L'AFFAIRE VEOLIA/SUEZ EN QUATRE ACTES
ACTE II : LA CONTRE-OFFENSIVE DE SUEZ
Seulement voilà : Suez n'entend pas se laisser faire. Dans une lettre adressée début septembre aux 90.000 salariés du groupe, son directeur général, Bertrand Camus, n'a pas mâché ses mots, qualifiant l'offre de Veolia de « particulièrement hostile ».
« Cette démarche n'est ni amicale, ni pertinente. Elle nie la spécificité de nos valeurs, de notre culture et de notre projet stratégique », détaille-t-il dans ce message.
Il a par la suite dit, dans une interview auprès du Figaro, toute son incompréhension au sujet de l'offre de Veolia, qu'il juge « aberrante pour Suez et funeste pour la France ».
ACTE III : LE POLITIQUE S'EN MÊLE
Dans ce dossier, il manquait une prise de position politique. Et elle s'est faite, par la voix du Premier ministre Jean Castex, en faveur de Veolia.
Jeudi 3 septembre, lors d'une conférence de presse, le chef du gouvernement a listé un certain nombre de conditions au rapprochement entre les deux géants, dont celle de la « logique industrielle ». De ce point de vue, « il me semble que l'opération en question fait sens », a estimé Jean Castex.
À l'inverse, Suez a reçu le soutien de Christian Estrosi, le maire de Nice et ex-ministre de l'Industrie, pour qui « fusion rime toujours avec nationalisation ! ».
ACTE IV : VERS UNE OFFRE ALTERNATIVE ?
Le ministre de l'Économie Bruno Le Maire a fini par temporiser en déclarant, dimanche 6 septembre dans un entretien à Europe1/Les Echos/CNews, que toutes les offres sur Suez seraient examinées avec la « même équité ».
Il n'en fallait pas plus pour qu'Engie invite dans la foulée Suez à rapidement proposer « une offre alternative » à celle présentée par Veolia, qu'il regardera « avec la même attention ».
Le groupe industriel énergétique français n'est en effet pas pleinement satisfait de l'offre proposée par Veolia, estimant que « le compte n'y est pas » à propos du prix proposé pour Suez. À ce propos, Veolia s'est dit prêt à discuter de tout, y compris du prix.
Dans ce dossier, l'État « refusera la précipitation », a pour sa part promis le ministre de l'Économie, mi-septembre.
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LES PRINCIPAUX PROTAGONISTES DE L'AFFAIRE :
Bertrand Camus, l'expérimenté (actuel patron de Suez)
[Crédits : Reuters]
Qualifié de « fin stratège et discret manoeuvrier » par L'Express dans un portrait qui lui est consacré, Jean-Pierre Clamadieu débute sa carrière dans l'administration française, « notamment au cabinet de la ministre du Travail de l'époque, Martine Aubry », précise l'hebdomadaire, où il croise le chemin de Muriel Pénicaud, ministre du Travail sous le gouvernement Philippe. En 1993, il intègre Rhône-Poulenc, un groupe chimique et pharmaceutique d'origine française avant d'être nommé, dix ans plus tard, directeur général de Rhodia, une émanation du groupe Rhône-Poulenc. En 2011, Rhodia fait l'objet d'une OPA lancée par le groupe Solvay et Jean-Pierre Clamadieu finit par prendre la tête du nouvel ensemble. Depuis 2018, année de sa nomination en tant que président du conseil d'administration d'Engie, Jean-Pierre Clamadieu est également président du conseil d'administration de l'Opéra national de Paris.
Antoine Frérot, le « stratège » (actuel PDG de Veolia)
« Habile stratège » pour L'Obs, doué d'un « sens de la tactique » selon Les Echos, Antoine Frérot est à la tête du leader mondial de l'eau et des déchets depuis 11 ans. Embauché en 1990, quand l'entreprise portait encore le nom de Compagnie générale des Eaux, il a d'abord grandi dans l'ombre d'Henri Proglio, quand ce dernier était encore président de Veolia, avant de s'en affranchir puis de se brouiller avec lui. « Ces dix dernières années, Frérot s'est attaché à réduire la dépendance du groupe au secteur public, en contractant davantage avec des clients privés », explique L'Obs, qui dépeint l'actuel PDG de Veolia comme « loin des canons classiques du patronat ». « Il a longtemps milité dans le vide pour que les grands groupes se dotent d'une "mission" qui ne soit pas seulement la création de valeur pour l'actionnaire, mais intègrent des objectifs sociaux ou environnementaux », précise le journal.
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ZOOM
LA QUESTION DU MONOPOLE, UN POINT DE BLOCAGE ?
Veolia le sait : si l'opération se concrétise, elle sera passée au crible de la législation antitrust. Pour éviter tout blocage, le géant a donc pris les devants et a déjà proposé de revendre, à terme, l'activité eau de Suez (qui représente 11.000 salariés) à un fonds d'infrastructure français, Meridiam. Samedi 12 septembre, ce dernier s'est dit prêt à un surcroît d'investissements de 800 millions d'euros pour développer cette branche. Là encore, Suez n'a pas hésité à montrer les crocs. « [Meridiam] n'a ni les compétences ni les capacités de gérer un actif de cette taille », a estimé son directeur général adjoint dans un entretien aux Echos jeudi 17 septembre.
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ENCADRÉ
(Avec AFP)