La Tribune

CHOMAGE : LES CRAINTES DES FRANCAIS S'AMPLIFIENT

- GREGOIRE NORMAND

La crise du Covid-19 a fortement accentué les craintes des Français pour l'emploi, plus de 7 Français sur dix estimant que la situation se dégrade, selon un baromètre Unédic de la perception du chômage publié ce jeudi.

Le spectre du chômage de masse prend de l'ampleur dans la tête des Français. Selon le dernier baromètre de l'Unédic réalisé par Elabe et publié ce jeudi 24 septembre, 73% des répondants estiment que le marché du travail s'est dégradé. Il s'agit d'une très forte hausse par rapport à la dernière enquête (+27 points). À l'opposé, 23% des personnes interrogée­s jugent que le marché du travail est resté le même (-16 points) et seulement 4% pensent qu'il s'est amélioré (-11 points).

La propagatio­n du virus sur l'ensemble du territoire depuis le printemps a plongé l'économie française dans l'incertitud­e la plus totale. Des millions de salariés se sont retrouvés en chômage partiel en seulement quelques jours. Avec la mise sous cloche de secteurs entiers comme la restaurati­on ou l'hôtellerie pour limiter la propagatio­n du virus, l'activité tricolore a enregistré une chute brutale et violente pendant les huit semaines de confinemen­t avant de pouvoir redémarrer progressiv­ement. Depuis la rentrée et la résurgence du virus, les craintes se multiplien­t dans la population active.

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UN SENTIMENT QUI TRAVERSE TOUTES LES CATÉGORIES

Ce sentiment d'inquiétude est partagé par l'ensemble des catégories socioprofe­ssionnelle­s. Ainsi, 93% des Français déclarent que tout le monde peut connaître une période de chômage au cours de sa carrière. Et ils estiment qu'aucun profil ne se dégage.

"La crise sanitaire et économique amplifie la crainte liée à l'emploi. La dégradatio­n assez forte est perçue de manière assez homogène par toutes les catégories socioprofe­ssionnelle­s", a expliqué Christophe Valentie, directeur général de l'Unédic lors d'un point presse.

Cette idée de vulnérabil­ité pourrait encore se renforcer dans les mois à venir avec la multiplica­tion des plans sociaux et de la montée du chômage.

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LE CHÔMAGE PARTIEL A PLUTÔT ÉTÉ BIEN VÉCU

La montée en puissance du chômage partiel pour limiter la casse sociale et préserver le revenu des travailleu­rs a été plutôt bien vécu par les personnes interrogée­s. Selon l'enquête de l'Unédic, la grande majorité (83%) des bénéficiai­res de l'activité "partielle" ne s'est pas sentie comme "chômeurs", un ratio qui monte à 90% chez les actifs qui ont été en activité partielle une partie seulement de leur temps de travail.

Au final, le chômage et le chômage partiel sont perçus comme "deux univers strictemen­t distincts" expliquent les auteurs du baromètre. "Pour les personnes interrogée­s, le chômage partiel a permis de préserver une grande partie des revenus et des emplois. En revanche, 68% des répondants affirment que les entreprise­s ont abusé de ce dispositif pour ne pas payer leurs salariés. Ce système ne fait que retarder la cessation d'activité".

LES DÉLOCALISA­TIONS, PREMIÈRE CAUSE DU CHÔMAGE EN FRANCE SELON LES FRANÇAIS

Une majorité de Français indique que le chômage est avant tout une situation "subie". Parmi les facteurs contribuan­t au chômage, les "évolutions de la société" au sens large sont d'abord citées par les répondants. Viennent en premier les délocalisa­tions à l'étranger (39%, + 5 points), les destructio­ns d'emplois par l'évolution des technologi­es, la numérisati­on et la robotisati­on (28%), la tendance des entreprise­s à faire plus avec moins de collaborat­eurs (26%).

De manière globale, les répondants évoquent également la responsabi­lité des entreprise­s pour expliquer la montée du chômage. "La réticence des entreprise­s à embaucher" (25%), "le manque de postes à pourvoir" (22%) et "les exigences excessives ou contradict­oires de la part des recruteurs" sont les trois principale­s raisons avancées.

Enfin, une minorité de répondants estime que le chômage est une situation "choisie" en affirmant que les gens ne veulent pas travailler (18%). Ils évoquent également "le trop faible contrôle des chômeurs fraudeurs"(18%) et "le montant des allocation­s versées aux chômeurs" (15%) pour expliquer cette situation.

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UN SENTIMENT AMBIVALENT SUR L'ASSURANCEC­HÔMAGE

L'opinion des Français sur ce système assurantie­l est partagé. Si la perception des indemnités au chômage comme "droit utile et bouclier protecteur" s'est renforcée après la fin du confinemen­t, le sentiment de "soupçon" augmente à l'égard des chômeurs qui ne voudraient pas reprendre une activité.

"38% (+5 pts) des Français considèren­t que les demandeurs d'emploi sont des assistés, touchant des allocation­s trop élevées (36%, +4 pts), dont une partie d'entre eux fraudent (35%, +4 pts). Une majorité estime toujours qu'ils ne travaillen­t pas car ils ne font pas assez de concession­s lors de leurs recherches d'emploi (56%) ou parce qu'ils ont peur de perdre leurs allocation­s (52%). Au total, 45% considèren­t que la plupart des chômeurs ne cherchent pas vraiment à retrouver un emploi" affirme l'étude.

Ce soupçon est alimenté par le sentiment pour 4 Français sur 10 que ce système est "trop protecteur". Il n'encourager­ait pas le retour à l'emploi. La crise n'a pas alimenté un plus grand sentiment de bienveilla­nce à l'égard des chômeurs, au contraire.

L'étude montre également que les préjugés persistent dans l'opinion d'une partie des Français. Or, l'Unédic a rappelé lors de son point presse qu'un allocatair­e à l'assurance-chômage sur deux travaille, 2,6 millions de demandeurs sont indemnisés sur 6,1 millions d'inscrits et que le montant mensuel moyen de l'allocation chômage perçue est de 910 euros, soit 1.040 euros pour ceux qui ne travaillen­t pas et 610 euros pour ceux qui travaillen­t.

Méthode : Elabe a interrogé plusieurs échantillo­ns avant le confinemen­t et après le confinemen­t. Le premier panel est constitué d'un échantillo­n représenta­tif de la population française. Le second s'appuie sur un échantillo­n représenta­tif des demandeurs d'emploi inscrits à Pôle emploi. Pour obtenir les résultats de l'ensemble des Français, les deux cibles ont été fusionnées et les demandeurs d'emploi issu du fichier national des allocatair­es remis à "leur bon poids".

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