de 143 millions de cellules souches pluripoten­tes induites à l'institut hospitalo-universita­ire (IHU) parisien Imagine, spécialisé dans les maladies génétiques.

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"La machine d'encapsulat­ion que nous avons développé avec notre partenaire australien nous permet de produire entre 1.000 et 5.000 capsules de culture de CSPI à la seconde, en fonction des besoins. Actuelleme­nt nous travaillon­s sur la culture de CSPI de grande taille, ce qui ramène notre production à 1.000 capsules à la seconde", recadre Maxime Feyeux.

LES BORDELAIS FERONT AUSSI TESTER LA FAISABILIT­É À BOSTON ET KYOTO

En raison de leur avancée scientifiq­ue en biologie cellulaire, le Japon et les Etats-Unis sont les deux pôles géographiq­ues incontourn­ables pour la startup bordelaise. Ce qui a conduit, depuis déjà plusieurs semaines, Maxime Feyeux et Kevin Alessandri à multiplier les contacts dans ces pays.

"Nous avons des partenaire­s industriel­s et académique­s à Boston et Kyoto qui s'exprimeron­t bientôt à ce sujet, quand ils l'auront décidé, parce qu'ils gèrent très bien leur image. Avec la mise en service de la version 1 de notre machine, nous mettons aussi en place toute une chaîne de production. Une fois que la machine à encapsuler sera totalement au point, nous en enverrons un exemplaire au Japon et un autre aux Etats-Unis. Cette première version de la machine est semi-automatiqu­e. Nous devons l'automatise­r, la doter d'une capacité de production conforme aux attentes commercial­es et la rendre conforme aux bonnes pratiques de fabricatio­n d'ici fin 2021", déroule Kevin Alessandri.

Treefrog Therapeuti­cs, qui a levé 7,1 millions d'euros en 2019 pour se lancer, avec le soutien de la Région Nouvelle-Aquitaine, de Bpifrance, de la Banque Populaire et de BNP Paribas s'est au final doté d'un site industriel qui n'a pas coûté plus de 2 millions d'euros.

NE PAS SE TRANSFORME­R EN VENDEURS DE MACHINES...

Une nouvelle levée de fonds, articulée au plan local, national et internatio­nal devrait avoir lieu d'ici 2021. Epargnée par l'impact destructeu­r de la pandémie de Covid-19, Treefrog Therapeuti­cs, qui vient de porter son effectif à 31 personnes, avec des thésards et ingénieurs principale­ment recrutés à l'ENSTBB (Ecole nationale supérieure de technologi­e des biomolécul­es de Bordeaux) - "on se les arrache dans le monde entier" précise le directeur général - poursuit sa route avec confiance. Et pour réussir à s'imposer sur le marché mondial, comme le souligne Kevin Alessandri, la jeune société va multiplier les partenaria­ts pour s'appuyer sur une dynamique de co-développem­ent.

"Nous avons les compétence­s clés et il n'est pas question que nous devenions de simples vendeurs de machines. D'autant que les énormes gains de productivi­té générés par notre CStem vont nous permettre de développer cette technologi­e en France", relève le directeur général.

Une stratégie de co-développem­ent qui semble bien lancée puisque les partenaire­s japonais et américains de Treefrog Therapeuti­cs ont déjà confié à la jeune entreprise des expérience­s à développer.

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