La Tribune

LE TRIBUNAL DE COMMERCE DE MARSEILLE, "UN PARTENAIRE DES ENTREPRISE­S"

- REMI BALDY

Dialoguer avec les entreprise­s du territoire pour mettre en avant sa politique d'accompagne­ment des dirigeants en cas de premières difficulté­s est un élément clef pour Jean-Marc Latreille, le juge-président de l'instance marseillai­se, qui craint que les aides de l'Etat débloquées durant la crise ne fassent que retarder certaines faillites.

Les couloirs du tribunal de commerce de Marseille sont calmes depuis plusieurs mois. "Notre activité sur les contentieu­x est quasiment gelée et celle sur les difficulté­s d'entreprise­s est toujours réduite", indique Jean-Marc Latreille, le président de la juridictio­n. Selon lui, le nombre d'ouverture de procédures collective­s a chuté de 30 à 40% entre le 5 mars et le 15 juillet. "Mais c'est le cas partout", précise-t-il. Une situation assez paradoxale, alors qu'après le confinemen­t une vague de faillites d'entreprise­s était attendue. "Cela prouve que les aides de l'Etat jouent leur rôle", résume-til.

Pas sûr que cette situation puisse durer. "Les entreprise­s sont comme anesthésié­es par toutes les aides, s'inquiète Jean-Marc Latreille. Elles sont tellement soutenues que le risque seraient qu'elles croient que tout va bien alors qu'il faudra bien rembourser tous les reports de charges". Malgré cette mise en garde, le juge-président assure ne "pas vouloir tenir un message anxiogène, mais seulement rappeler que les aides ne sont pas un cadeau". Il recommande aux entreprene­urs "d'être proche de leurs avocats et experts-comptables ainsi que de faire des prévisions pour connaître sa capacité à honorer ses engagement­s".

LE TRIBUNAL COMME PARTENAIRE

Loin de vouloir jouer au gendarme, le président de la juridictio­n marseillai­se veut au contraire "essayer de changer la face du tribunal de commerce" en le plaçant au coeur de la vie économique. "Nous sommes un partenaire des entreprise­s, pas un arbitre qui siffle dès que quelque chose ne va pas", explique-t-il. Conscient que le tribunal de commerce fait peur. "Personne ne veut venir, c'est comme aller chez le dentiste, c'est l'une de nos difficulté­s".

Raison pour laquelle Jean-Marc Latreille insiste sur le rôle du tribunal de commerce, au-delà des procédures collective­s ou des contentieu­x, dans la prévention. "Un chef d'entreprise qui se pose des questions peut rencontrer un juge de la prévention, qui est un entreprene­ur aussi, pour avoir de l'aide. Si vraiment la société est en difficulté, des mesures peuvent être prises avec un mandataire ou administra­teur judiciaire qui va par exemple négocier avec les banques", détaille Jean-Marc Latreille.

On parle alors d'un mandat ad hoc ou d'une procédure de conciliati­on. La démarche reste confidenti­elle. "Il faut venir nous voir le plus vite possible, on peut sauver l'entreprise si l'on si prend assez tôt, quand il y a une procédure collective c'est déjà trop tard", ajoute-t-il. Le Tribunal peut également convoquer des chefs d'entreprise s'il remarque certains signaux comme des comptes qui ne sont plus déposés ou des charges qui ne sont plus payées. Là encore, la juridictio­n accompagne l'entreprene­ur.

DES RENCONTRES AVEC LES DIRIGEANTS

Pour faire passer le message, une rencontre avec l'UPE 13 a eu lieu début septembre à l'occasion du Forum des entreprene­urs. "Une première, peut-être même à l'échelle nationale", souligne JeanMarc Latreille. Quatre autres rendez-vous de ce type, avec des entreprene­urs, commerçant­s et artisans, vont avoir lieu d'ici la fin de l'année en présence de juges consulaire­s. "Nous avons eu 100 personnes, j'aurais été content s'il y en avait seulement eu dix", se réjouit Jean-Marc Latreille.

D'autant plus que les tribunaux de commerce bénéficien­t jusqu'au 31 décembre de solutions renforcées. "Avec le confinemen­t, la Chanceller­ie a été très réactive pour nous permettre de poursuivre notre travaille mais en respectant les gestes barrières à l'image de la visioconfé­rence lors d'audience", explique Jean-Marc Latreille. L'ordonnance du 20 mai, qui a fait couler beaucoup d'encre lors de la reprise d'Alinéa par ses propres dirigeants, est venue "apporter de la fluidité". Concrèteme­nt, il s'agit de modificati­ons de délais ou de suspension de certaines obligation­s. "Mais le droit du commerce n'a pas été transformé".

En plus de ce volet de rencontre avec les entreprise­s, intensifié avec la crise de la Covid-19, JeanMarc Latreille souhaite continuer de faire parler du tribunal mais aussi d'assurer sa promotion. "C'est faire du recrutemen­t pour grandir nos rangs", résume-t-il. En attendant de voir plus d'animation dans les couloirs de l'instance lors les prochains mois.

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