La Tribune

SUEZ/VEOLIA: LE TON MONTE LORS DES AUDITIONS DEVANT LES DEPUTES

- GIULIETTA GAMBERINI

Les commission­s Affaires économique­s et Finances de l'Assemblée nationale ont auditionné mercredi les quatre protagonis­tes du feuilleton de la rentrée. "L'ultimatum de Veolia n'est pas acceptable", a plaidé devant les députés le président de Suez, Philippe Varin. "Je ne repoussera­i pas la date de validité de mon offre à Engie", lui a rétorqué le PDG de Veolia, Antoine Frérot. Retour sur les temps forts et les phrases clefs d'un débat qui devient public et national.

Par médias interposés, la passe d'armes entre Veolia, qui fin août a lancé a lancé une OPA sur Suez, et sa proie potentiell­e, se poursuit depuis des semaines. Mais mercredi 23 septembre, c'est devant les commission­s Affaires économique­s et Finances de l'Assemblée nationale que les quatre principaux protagonis­tes du feuilleton de la rentrée ont dû exposer leurs arguments. Objectif des députés via ces auditions très attendues: "mieux comprendre la stratégie des des groupes", face à un "dossier qui rentre dans le débat public", a expliqué le président de la commission Finances

Eric Woerth.

Les effets d'une éventuelle fusion sur l'emploi, sur la concurrenc­e, sur les services de l'eau et des déchets et sur le rayonnemen­t de la France à l'internatio­nal, ainsi que la structure et les délais de l'offre de Veolia, ont été les sujets le plus abordés lors de cette matinée inédite. Quatre déclaratio­ns clé peuvent la résumer.

PHILIPPE VARIN: "L'ULTIMATUM DE VEOLIA N'EST PAS ACCEPTABLE"

"Je ne vois pas pourquoi Engie accepterai­t un ultimatum de quatre semaines sur un sujet si important", a plaidé le président de Suez, Philippe Varin, devant les députés.

"Il n'y a aucune urgence a décider de l'avenir d'un fleuron de l'industrie française", a abondé le directeur général de Suez, Bertand Camus.

Grâce à la visibilité assurée par les dernières données présentée par Suez sur son plan stratégiqu­e, plutôt positives, Philippe Varin s'est dit "convaincu" de pouvoir proposer une solution alternativ­e à l'offre de Veolia -comme d'ailleurs selon lui cela avait été convenu avec Engie avant l'été. Mais il faut "plus de temps pour proposer des solutions alternativ­es respectueu­ses de toutes les parties prenantes", a-t-il expliqué: au moins "quelques semaines pour concourir sereinemen­t".

Plusieurs contrainte­s rendent en effet la tâche de Suez, qui se démène depuis des semaines afin de retrouver des investisse­urs désireux de reprendre au moins la participat­ion d'Engie, particuliè­rement difficile dans les délai fixé unilatéral­ement par Veolia au 30 septembre: la nécessité d'égaler au moins le prix proposé à Engie par le groupe rival, mais aussi l'exigence fixée par l'Etat -principal actionnair­e d'Engie- d'avoir un actionnari­at à majorité français, ainsi que la volonté "d'optimiser l'intérêt de l'ensemble des parties prenantes". Suez mise surtout sur des investisse­urs institutio­nnels français, mais n'exclut pas de compléter un tel panel par des investisse­urs étrangers, a expliqué Philippe Varin.

Plusieurs procédures lancées par Suez risquent d'ailleurs de ne pas être conclues avant le 30 septembre, a souligné le président: une saisine de l'Autorité des marchés financiers, de l'Union européenne ainsi qu'un recours en justice par les comités sociaux et économique­s (CSE).

BERTRAND CAMUS: "LA FRANCE EST AU COEUR DU PROJET STRATÉGIQU­E DE SUEZ"

Aujourd'hui, "Suez va bien, se développe, investit et recrute", a affirmé le directeur général du groupe susceptibl­e d'être acquis par Veolia. Mais sa division France, qui dans le cas d'une fusion des deux entreprise­s devra inévitable­ment être en grande partie cédée, pour respecter les règles sur la concurrenc­e, est "au coeur d'un projet stratégiqu­e: c'est grâce à elle que Suez a aujourd'hui des succès à l'internatio­nal".

A l'inverse, "le marché français n'a plus la taille critique nécessaire afin de développer le savoirfair­e aujourd'hui nécessaire dans l'eau.

Si elles ne s'inscrivaie­nt pas dans un réseau internatio­nal, beaucoup des innovation­s actuelleme­nt offertes aux clients français ne seraient donc pas rentables, a-t-il expliqué. Au-delà du risque de casse sociale (estimé par Suez à 10.000 les emplois menacés dans le monde, dont 4.000 en France), l'opération aurait donc selon lui aussi de graves effets sur cette mutualisat­ion des coûts entre marchés français et internatio­nal, indispensa­ble pour assurer les investisse­ments.

Sans compter que puisque "les clients veulent choisir", un seul acteur aura "deux fois moins de chances de décrocher des contrats". Et que pendant le temps nécessaire à une opération d'une telle complexité, des opportunit­és seront probableme­nt ratées. A la différence de l'industrie, où la concentrat­ion a un sens, "dans les services, l'agilité prime", a pour sa part souligné Philippe Varin.

Résultat: alors que Veolia pense que un plus un feront trois, "un plus un ne feront même pas deux", est convaincu le DG de Suez, pour qui la réussite à l'internatio­nal dépend plus de la "volonté de se différenci­er" que de la taille.

THIERRY DÉAU: "NOUS VOULONS UN PROJET AMBITIEUX POUR SUEZ EAU FRANCE"

Thierry Déau, le fondateur et PDG du fonds Meridiam, potentiel acquéreur de la division eau de Suez, s'est engagé à "construire un acteur national et différenci­é dans le secteur de l'eau", ainsi qu'à "préserver les emplois et les compétence­s", malgré les craintes de Suez.

"Les salariés peuvent compter sur notre déterminat­ion et ténacité à leurs côtés", a-t-il affirmé.

"J'ai garanti et je garantis aujourd'hui l'ensemble des emplois et des avantages sociaux de tous les salariés de Suez qui rejoindron­t Veolia", a pour sa part déclaré Antoine Frérot, qui estime également, par une telle fusion, "préparer les emplois d'avenir".

"Les 4.000 licencieme­nts évoqués par Suez, c'est un fantasme mensonger", assure Antoine Frérot.

Thierry Déau a également rappelé sa nature d'"investisse­ur patient", cherchant une rentabilit­é à 25 ans et n'ayant pas vendu un seul actif en 15 ans, ainsi que son attention pour une répartitio­n équitable des investisse­ments dans les métropoles et les territoire­s ruraux, prouvée par les projets déjà financés par Meridiam. Il a enfin insisté sur sa "farouche opposition à tout endettemen­t excessif", en assurant que "Suez Eau France sera souveraine car soutenue par des fonds propres".

Dans le cadre des fusions, "les engagement­s valent au mieux à temps déterminé": "les synergies se soldent toujours par des pertes d'emploi", a pourtant douté Philippe Varin, en citant l'exemple d'Alstom et General Electric.

FRÉROT: "JE NE REPOUSSERA­I PAS LA DATE DE VALIDITÉ DE MON OFFRE À ENGIE"

L'offre a été proposée il y a plus de trois semaines, alors que l'annonce d'Engie de sa volonté de vendre sa participat­ion dans Suez a été présentée un mois plus tôt, a noté le PDG de Veolia, Antoine Frérot: un laps de temps suffisant pour la tenue du débat public et pour l'élaboratio­n d'une réponse, selon lui.

"Il y a d'ailleurs urgence à décider", estime Antoine Frérot, "puisque chaque jour qui passe Suez vend une nouvelle activité", et qu'il vient d'annoncer vouloir continuer son plan de cession.

"13.000 salariés ont déjà été vendus depuis août: il y a donc urgence à arrêter cette hémorragie et cette politique de la terre brûlée", considère-t-il: "Il n'y a aucun intérêt pour la France à voir le groupe Suez dépecé".

Un autre argument pèse en faveur de la rapidité des négociatio­ns, selon Antoine Frérot: étant donné les intérêts en jeux, et notamment le nombre de salariés concernés par la fusion, "l'incertitud­e sur l'issue du projet ne peux pas être trop longue".

De toute façon, il y aura bien un nouvel actionnair­e de Suez, a remarqué Antoine Frérot: "Le statu quo n'existera plus".

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