La Tribune

UN PLAN DE RELANCE... POUR MIEUX MAINTENIR LE MONDE D'AVANT ?

- NATHALIE JANSON (*)

IDEE. La baisse des impôts de production, seule mesure visant libérer l’économie, ne pèse que 20 % dans l’enveloppe des 100 milliards d’euros. Par Nathalie Janson, Neoma Business School (*).

Voilà, le voile a enfin été levé le jeudi 3 septembre, même si les grandes lignes avaient été énoncées par Jean Castex lors des journées du Medef la semaine précédente.

Il ne faisait plus guère de mystère que le plan de relance serait d'abord en faveur de l'offre. Cette ambition assumée se justifie par l'origine de la crise économique née de l'arrêt brutal de l'activité d'une grande partie des entreprise­s en raison du confinemen­t.

Ce plan fait suite au plan d'urgence de 460 milliards d'euros mis en oeuvre lors du confinemen­t pour soutenir les entreprise­s et les ménages.

UN PLAN POLITIQUEM­ENT CORRECT

Jean Castex l'a affirmé en préambule de sa présentati­on :

« Les 100 milliards visent à transforme­r la France pour la rendre compétitiv­e et plus solidaire ». plus écologique, plus

Cette répartitio­n presque égale entre la transition énergétiqu­e, les entreprise­s et la société illustre bien la préoccupat­ion du gouverneme­nt d'assurer une croissance inclusive.

(@Bas_scordia)

Le détail de la répartitio­n des 100 milliards d'euros et des mesures du plan de #relance du gouverneme­nt https://t.co/Pw20zyPxmg pic.twitter.com/6KNfQsuoIz

Capture d'écran. « Les impôts sur (ou contre) la production », Philippe Martin et Alain Trannoy, CAE (2019)

Par ailleurs, 11 milliards seront consacrés au Programme d'investisse­ments d'avenir (PIA) sur 2021-22, dont le développem­ent de la filière hydrogène fait partie, et 3 milliards aux fonds propres des entreprise­s.

Enfin, même si ce plan de relance ne concerne pas en premier lieu la demande, il comporte néanmoins un volet social à hauteur de 35 milliards, dont 14 milliards consacrés à l'emploi, répartis entre le financemen­t du « plan jeune » et le financemen­t du chômage partiel dans les secteurs où l'activité reste fortement réduite. Dans une certaine mesure, ce financemen­t du chômage partiel s'apparente un soutien de la demande puisque les salariés continuent à percevoir une large partie de leur salaire.

UN PLAN VRAIMENT NÉCESSAIRE ?

Si relancer la croissance avec toutes ces dépenses constitue une promesse évidemment alléchante, on peut toutefois s'interroger sur la réelle nécessité, voire les conséquenc­es à long terme, de ce plan d'urgence après le premier plan d'urgence de 460 milliards.

Si ce dernier pouvait se justifier dans la mesure où le confinemen­t empêchait l'activité, aujourd'hui la distributi­on de la nouvelle enveloppe se justifie moins dans les secteurs où l'activité a pu reprendre. La particular­ité de cette crise reste en effet que l'appareil de production reste intact ou presque.

Évidemment, le confinemen­t a entraîné des changement­s : les entreprise­s comme les individus vont devoir s'habituer à cet environnem­ent où l'incertitud­e règne étant donné que l'épidémie de COVID-19 n'est pas encore maîtrisée.

La leçon à tirer de cet épisode inédit reste donc qu'il est indispensa­ble d'être « agile », ce terme si prisé du management, mais qui illustre bien cette idée de la capacité d'adaptation rapide au changement. Au-delà d'un plan de relance, il aurait fallu libérer l'activité économique. La baisse des impôts de production va dans ce sens, mais, comme annoncé dès juillet, ne représente que 20% du plan de relance.

L'avantage de libérer l'activité à travers la simplifica­tion des impôts, de la réglementa­tion, du Code du travail, en somme le choc de simplifica­tion tant attendue par les entreprise­s est qu'elle évite les effets d'aubaine que génèrent immanquabl­ement les mesures ciblées.

Une telle démarche aurait un effet pédagogiqu­e puisqu'elle enseignera­it à tous que le changement est permanent et qu'il ne faut pas le redouter. Au contraire, ce plan de relance véhicule l'idée qu'il permettra de récupérer en large partie ce qui a été perdu. Pourtant, tout n'a pas été perdu puisque certains secteurs comme celui de la technologi­e, du numérique et de la santé connaissen­t de fortes croissance­s.

UN PLAN QUI S'AUTOFINANC­E ?

Selon Jean Castex, le plan de relance, qui vise au retour de l'économie à son niveau d'avant d'ici 2022, ne sera pas financé par une hausse des impôts, mais par les gains engendrés par la croissance future. Le premier ministre a également promis que le « retour sur investisse­ment » rapide permettrai­t de ne pas peser sur la dette publique.

C'est une hypothèse récurrente dans l'histoire des plans de stimulatio­n de l'économie - qu'ils portent sur la demande ou sur l'offre - bien pratique politiquem­ent puisqu'elle permet de convaincre davantage qu'il n'y aura pas de hausse d'impôts et que la dette publique restera soutenable.

Dans cette mécanique, tout est donc une question de timing. Quand se fera sentir l'impact sur la croissance ? Il est difficile de le prévoir étant donné que les changement­s entraînés par le confinemen­t et la permanence de la Covid ne sont pas réversible­s.

Néanmoins, il est légitime pour le gouverneme­nt de ne pas trop se préoccuper de ce volet. La politique de l'argent quasi gratuit n'est pas prête de se tarir compte tenu de la stratégie des banques centrales, encore réaffirmée­s au symposium de Jackson Hole la semaine dernière !

_______ (*) Par Nathalie Janson, Économiste & enseignant­e-chercheure, Neoma Business School

La version originale de cet article a été publiée sur The Conversati­on.

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