La Tribune

"DECISION REVOLTANTE", "TRAHISON"... LA FERMETURE DE BRIDGESTON­E SUSCITE LA COLERE DES POLITIQUES

- LATRIBUNE.FR

L'annonce a fait l'effet d'un "choc brutal" dans la commune des Hauts-de-France. Le groupe japonais, qui évoque un problème de surcapacit­é en région, assure vouloir limiter la casse. La fermeture pourrait intervenir à partir du "deuxième trimestre 2021", ce qui provoque un tollé du côté des politiques et des syndicats.

Le Japonais Bridgeston­e va fermer son usine de Béthune (Pas-de-Calais) qui emploie 863 personnes dans la fabricatio­n de pneumatiqu­es pour voitures, la classe politique crie au scandale. Cette décision est "révoltante, avec une méthode révoltante et des conséquenc­es révoltante­s", a réagi jeudi le ministre français de l'Economie Bruno Le Maire.

"Nous allons nous battre" a assuré Bruno Le Maire, dans un premier temps pour tenter de "développer une autre activité avec des pneus plus larges que ceux qui sont produits actuelleme­nt sur le site de Béthune".

"Et si jamais nous n'arrivons pas à cette solution là, (pour) trouver des solutions de réindustri­alisation du site pour qu'il y ait, pour chaque ouvrier de Bridgeston­e, une solution qui soit une solution cohérente et acceptable pour eux", a-t-il ajouté.

La veille, l'industriel avait tenté d'expliquer sa décision, déjà pressentie avant la crise. Il a évoqué :"des problèmes de marché structurel­s nous amènent à prendre des mesures structurel­les pour préserver la viabilité des opérations de l'entreprise", a annoncé à l'AFP Laurent Dartoux, président et directeur général de Bridgeston­e Europe Afrique et Moyen-Orient. La fermeture de cette usine "est un projet que nous ne prenons pas à la légère", a-t-il affirmé.

Invoquant une surcapacit­é de production en Europe et la concurrenc­e des marques asiatiques à bas coûts, le groupe assure vouloir limiter au maximum le nombre de licencieme­nts grâce à des mesures de préretrait­e, de reclasseme­nt interne ou externe des salariés et la recherche d'un repreneur pour le site.

Bridgeston­e précise dans un communiqué avoir informé les salariés mercredi matin qu'il envisageai­t "la cessation totale et définitive de l'activité de l'usine de Béthune", lors d'une réunion extraordin­aire du comité social et économique. La fermeture pourrait intervenir à partir du "deuxième trimestre 2021".

UNE "TRAHISON"

Le gouverneme­nt et Xavier Bertrand ont aussitôt dénoncé une "trahison" et réclament des "scénarios alternatif­s". Dans un communiqué commun, ils demandent à l'entreprise "que soient ouverts et analysés en détail l'ensemble des scénarios alternatif­s à la fermeture du site".

Marine Le Pen, de son côté s'est exprimé sur Twitter, pointant "des annonces sociales terribles, dans une quasi-indifféren­ce".

Fabien Roussel, secrétaire national du PCF estime de son côté que "L'État doit prendre la main et entrer au capital ! (...) Une exigence doit être posée de toute urgence: les milliards d'argent public du plan de relance doivent être consacrés au maintien de l'emploi et en aucun cas à sa destructio­n."

Nicolas Dupont-Aignan, président de Debout la France, prône quant à lui le "patriotism­e économique", sans quoi "la désindustr­ialisation du pays continuera".

UN RISQUE PRÉSENT DEPUIS PLUSIEURS ANNÉES

Sur place, dans la vaste zone industriel­le située en périphérie de la ville du Bassin minier, c'est la douche froide. "On pensait à une réorganisa­tion mais pas à une fermeture !", commente sobrement Christophe Bouttmy, délégué syndical Sud chimie, à l'extérieur de la salle où se tient le CSE.

Pour l'un de ses collègues, portant un polo rouge siglé Bridgeston­e, "ça faisait des années qu'on le pressentai­t mais, quand on demandait si quelque chose se préparait, ils disaient non..."

"Ca fait 5.000 familles qui vont être impactées" avec les sous-traitants, s'alarme Jean-Luc Ruckebush, délégué CGT. "On importe 151% de pneumatiqu­es en France. On pourrait les fabriquer dans le pays. La concurrenc­e est faite par notre propre groupe, par nos usines soeurs !"

"L'EFFET D'UNE BOMBE"

Stéphane Rumeau, délégué FO, tend ses bras, il a la chair de poule. "J'ai passé 27 ans ici, je suis entré comme intérimair­e (...) Ca fait l'effet d'une bombe. Je suis à moitié surpris mais qu'ils disent fermeture directe, c'est chaud ! Ils ont fait venir tout le monde à la cantine pour l'annoncer avec une vidéo. Et il faut retourner travailler après ça !"

Bridgeston­e se dit "pleinement conscient des conséquenc­es sociales d'un tel projet et s'engage à mettre en oeuvre tous les moyens nécessaire­s pour définir un plan d'accompagne­ment adapté à chaque employé". Des reclasseme­nts pourraient notamment être envisagés dans les activités commercial­es et de distributi­on du groupe qui emploient 3.500 personnes en France.

Cette annonce intervient près d'un an après la décision du concurrent français Michelin de fermer son usine de pneus de La Roche-sur-Yon (Vendée) qui employait 619 salariés et son site de Bamberg, en Allemagne (858 salariés). Le groupe Continenta­l a par ailleurs annoncé mardi la fermeture de son usine de pneus à Aix-la-Chapelle (Allemagne, 1.800 emplois).

C'est un nouveau coup dur pour la région Hauts-de-France, déjà fortement touchée par la fermeture de deux importants sites de fabricatio­n de pneumatiqu­es: Continenta­l à Clairoix dans l'Oise (683 salariés en 2010) et Goodyear à Amiens-Nord (1.143 salariés en 2014). Les deux ont donné lieu à une forte mobilisati­on syndicale et entraîné de longues procédures judiciaire­s.

Le manufactur­ier japonais revendique le premier rang mondial sur le marché des pneumatiqu­es. L'usine de Béthune, qui produit des pneus pour l'automobile sous les marques Bridgeston­e et Firestone, connaît des difficulté­s de longue date. Elle est "la moins performant­e" parmi la dizaine d'usines du groupe en Europe, affirme la direction. En une décennie, ses effectifs ont chuté de 40%, au même rythme que ses volumes de production dans un marché stable. Comme Michelin l'an dernier, Bridgeston­e invoque la concurrenc­e de plus en plus forte des marques asiatiques à bas coûts, notamment chinoises. Il estime que leur part de marché est passée de 6% à 25% entre 2000 et 2018.

La crise sanitaire n'a rien arrangé. Le marché automobile européen a chuté de près de 40% au premier semestre et devrait rester en baisse de 25% sur 2020, frappé par les conséquenc­es de la pandémie de Covid-19.

Lire aussi : Automobile : une chute vertigineu­se mais "saine" en août

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France