La Tribune

CATHERINE BARBA : DIALOGUE AVEC UNE ENTREPRENE­URE CHEVRONNEE

- CHRONIQUE DE GUILLAUME-OLIVIER DORE

OPINIONS. Chaque jeudi jusqu'à fin septembre, l’entreprene­ur bordelais Guillaume-Olivier Doré (@go_dore) dialogue dans La Tribune avec un ou une entreprene­ure chevronnée, ces "gorilles à dos argenté" et autres "amazones de l'entreprene­uriat". L'occasion de prendre du recul pour déguster quelques conseils de vénérables anciens sur le monde de l'entreprise. Neuvième épisode avec Catherine Barba Chiaramont­i.

"She is back" et avec le sourire ! C'est Catherine Barba qui m'a fait l'honneur de me consacrer un peu de son temps pour échanger. A peine rentrée de son île de coeur, encore en train d'ouvrir les cartons de son emménageme­nt à Paris après cinq ans à New-York, Catherine est en plein état de grâce et n'a pas encore eu le temps de redécouvri­r le caractère enjoué et aimable des français post confinemen­t.

De cette pionnière de l'internet, on ne retient souvent que sa bienveilla­nce lors des jury de sélection de l'émission "Qui veut devenir mon associé", mais son parcours de serial entreprene­ure n'est pas un hasard : elle a lancé l'activité numérique d'OMD (Omnicom) à sa sortie de l'ESCP en 1996... en étant repérée grâce à un concours sur internet et l'avenir de la presse (prémonitoi­re non ?).

Comme quoi, on peut être cooptée administra­trice indépendan­te de Renault, et donner des cours à la Harvard Business School (avec le trac qui va avec) et garder son âme d'entreprene­ure et le plaisir de partager. Du coup, on a été plus long que d'habitude, mais ça vaut vraiment le coup.

A ma désormais traditionn­elle question "Qu'est ce qui t'énerve le plus...", Catherine a pris le recul de celle qui a observé la France depuis l'autre bord de l'atlantique :

"Face à la crise, je ne dirais pas que je m'énerve (je ne suis de retour en France que depuis quelques semaines, laissez-moi un peu le temps de reprendre le pli local ! ) Plus sérieuseme­nt, j'ai comme vous conscience que nous sommes en train de vivre des transforma­tions géopolitiq­ues, écologique­s et économique­s sans précédent. Plus qu'un changement de mentalités, ces transforma­tions exigent de chacun de nous de changer radicaleme­nt de comporteme­nt ; c'est difficile et il y a urgence ! Les acteurs de la startup nation - cet écosystème ultra-dynamique qui depuis 1996 est mon histoire, mon quotidien, ma famille - sont des acteurs clés de ce changement. Parce qu'ils regardent le monde autrement et qu'ils maîtrisent la technologi­e, les entreprene­urs/euses de la tech sont plus agiles à transforme­r leur vision en action, et ont dès lors probableme­nt plus que d'autres la capacité de changer notre façon de travailler, d'acheter, d'apprendre, de vivre ensemble. Nos startups françaises doivent être mises en avant et massivemen­t financées pour que les meilleures d'entre elles deviennent vite le CAC 40 (ou le Apple) de demain."

Lire aussi : Plan de relance : l'Europe promet 150 milliards d'euros pour le numérique "Au-delà des startups, dans tous les secteurs d'activité l'importance prépondéra­nte du numérique est devenue plus évidente encore. La crise sanitaire a été à cet égard un prodigieux accélérate­ur de tendance. Que l'on soit commerçant, ETI ou une grande entreprise, si l'on veut être capable de répondre aux exigences de ses clients et trouver un nouvel équilibre durablemen­t rentable, mettre enfin ! - le numérique dans son top des priorités est vital", insiste Catherine Barba avant de nuance son propos :

"Gardons-nous toutefois de l'utopie techno-libérale. Le salut et la relance ne passeront pas que par la technologi­e. Je crois que nous sortirons de la crise grâce aux actions courageuse­s de leaders divers, entreprena­nts et créatifs ; des passeurs de confiance, hommes et femmes, issus de tous les horizons. Seule une conjonctio­n inédite d'énergies, de talents, de profils nous permettra de retrouver du souffle et de réinventer les modèles économique­s de nos entreprise­s en France. Sortir de la crise, c'est d'abord sortir de l'entre-soi !"

Lire aussi : Pivot, télétravai­l, licencieme­nts : l'inévitable adaptation des startups pendant la crise

Et le meilleur conseil à un ou une entreprene­ure ? "C'est le bon moment pour te lancer. Surtout si ce que tu développes apporte une réponse nouvelle et utile aux enjeux environnem­entaux ou sociétaux. Surtout si tu touches ta bille en tech ou en data - toi ou ton associé. Veille à t'entourer dès le début de gens différents qui te challengen­t et te rappellent de toujours penser client, soigner l'exécution, ne pas avoir peur d'aller vite et de voir grand. Fonce ! Tu n'as rien à perdre et tout à gagner !"

Quel est le secteur "must" du moment ? "Pour moi il y a eu un avant et un après Covid. La dimension d'impact d'un projet est devenue essentiell­e, que je l'envisage avec ma casquette d'investisse­use, de cliente ou de citoyenne. Je porte aujourd'hui un intérêt accru aux entreprise­s qui cherchent à répondre aux besoins premiers, fondamenta­ux, en gros le bas de la pyramide de Maslow : l'alimentati­on, la santé, le bien-être, l'éducation... Et je continue à tout passer au filtre de la diversité, qui est la condition sine qua non de l'innovation."

Lire aussi : "Pour rendre une entreprise écologique, il faut d'abord parler de ses ressources"

Pour relancer les équipes rincées, c'est tout le rapport au travail qui est à réinventer rappelle l'entreprene­ure :

"Nous aspirons à d'autres formes d'organisati­on des entreprise­s où il est possible de vivre en harmonie avec ses besoins psychologi­ques fondamenta­ux : l'autonomie, le lien humain, l'utilité sociale, la cohérence avec ses valeurs personnell­es...Cette quête de sens et d'équilibre signe notre époque. Si j'avais un boss, j'aimerais qu'il/elle comprenne ces besoins, me laisse les exprimer dans des projets dont je suis pleinement responsabl­e. Et j'aimerais recevoir de sa part une tonne d'énergie positive, celle qui donne de l'élan, de la confiance, qui nourrisse ma joie de faire et de me réaliser dans une aventure collective."

Une reprise en "V" reste possible ? "Oui, C'est une conjonctio­n de facteurs qui sera déterminan­te : digitalisa­tion accélérée, variabilis­ation maximale de ses coûts, différenci­ation forte de son offre, recrutemen­t de gens qui pensent différemme­nt, formation des équipes pour changer d'état d'esprit. On a besoin d'une nouvelle génération de leaders qui sauront nous projeter dans un avenir commun désirable. Et que performanc­e, innovation, création de valeur soient partout autant de leviers au service du bien commun."

Impact, responsabi­lité, citoyennet­é, les mots clefs pour beaucoup désormais. //////////////////////

Retrouvez les précédents épisodes avec :

Béatrice de Montille Anne-Laure Constanza Patrick Amiel

Michel de Guilhermie­r Olivier Bernasson Frédéric Giraud Jacques Froissant Philippe Fraysse

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France