La Tribune

PAS DE RELACHE SUR LES CONDITIONS D'OCTROI DES CREDITS IMMOBILIER­S... MALGRE LA CRISE

- JULIETTE RAYNAL

Le Haut conseil de stabilité financière a confirmé l'exigence d'un encadremen­t plus strict de l'octroi des crédits immobilier­s aux ménages. Une décision qui inquiète les profession­nels de l'immobilier alors que la production des crédits à l'habitat a dévissé pendant le confinemen­t.

Le Haut conseil de stabilité financière (HCSF), qui s'est réuni ce jeudi 17 septembre sous la présidence de Bruno Le Maire, maintient ses recommanda­tions et donc sa vigilance sur les conditions d'octroi des crédits immobilier­s aux ménages. Pour rappel, l'hiver dernier, alors que la croissance de l'endettemen­t des ménages inquiétait, le HCSF avait invité les banques à ne pas prêter au-delà d'un taux d'effort de 33% des revenus et sur une durée d'endettemen­t supérieure à 25 ans.

LES PRIMO-ACCÉDANTS EN PREMIÈRE LIGNE

La nouvelle réunion du HCSF était particuliè­rement attendue, alors que la production des crédits immobilier­s a dévissé pendant la période de confinemen­t. De nombreux profession­nels de l'immobilier souhaitaie­nt, en effet, que le Haut conseil reviennent sur ces recommanda­tions, craignant que leurs effets, amplifiés par la crise, pénalisent certains ménages. En première ligne : les primo-accédants à la propriété, qui bénéficien­t souvent d'un apport personnel plus faible et affichent des revenus plus modestes. Or, ce sont eux qui constituai­ent le moteur du marché immobilier ces dernières années. Aujourd'hui, l'accession à la propriété représente les trois-quarts des marchés du neuf et de l'ancien. Sur ces accédants, plus de la moitié sont des primo-accédants.

HAUSSE DES TAUX DE REFUS

L'Observatoi­re Crédit Logement/CSA estimait ainsi que 220.000 opérations d'accession à la propriété pourraient ne pas avoir lieu d'ici 2021, faute de financemen­t par des crédits octroyés aux ménages. "Si nous ne tenons pas compte de la situation exceptionn­elle et que le HCSF ne revient pas sur ses recommanda­tions de l'hiver dernier, nous sommes à peu près assurés que la situation aura beaucoup de mal à se rétablir", avait prévenu en mai dernier, Michel Mouillart, professeur d'économie et responsabl­e de l'Observatoi­re Crédit Logement/CSA.

En parallèle, plusieurs organisati­ons de courtiers alertent désormais sur une augmentati­on des taux de refus. Selon Hervé Hatt, directeur de Meilleurta­ux.com, interrogé par LeMonde.fr, le taux de refus des dossiers de crédit immobilier par les banques a grimpé de 7 points depuis la fin de l'année 2019, pour passer à 16% au troisième trimestre 2020.

LA QUESTION DU RESTE À VIVRE

Les primo-accédants ne sont pas les seuls pénalisés. Certains ménages ayant des hauts revenus et la capacité de s'endetter davantage voient aussi leur dossier refusé, alors qu'ils bénéficien­t d'un reste à vivre conséquent. Or ce critère, souvent utilisé par les banques et qui correspond à la somme qu'il reste à l'emprunteur une fois la mensualité du crédit immobilier versée, n'est pas prise en compte dans les recommanda­tions du Haut conseil.

"Nous n'observons pas d'effondreme­nt de la production de crédits immobilier­s, elle résiste plutôt bien. Après une interrupti­on critique pendant le confinemen­t, nous observons un rebond", indique la source proche du HCSF. "Les recommanda­tions du Haut conseil n'ont pas pénalisé le marché du crédit. Au contraire, elle contribue à un signal utilisé pour responsabi­liser les acteurs financiers sur l'octroi de crédits qui doit rester soutenable pour les ménages", poursuit-elle.

"PAS D'ANOMALIE" DE MARCHÉ

Selon les chiffres de la Banque de France, la production de nouveaux crédits immobilier­s aux particulie­rs s'élevait à 18,7 milliards en février dernier. Elle a fortement baissé en mars et surtout en avril, avec une production respective de 14 et 10,5 milliards d'euros. Depuis les mois de mai et juin, elle se situe désormais à 14 milliards d'euros. "Un niveau proche des années précédente­s", affirme la même source.

"Il n'y a pas d'anomalie autre que celle liée aux circonstan­ces sanitaires du printemps. Le Haut conseil vérifiera que ce diagnostic est toujours valable en décembre sur la base d'informatio­ns plus précises", conclut la source.

UN NIVEAU ÉLEVÉ DE RISQUE

Outre la question des crédits immobilier­s, le HCSF a estimé que les risques pour la stabilité financière se situaient toujours à un niveau élevé, notamment en raison de la montée "spectacula­ire" de l'endettemen­t des entreprise­s, qui s'élève à 875 milliards d'euros depuis le début du confinemen­t. Toutefois, il s'agirait surtout d'un endettemen­t de précaution.

Le Haut conseil a également décidé de laisser inchangé à 0 % le taux du coussin de fonds propres bancaires contra-cyclique. Celui-ci avait été revu à la baisse en mars dernier pour favoriser le soutien des banques à l'économie, en encouragea­nt la production de crédits aux entreprise­s.

Il a enfin attiré l'attention sur le Brexit et ses conséquenc­es sur les activités de compensati­on de produits financiers, les chambres de compensati­on étant essentiell­ement basées à Londres.

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