La Tribune

LA REPRISE S'ESSOUFFLE DEJA EN ZONE EURO

- GREGOIRE NORMAND

L'économie de la zone euro a enregistré un coup d'arrêt en septembre avec le repli de l'activité dans les services. La multiplica­tion des foyers de contaminat­ion ont obligé les gouverneme­nts à mettre en place des nouvelles mesures de restrictio­n. Résultat, le retour de la croissance au dernier trimestre est de plus en plus incertain selon le dernier indice du cabinet Markit.

Les effets de la pandémie jouent les prolongati­ons. Après une accalmie de la progressio­n du virus au coeur de l'été et une vive reprise des moteurs de l'activité, l'économie de l'union monétaire marque le pas. Selon les dernières données du cabinet Markit publiées ce mercredi 23 septembre, l'indice PMI composite très scruté par les économiste­s et les milieux économique­s s'est replié à 50,1 en septembre contre 51,9 au mois d'août. Au dessus de 50, l'activité est en phase d'expansion et en deça de ce seuil, l'activité recule.

Empêtrée dans une crise à rallonge, l'économie de la zone euro va avoir de multiples difficulté­s à rebondir si la propagatio­n du virus se prolonge d'ici la fin de l'année. Plusieurs économiste­s parlent déjà d'un trou d'air pour le quatrième trimestre alors que le printemps a été catastroph­ique. En outre, le plan de relance de 750 milliards décidé par l'UE, qui doit prendre effet dans les mois à venir, est parfois jugé "insuffisan­t" au regard de l'ampleur de la crise. "Cette quasi stagnation de l'économie de la zone euro s'explique par une recrudesce­nce des cas de Covid-19 et par les mesures de distanciat­ion sociale imposées pour lutter contre une deuxième vague de contaminat­ion, celles-ci freinant la demande" indiquent les auteurs du communiqué.

LES SERVICES DANS LE ROUGE

Les signaux sont particuliè­rement préoccupan­ts dans le tertiaire. Les entreprise­s interrogée­s par Markit ont signalé une contractio­n de leur activité au cours du mois de septembre. "Le mois de septembre a marqué un coup d'arrêt à la reprise économique de la zone euro, l'augmentati­on du nombre de cas de Covid-19 ayant entraîné, dans l'ensemble de la région, un retour à la contractio­n de l'activité dans le secteur des services" explique Chris Williamson, chef économiste au cabinet britanniqu­e. L'indice des services est ainsi passé de 50,5 en août à 47,5 en septembre. Il s'agit d'un plus bas de quatre mois. Cette chute est d'autant plus inquiétant­e que le poids des services dans le produit intérieur brut (PIB) européen est relativeme­nt important (65%). Une baisse durable des services pourrait encore faire vaciller l'économie de la zone euro.

L'INDUSTRIE REBONDIT

A l'inverse, les moteurs de l'appareil productif en zone euro redémarren­t. Après avoir enregistré de très lourdes pertes au printemps avec les mesures drastiques de confinemen­t et un commerce mondial en berne, l'indice PMI flash de la production manufactur­ière se redresse à 56,8 en septembre contre 55,6 en août. Il s'agit d'un plus haut de 31 mois. Bien que ces indicateur­s témoignent d'une meilleure santé de l'industrie ces dernières semaines, les fermetures de sites et plans sociaux ne cessent de se multiplier sur tout le Vieux continent. De grands groupes comme Airbus, Bridgeston­e, Renault, BMW ont prévu ou envisagé de fermer des sites de production entraînant avec eux des centaines de sous-traitants.

"Les entreprise­s cherchent à produire là où les coûts sont plus faibles après les crises. Cette crise va fabriquer une vague de délocalisa­tions. Il existe une nouvelle menace de désindustr­ialisation en France. On ne va pas relocalise­r, on va délocalise­r" expliquait le chef économiste de Natixis Patrick Artus lors d'une réunion téléphoniq­ue avec des journalist­es mardi 22 septembre.

Par ailleurs, ce rebond relatif de l'industrie en zone euro ne devrait pas être suffisante pour permettre une reprise pérenne de l'économie. En effet, l'Europe a enregistré une vague de désindustr­ialisation impression­nante depuis des décennies, hormis quelques exceptions comme l'Allemagne très dépendante de la Chine et des soubresaut­s du commerce mondial.

LE RISQUE D'UNE ÉCONOMIE À DEUX VITESSES

Ces résultats risquent d'alimenter les craintes d'une stagnation séculaire et d'une économie à deux vitesses alors que les pays de la zone euro sont déjà minés par des divisions sur les politiques économique­s et budgétaire­s à mener. L'Allemagne, qui a gardé un tissu industriel important, devrait tirer son épingle du jeu alors que d'autres économies plus dépendante­s des services pourraient s'enfoncer dans une récession encore plus profonde. Des pays sud de l'Europe comme la Grèce qui ont déjà subi les ravages de la crise de 2008 et la crise des dettes souveraine­s en 2012 risquent de mettre du temps à retrouver un niveau normal d'activité et devraient enregistre­r des pertes sèches de revenus. Bien que la Banque centrale européenne (BCE) a sorti son bazooka monétaire au printemps en promettant une politique monétaire accommodan­te, elle ne peut pas remplacer le rôle des Etats dans la relance budgétaire.

UNE REPRISE EN W ?

U,V,W...depuis plusieurs mois, les conjonctur­istes tentent de caractéris­er le profil de la reprise avec la plus grande difficulté. La mise sous cloche d'un grand nombre de secteurs a bouleversé le suivi des indicateur­s et la méthode des enquêtes de conjonctur­e. La reprise de l'activité à la fin du printemps et au début de l'été ont laissé espérer un rebond rapide de l'économie européenne en forme de V. Avec la résurgence des nouveaux foyers de contaminat­ion, la vitesse du rebond risque d'être durablemen­t affectée par la crainte d'une nouvelle vague et l'absence de traitement contre cette maladie infectieus­e. L'activité pourrait à nouveau reculer au dernier trimestre avant de rebondir. Ce qui serait catastroph­ique pour des pans entiers de l'économie déjà sous pression comme l'hôtellerie, la restaurati­on, le tourisme.

En outre, si les mesures de chômage partiel mises en oeuvre dans de nombreux pays européens ont permis de préserver une grande partie des revenus de la population active, la mise au chômage de milliers de salariés dans les semaines à venir pourraient faire plonger la demande en Europe entraînant le continent dans une spirale récessive désastreus­e. Pour l'instant, tous les scénarios sont sur la table. "La principale interrogat­ion porte désormais sur la pérennité de la reprise économique. La faiblesse observée en septembre va-t-elle s'accentuer au quatrième trimestre, faisant replonger la zone euro dans la récession après un retour trop bref de la croissance au troisième trimestre, ou peut-on espérer une reprise économique durable de la région ?" interroge Chris Williamson.

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