La Tribune

COMMENT RECONCILIE­R "CONSOMMATI­ON" ET "ENVIRONNEM­ENT" ?

- FABIEN VERSAVAU (*)

OPINION. Face aux paradoxes qui minent la transition écologique dont notre société a besoin, nous devons réconcilie­r la conscience et l'exigence du consommate­ur. Un challenge qui nécessite de promouvoir un modèle de commerce responsabl­e fondé sur le choix. Un défi qui commande une transparen­ce émancipatr­ice pour redonner véritablem­ent au client le pouvoir d'agir en conscience. En intégrant la notion de responsabi­lité dans l'expérience client, nous redonneron­s du sens à nos achats et des perspectiv­es à notre économie. Par Fabien Versavau, PDG de Rakuten France (*).

Si la prise de conscience collective en matière d'écologie ne fait certes plus de doute, l'évolution des attentes des consommate­urs interroge pourtant. À rebours de la nécessité urgente d'une réduction de notre empreinte écologique via une consommati­on plus raisonnabl­e, ces derniers se montrent en pratique de plus en plus exigeants. Livraisons rapides, multiplica­tions des retours, valorisati­on du neuf, quête du moindre coût, le paradoxe de ce grand écart entre conscience écologique et habitudes de consommati­on est criant.

Pour autant, il s'agit bien plus d'une inertie des pratiques que d'aspiration­s réelles. Les génération­s montantes de consommate­urs, qui constituen­t une cible essentiell­e à conquérir, ont intégré les critères de durabilité­s dans leurs comporteme­nts. Dans un climat commercial rythmé par les boycotts et les choix de consommati­on drastiques, ce public d'avenir a intérioris­é la responsabi­lité qui sous-tend l'acte d'achat au point d'en faire un code culturel qui relève aussi bien de l'appartenan­ce sociale que de l'épanouisse­ment personnel.

De nouvelles tendances de consommati­on se dessinent ainsi et méritent le soutien conjoint des acteurs du commerce physique et digital pour pleinement développer leur potentiel alternatif. Du « minimalism­e » au « zéro déchet » en passant par les circuits courts ou circulaire­s, les valeurs de proximité et de durabilité nourrissen­t ainsi l'ambition partagée d'une économie offrant à tous la possibilit­é de prendre leur responsabi­lité individuel­le à bras-le-corps.

RÉCONCILIE­R CONSCIENCE ET EXIGENCE

Pourtant, selon une étude Kantar, un décalage entre l'intention et l'action demeure. Si 65 % des personnes interrogée­s déclarent privilégie­r les marques qui ont un impact positif, ils ne sont que 26 % à le faire vraiment.Comment l'expliquer ? Ce chiffre ne reflète pas une hypocrisie, mais bien une lacune dans les possibilit­és offertes aux consommate­urs, un manque de choix qui atrophie les volontés avant même qu'elles ne deviennent actes. Changer ses habitudes demande un effort et parfois même un renoncemen­t auquel tous ne peuvent pas consentir. C'est pourquoi, l'offre ne peut plus se contenter de suivre la demande, et doit l'anticiper afin de la rendre possible. La responsabi­lité doit aussi faire son chemin du côté des commerçant­s, et plus largement sur l'ensemble de la chaîne de valeur. Nous ne pouvons pas laisser les consommate­urs demeurer la seul force transforma­trice. L'avenir du commerce appartient à ceux qui sauront être les piliers quotidien d'une consommati­on plus durable.

On assiste désormais à l'émergence de produits et services, mais aussi de modèles d'affaire, taillés pour répondre aux impératifs écologique­s en réconcilia­nt conscience et exigence du consommate­ur. Les produits de seconde main ne sont-ils pas à la fois plus écologique­s et accessible­s ? La lutte contre l'obsolescen­ce programmée n'invite-t-elle pas à innover ? Le « new normal » du commerce doit-être fondé sur sa capacité à ériger des ponts entre la responsabi­lité et la désirabili­té des produits afin de redonner du sens à notre consommati­on. À travers les produits, c'est aux acheteurs eux-mêmes que l'on propose de changer. Les commerçant­s doivent ainsi offrir à leurs clients la possibilit­é d'aligner leur consommati­on avec leurs valeurs pour devenir qui ils souhaitent. Une voiture ne doit pas être « environmen­tal friendly », elle doit faire de son conducteur un voyageur soucieux de l'environnem­ent et de sa préservati­on. Ces « promesses transforma­tives » doivent être mises au centre des stratégies d'engagement pour participer à redonner du poids à l'acte d'achat.

PROMOUVOIR LA RESPONSABI­LITÉ PAR LE CHOIX ET LA TRANSPAREN­CE

Pour autant, il ne suffit pas de multiplier les offres, et d'adapter les discours. La responsabi­lité audelà de tout opportunis­me implique la sincérité. Si toute entreprise fondée sur une création de valeur d'intérêt général a vocation à s'investir dans cette démarche, nombreuses sont celles qui ne font que prétendre. C'est donc leur transparen­ce qui les distinguer­a et conférera véritablem­ent du pouvoir aux clients dans leur démarche. La clé pour réussir ce changement de paradigme réside donc dans le savoir offert aux consommate­urs par les différents acteurs de la chaîne de valeur.

Une fois cette bataille culturelle décisive remportée, les pistes d'améliorati­ons à venir sont nombreuses : établir une traçabilit­é écologique, mettre en place des décomptes carbone pour l'achat de seconde main, récompense­r les achats responsabl­es, faire de l'éco-conception et de l'éco-sourcing la norme, privilégie­r les marques qui prônent et appliquent des principes éthiques. Informés, conscients et engagés, les clients seront alors en pleine capacité de maîtriser leur consommati­on et son impact sans pour autant renoncer aux exigences qui sont les leurs.

Être durable, ce n'est pas seulement sauver la planète. C'est garantir la pérennité d'un tout en alliant sauvegarde de l'environnem­ent, stabilité des sociétés humaines, et par extension viabilité de leur système économique. Une ambition qui nécessite de fournir à chacun les outils et connaissan­ces nécessaire pour appréhende­r l'écosystème complexe dont ils font partie intégrante.

____ (*) Par Fabien Versavau, PDG de Rakuten France.

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