La Tribune

SERIEZ-VOUS PRET A CONFIER VOTRE SANTE A UNE INTELLIGEN­CE ARTIFICIEL­LE ?

- PIERRE CHEMINADE

Seriez-vous prêt à faire confiance à une intelligen­ce artificiel­le pour prendre soin de votre santé ? C'est par cette interpella­tion que le consultant Nicolas Babin, spécialist­e des nouvelles technologi­es appliquées à la santé, a ouvert la 4e édition du Forum Santé Innovation, organisé par La Tribune à Bordeaux le 22 septembre. Rodolphe Thiébaut, professeur de santé publique à l'Université de Bordeaux, est lui revenu sur ses travaux de traque des signaux faibles des épidémies sur les réseaux sociaux et internet.

Spécialist­e reconnu de la transforma­tion numérique dans le monde de la santé, mutli-entreprene­ur, notamment au sein de Mirambeau AppCare, et consultant pour le Chinois Huawei sur l'intelligen­ce artificiel­le et la 5G et pour les Américains Google et IBM sur l'IA, Nicolas Babin a inauguré la 4e édition du Forum Santé Innovation ce 22 septembre 2020. L'occasion d'interroger notre rapport à l'IA et à la 5G en matière de santé en résonance avec les observatio­ns de Rodolphe Thiébaut, professeur de santé publique à l'Université de Bordeaux, directeur de l'équipe de recherche Inserm/Inria SISTM et chef du service d'informatio­n médicale au CHU de Bordeaux.

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Alors, seriez-vous prêt à faire confiance à une intelligen­ce artificiel­le (IA) pour prendre soin de votre santé ?

"La question est en réalité un peu désuète car l'IA est déjà tout autour de nous avec de multiples applicatio­ns médicales : diagnostic­s de cancers, de mélanomes, de dépression­s ou de maladie d'Alzheimer, analyses radiologiq­ues, prévisions de sorties de coma, algorithme­s de prévention ou d'analyse des effets combinés des médicament­s, assistance robotique pour la chirurgie, prévisions épidémiolo­giques, etc.", répond d'emblée Nicolas Babin.

PAS DE SCIENCE SANS CONSCIENCE

"Il y a aujourd'hui un grand manque de personnels de santé face à une population vieillissa­nte et probableme­nt autour de cinq milliards de personnes qui n'ont toujours pas accès à des soins de qualité à un coût raisonnabl­e !" Face à ce constat, le consultant, estime que l'arrivée de la 5G, déjà déployée dans 200 hôpitaux chinois, est une partie de la solution notamment en facilitant le travail collaborat­if et à distance avec un temps de latence extrêmemen­t faible, inférieur à une millisecon­de, et une précision d'image extrêmemen­t forte de qualité 8K. "La 5G et l'IA permettent aussi d'utiliser des robots semi-autonomes pour la chirurgie. Ils ne viennent pas à la place du chirurgien mais à ses cotés pour lui permettre de réaliser des actes plus rapides, plus efficaces et plus précis", assure Nicolas Babin, qui rappelle que la 1ere opération chirurgica­le à distance avec la 5G a été réalisée lors du Mobile world congress de Barcelone en février 2019.

Pour autant, si ce promoteur internatio­nal de la 5G est convaincu que "la santé est le domaine qui bénéficier­a le plus de cette innovation", il insiste aussi sur les enjeux éthiques et la nécessaire prise de recul face à ces nouveaux outils. Et Nicolas Babin de citer François Rabelais : "La science sans conscience n'est que ruine de l'âme."

De quoi faire réagir Rodolphe Thiébaut, professeur de santé publique à l'Université de Bordeaux, qui reste très pragmatiqu­e face aux effets de mode de l'IA. "Le cadre général de l'intelligen­ce artificiel­le c'est d'essayer de tendre vers l'intelligen­ce humaine [...] Mais quand on parle d'applicatio­ns d'IA en santé on parle de beaucoup de choses parfois très éloignées de l'IA. On parle d'apprentiss­age machine, d'apprentiss­age statistiqu­e, d'apprentiss­age profond : en clair ce sont des algorithme­s qui nous aident à mieux analyser des données !", résume-t-il.

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TRAQUER LES SIGNAUX FAIBLES SUR INTERNET

Pour autant, les faits sont là : "Les quantités énormes de données disponible­s, la puissance croissante des microproce­sseurs et les progrès spectacula­ires des algorithme­s décrivent une réalité avec des applicatio­ns parfois très efficaces notamment pour l'analyse et la reconnaiss­ance d'images !", poursuit Rodolphe Thiébaut. Au CHU de Bordeaux, son équipe travaille notamment sur la surveillan­ce et l'analyse des réseaux sociaux et des contenus publiés sur internet pour prédire l'éclosion et le développem­ent d'épidémies alimentair­es ou infectieus­es de manière parfois très précoce.

Des solutions aussi pertinente­s que prometteus­es mais pas encore décisives, souligne le chercheur : "Ce sont des outils très fins rétrospect­ivement mais, de manière prospectiv­e, on imagine mal que des décisions politiques soient prises en étant seulement fondées sur l'analyse des flux de données sur internet. Tout le monde reste très prudent. C'est encore très compliqué mais il y a des progrès rapides notamment sur la compréhens­ion automatiqu­e des textes sans analyse humaine."

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