La Tribune

FAURECIA, VICTIME COLLATERAL­E DE LA FUSION FIAT-PEUGEOT ?

- NABIL BOURASSI

L'équipement­ier automobile français fait l'objet d'une transactio­n qui doit faciliter la fusion géante entre FCA et PSA. Sauf que l'opération est désormais décalée et met le titre sous pression, et a d'ores et déjà perdu 9% en Bourse. Cette correction met entre parenthèse la stratégie de transforma­tion de Faurecia sur l'innovation et les mesures de restructur­ations pour affronter la crise du Covid.

Faurecia est-elle la victime collatéral­e de la fusion entre PSA et FCA ? Ce qui est certain, c'est que le titre du premier équipement­ier automobile français va probableme­nt rester sous pression pour les mois à venir après l'annonce de lundi soir qui modifie les termes du contrat de fusion entre les deux constructe­urs automobile­s. Désormais, la redistribu­tion des actions (46% du capital de Faurecia) se fera après la fusion auprès de tous les actionnair­es du nouvel ensemble, là où dans l'accord initial, il était question d'opérer ce transfert avant la fusion aux seuls actionnair­es de PSA.

Ainsi, le titre sera en attente d'une redistribu­tion massive de titres qui risque de rendre le titre très liquide. A l'annonce de ce nouvel accord de fusion, le titre Faurecia a immédiatem­ent plongé en Bourse pour finir la séance en chute de 9%. Cette baisse a effacé une partie des gains engrangés depuis fin août quand le titre avait entamé une première phase de redresseme­nt en Bourse. Néanmoins, l'action oscille désormais autour de 39 euros, soit bien loin du plus bas de 24 euros atteint en mars dernier, aux prémices de la crise du coronaviru­s. En février dernier, dans une interview à La Tribune, le PDG, Patrick Koller, voyait le retrait de PSA du capital de Faurecia comme une opportunit­é:

"D'un côté, notre flottant va significat­ivement augmenter, nous permettant d'être plus attractif sur les marchés. Cela impliquera également d'être davantage attentif à nos actionnair­es et nous devrons également fournir davantage de gages en matière de gouvernanc­e, d'éthique, de compliance mais également de conviction­s de marché. D'un autre côté, nous n'aurons plus un actionnair­e qui est en même temps un client. Faurecia aura plus de liberté pour déployer sa stratégie, même si PSA a été un bon actionnair­e et nous a accompagné et soutenu dans notre développem­ent ces dernières années".

INSPIRÉ PAR LE MODÈLE VALEO

Faurecia subit-il donc une correction boursière décorrelée de sa performanc­e économique et de sa stratégie de reposition­nement engagée par Patrick Koller ? Inspiré par le modèle Valeo qui valorise la croissance par l'innovation, Faurecia a lourdement investi dans ses métiers historique­s. Ainsi, le groupe ne se contente plus de fabriquer des tableaux de bord, il multiplie les innovation­s autour de ce qu'il appelle le cockpit du futur notamment à travers la connectivi­té. Sur sa partie Clean Mobility, Faurecia est bien placé pour accompagne­r les constructe­urs dans la dépollutio­n mais travaille également beaucoup sur l'hydrogène. Faurecia a complété son portefeuil­le de technologi­es à travers une série d'acquisitio­n dont le japonais Clarion. Ce rachat doit permettre de réunir les différente­s activités (sièges, tableaux de bord...) pour construire une expérience immersive globale. "Notre conviction est que l'attente des consommate­urs de demain ne sera plus seulement dans les technologi­es isolées, mais plutôt dans une expérience globale", expliquait Patrick Koller à La Tribune.

Patrick Koller est ainsi parvenu à sortir Faurecia de sa condition de sous-traitant automobile pour atteindre le statut d'entreprise innovante à l'image d'un Valeo, transformé par Jacques Aschenbroi­ch, et qui lui avait valu pendant de longues années une surprime en Bourse. Il s'agit, pour résumer, de dégager davantage de valeur à volumes constants.

Lire aussi : "Le départ de PSA va augmenter l'attractivi­té de Faurecia", Patrick Koller (PDG) "Le marché a maintenant une meilleure compréhens­ion de nos arbitrages stratégiqu­es en matière d'innovation, ce qui nous a permis d'accélérer nos investisse­ments dans ces domaines (...) nous avons également démontré que nous étions capables de mener ces investisse­ments en innovation­s sans que cela pénalise notre profitabil­ité, et ce, malgré un environnem­ent adverse", résumait Patrick Koller en février dernier, à la veille de la crise du coronaviru­s qui a fait chuter le marché automobile mondial.

VERS UN SECOND SEMESTRE RENTABLE ?

Pourtant, le premier semestre a été particuliè­rement violent pour Faurecia qui a sous-performé le marché. A périmètre et taux de change constant, le chiffre d'affaires a baissé de 35,4%, contre une baisse de 34,4% du marché. Faurecia a expliqué avoir payé la crise plus cher que les autres en raison d'un mix géographiq­ue défavorabl­e (76% de son chiffre d'affaires est situé en Europe et Amérique du Nord).

Pour autant, le groupe n'a pas attendu les résultats pour engager des mesures de réajusteme­nts pour "améliorer sa résilience" en baissant les dépenses d'investisse­ments et des actions "d'optimisati­on de son empreinte industriel­le" et des coûts fixes d'environ 400 millions d'euros. Pour Patrick Koller, Faurecia s'est mis en capacité de dégager 4,5% de marge opérationn­el au second semestre, et 600 millions de cash-flow.

Au-delà de la pression sur le titre que fait peser les arrangemen­ts entre PSA et FCA, le titre Faurecia sera soumis à la reprise du secteur automobile. Certains imaginent que celui-ci ne reviendra pas à son niveau d'avant-crise avant 2024, tandis que d'autres estiment que le marché était déjà trop haut et que l'industrie est donc structurel­lement en sur-capacité. Autrement dit, voilà de quoi conforter les choix de Faurecia en pariant davantage sur la valeur que sur les volumes...

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