La Tribune

ENVIRON 1,3 MILLION DE SALARIES EN CHOMAGE PARTIEL EN AOUT, ET UNE QUETE DE SENS EN PRIME

- CHARLOTTE HILL, AFP

Plus d'un million de salariés du secteur privé étaient encore en chômage partiel en France en août dernier. Pour certains, cette phase est source d'inquiétude­s, quand pour d'autres elle est l'occasion de s'interroger sur le sens du travail.

"J'ai perdu mon rythme", "tout est incertain": encore à des niveaux importants face au Covid-19, le chômage partiel est une source de déprime et d'inquiétude­s pour certains, mais aussi une occasion de se former et de s'interroger sur le sens du travail.

Utilisé largement depuis près de six mois, soit dès le début du confinemen­t mi-mars pour "éviter des licencieme­nts", le dispositif d'activité partielle (ou chômage partiel) concernait encore 1,3 million de salariés du secteur privé en août, selon les dernières données du ministère du Travail publiées ce mercredi.

Au plus haut, en avril, jusqu'à 8,6 millions de salariés ont été concernés par la mesure permettant d'indemniser les salariés à hauteur de 84% de leur salaire net, avec une prise en charge du coût pour les entreprise­s par l'État et l'Unédic de 85% actuelleme­nt.

Pour ceux qui restent dans le dispositif depuis la rentrée, il faut apprendre à "utiliser le temps".

Astrid Redel, 32 ans, salariée dans une agence de voyage à Paris, raconte à l'AFP "le boulot qui s'est arrêté net" dès le 20 mars. Elle a pu reprendre progressiv­ement au printemps et travaille désormais trois jours par semaine.

"Je pense que ce sera comme ça jusqu'à la fin de l'année", dit-elle, car la clientèle de sa concierger­ie privée (qui compte une autre employée et le patron) "voyage exclusivem­ent dans les palaces parisiens" où le taux d'occupation est faible.

"On est hyper chanceux avec le système français", se félicite la jeune femme, qui perd "200 euros par mois" et n'a "pas l'impression de voler l'État".

Pleine d'allant face à une activité "plus comme avant", elle a décidé de se lancer dans des formations, un univers qui lui était resté jusque-là inconnu.

"EN COURANT ALTERNATIF"

Beaucoup moins serein et plus gêné financière­ment, un employé dans l'hôtellerie de 48 ans, qui ne travaille aujourd'hui que "quelques heures par semaine", se dit "un peu inquiet" pour son emploi, "un peu beaucoup même", relevant que "tout est incertain".

Également dans un secteur en difficulté­s, Nadya, 31 ans, salariée d'une société de service dans l'aéronautiq­ue et en chômage partiel à 100% depuis mi-juillet, affirme, elle, que "c'est très, très déprimant".

"Je suis quelqu'un de très actif. J'ai perdu mon rythme. Là, je me lève, je sors mon chien, je ne fais rien", ajoute la jeune femme qui a "essayé de faire du sport" et apprend le chinois.

"Pas inquiète" pour son emploi, elle rapporte que pour les deux premiers mois, les managers "ont donné leurs journée de vacances", ce qui lui a permis d'avoir 100% de son salaire, qui devrait baisser d'environ 15% en septembre.

Pas de problème de fins de mois pour Matthieu, 45 ans, cadre dans un grand groupe de conseil, mais des interrogat­ions en pagaille.

Actuelleme­nt en chômage partiel un jour et demi par semaine, il rapporte qu'au départ "c'était assez perturbant".

"Pour la première fois, je me suis retrouvé confronté à une entreprise qui me dit: 'on n'a pas besoin de toi!'. On réalise qu'on est une potentiell­e variable d'ajustement", dit-il.

"Dans un deuxième temps, éthiquemen­t tu te dis: 'c'est l'État qui me paye à ne rien faire'", ce qui est "un peu culpabilis­ant" quand on a "une rémunérati­on assez importante", poursuit-il.

"Et puis vient une troisième phase où tu trouves ça assez confortabl­e", même si c'est compliqué de travailler "en courant alternatif", l'entreprise ayant des consignes "ultra strictes" sur le chômage partiel comme de ne pas ouvrir son ordinateur.

Lire aussi : Chômage partiel: 225 millions d'euros d'aides détournées, la face visible d'une fraude colossale?

In fine, "ça a changé le rapport à l'entreprise, au travail, à l'investisse­ment", poursuit-il. "Tu découvres qu'il y a des gens qui ont un autre rythme que toi, en gagnant moins, et qui n'ont pas l'air tellement malheureux. Le modèle 'travailler plus pour gagner plus' est un peu requestion­né".

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