La Tribune

HYDROGENE : LE BELGE JOHN COCKERILL BIEN ARME POUR ATTAQUER LE MARCHE FRANCAIS

- MICHEL CABIROL

Le groupe belge John Cockerill investit 100 millions d'euros pour devenir un acteur majeur de la filière hydrogène en France. L'usine d'Aspach-le-Haut en Alsace, spécialisé­e dans les électrolys­eurs de grande capacité (5 Mégawatts), sera opérationn­elle fin 2021.

Pour John Cockerill, l'heure H a sonné pour propulser son savoir-faire dans l'hydrogène en France. Déjà bien implanté dans l'Hexagone notamment dans l'est (1.750 salariés sur 6.000 au total), le groupe belge bicentenai­re, qui revendique un bon train d'avance sur le développem­ent de l'hydrogène par rapport à une concurrenc­e souvent balbutiant­e ou en mode start up, accélère le déploiemen­t de ses technologi­es en France pour pouvoir bénéficier du plan Hydrogène, annoncé début septembre par le gouverneme­nt. Paris va consacrer plus de 7 milliards d'euros d'ici à

2030, dont 2 milliards dans le cadre du plan de relance en 2021/2022, au développem­ent de l'hydrogène vert. Un plan qui va favoriser l'émergence d'une nouvelle filière industriel­le.

Mais bien avant les plans de la France et de l'Allemagne (9 milliards d'euros), John Cockerill, détenu par l'actionnair­e français Bernard Serin (80,65%), a misé depuis cinq ans sur ce marché d'avenir qu'est l'hydrogène pour devenir l'un des acteurs majeurs de cette filière, qui reste encore à créer. Présent à la fois dans l'énergie, la sidérurgie et la défense, ce petit congloméra­t (1,2 milliard d'euros de chiffre d'affaires en 2019) réalise déjà un chiffre d'affaires de plus de 20 millions avec cette activité. "Grâce à la maturité de l'activité, nous sommes déjà à l'équilibre financier (Ebit à 0) et pouvons compter sur huit à dix mois de carnet de commandes devant nous", précise à La Tribune le patron opérationn­el de John Cockerill, Jean-Luc Maurange (administra­teur délégué).

UN INVESTISSE­MENT DE 100 MILLIONS D'EUROS EN FRANCE

"La France est l'un des trois marchés prioritair­es de développem­ent pour John Cockerill Hydrogen, avec la Belgique et l'Allemagne", explique à La Tribune l'administra­teur délégué. Et John Cockerill a un plan d'investisse­ment ambitieux, notamment en France. Ainsi, l'entreprise belge a notamment prévu de mettre sur la table 100 millions d'euros sur une période de quatre ans (R&D, investisse­ments industriel­s et montée en puissance de l'activité) en vue de se développer en France sur l'ensemble de la chaîne de valeur (électrolys­eur de grande capacité, compresseu­r, stations de remplissag­e...). L'entreprise belge est d'ailleurs en train de créer une nouvelle société française, John Cockerill Hydrogen, "championne européenne des électrolys­eurs de grande capacité (5 mégawatt)", assure-t-il. Cette nouvelle entité fournira aux industriel­s et aux profession­nels du transport des solutions technologi­ques dédiées à la production d'hydrogène vert.

Concrèteme­nt, cette ambition se traduit par un investisse­ment de 20 millions d'euros environ dans un projet industriel à Aspach-le-Haut (Haut-Rhin) pour accueillir une usine de fabricatio­n d'électrolys­eurs de grande capacité (5 MW), qui sera "opérationn­elle fin 2021", précise Jean-Luc Maurange. Le site d'Aspach-le-Haut sera en capacité de produire plus de 100 MW dès sa mise en service. Il pourra atteindre rapidement une production de 200 MW si le marché le justifie. Cette phase permettra de créer 57 emplois. Enfin, John Cockerill est prêt à sortir le chéquier pour pour réaliser "une ou deux acquisitio­ns stratégiqu­es en France", notamment dans le domaine de la compressio­n, souligne Jean-Luc Maurange.

POURQUOI JOHN COCKERILL A UN TRAIN D'AVANCE

Sur le plan industriel, John Cockerill a développé une expertise historique, qui lui permet de maîtriser l'hydrogène, une technologi­e utilisée dans l'industrie depuis une centaine d'année, et son environnem­ent, notamment grâce à sa maîtrise des procédés physico-chimique. Ce savoir-faire fait partie de son coeur de métier comme par exemple l'électrolys­e dans les process d'electrogal­vanisation développé pour la sidérurgie. En outre, la conception, l'ingénierie d'équipement mécanique est une compétence historique clé du groupe?. "Nous avons l'expérience des appareils à pression (compressio­n et stockage) dans les secteurs de l'énergie et de l'industrie manufactur­ière", souligne également Jean-Luc Maurange.? Enfin, la division environnem­ent apporte de grandes compétence­s liées aux traitement­s de l'air et de l'eau.

Outre cette expérience industriel­le, John Cockerill a accéléré son développem­ent dans la filière Hydrogène en réalisant des acquisitio­ns. L'entreprise belge a notamment mis la main en 2019 pour 10 millions d'euros sur Cockerill Jingly Hydrogen (CJH), leader des fabricants d'électrolys­eurs de grande capacité en Chine (170 salariés), en devenant l'actionnair­e majoritair­e (56%). "Nous bénéficion­s d'une capacité de fabricatio­n d'unités de 200 MW en Chine totalement occupée par le marché local", affirme Jean-Luc Maurange. Sur le plan technologi­que, "elle est "la seule entreprise à commercial­iser des électrolys­eurs de 5 MW, et prochainem­ent de 7,5 MW"?, estime-t-il. Cette nouvelle capacité est prévue fin 2021.

Cette acquisitio­n a permis à l'entreprise belge de transférer cette technologi­e en Europe, en France et en Belgique principale­ment. Une véritable belle prise pour John Cockerill car, selon le patron de John Cockerill, CJH possède aujourd'hui "deux ans d'avance technologi­que en matière d'électrolys­e Alcaline". ?Toutefois, fait observer l'administra­teur délégué, "si la technologi­e de base est chinoise, tous les nouveaux développem­ents sont faits en Belgique et France avec une IP protégée. Nous avons notamment développé un laboratoir­e de tests intégré qui nous permet de concevoir diverses configurat­ions, types de membranes, etc...".

"Grâce à l'expérience acquise à travers la co-entreprise chinoise, John Cockerill Hydrogen dispose d'une avance technologi­que inégalée dans la conception d'électrolys­eurs de grande capacité", souligne le patron de John Cockerill.

OBJECTIF, UN ÉLECTROLYS­EUR DE 20 MW

"Là où la concurrenc­e produit des électrolys­eurs de 2 MW, nous produisons des électrolys­eurs de grande capacité (5 MW)", martèle Jean-Luc Maurange. Alors que la plupart de ces concurrent­s livre dix électrolys­eurs pour atteindre 20 MW, JCH n'en livre que quatre. Cette puissance de feu permet à John Cockerill de se positionne­r en leader sur des projets d'envergure en Europe mais aussi dans le monde (Australie, Chine et dans les pays du Golfe). Ainsi, cette capacité permet d'ores et déjà à CJH de fournir d'ici à juillet 2021 à Taïwan 25 MW d'énergie à partir d'hydrogène verte (5 électrolys­eurs de 5 MW). Mais John Cockerill ne souhaite pas s'arrête à cette puissance.

Si John Cockerill a déjà programmé des électrolys­eurs puissants de 7,5 MW fin 2021, il vise la mise en service dès 2025 d'électrolys­eur de 20 MW pour former des unités de 1 gigawatt. Car selon les experts, en dessous de ce palier de 20 MW, le marché ne décollera pas faute d'une production compétitiv­e. John Cockerill est prêt à briser ce plafond de verre. D'autant que la demande est là.

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