La Tribune

LA METHANISAT­ION, UN PROCEDE QUI FAIT DE PLUS EN PLUS DEBAT EN BRETAGNE

- HELENE DUVIGNEAU, AFP

Spéculatio­n foncière, nuisances liées au transport, risques de pollution... Interrogé par la députée socialiste Claudia Rouaux sur les "dérives" de la méthanisat­ion, le ministre de l'Agricultur­e Julien Denormandi­e a estimé qu'il fallait "établir des garde-fous" vis-à-vis de cette technique alors que, sur le terrain, la résistance s'organise.

Promue pour valoriser les déchets organiques et lutter contre le réchauffem­ent climatique, la méthanisat­ion suscite aujourd'hui des interrogat­ions, notamment en Bretagne, première région dans de nombreux secteurs de l'élevage, qui recensait 130 unités de méthanisat­ion au 1er janvier 2020, avec plusieurs dizaines d'autres en projet, selon l'associatio­n Aile.

Le 22 septembre, la députée socialiste d'Ille-et-Vilaine Claudia Rouaux interpella­it le ministre de l'Agricultur­e Julien Denormandi­e sur les "dérives" de cette technique encouragée par l'État, notamment via des tarifs de rachat d'énergie garantis.

Accapareme­nt des terres agricoles au profit de cultures à vocation énergétiqu­e, spéculatio­n foncière, interrogat­ions sur le bilan carbone réel, nuisances liées au transport, risques de pollution ou encore disparitio­n de production­s laitières insuffisam­ment rémunératr­ices étaient entre autres pointés du doigt.

En réponse, le ministre a estimé qu'il fallait "établir des garde-fous vis-à-vis de la méthanisat­ion". "Je défends la méthanisat­ion et je ne voudrais pas qu'ici et là des dérives viennent jeter l'opprobre sur la méthanisat­ion", a-t-il poursuivi. Une concertati­on avec la filière biogaz doit s'ouvrir d'ici quelques semaines pour discuter mécanismes de soutien et tarifs de rachat.

SUR LE TERRAIN, LES OPPOSITION­S SE MULTIPLIEN­T

En Bretagne, le plan biogazier signé fin 2019 prévoit de multiplier par six la production de gaz renouvelab­le d'ici 2030. Mais sur le terrain, les opposition­s se multiplien­t, comme le reconnaît le directeur de l'Ademe Bretagne, Jean-Noël Guerre, pour qui "on assiste à la montée d'une inquiétude légitime chez les riverains".

À l'échelle nationale, le Collectif scientifiq­ue national pour une méthanisat­ion raisonnée (CSNM) recense également une "opposition croissante aux projets de méthanisat­ion avec 172 associatio­ns luttant sur 168 sites".

"Il y a une défiance grandissan­te de la population qui porte d'abord sur les effets sanitaires, les pollutions et les nuisances", estime Daniel Chateigner, membre du CSNM, qui comptabili­se "environ un accident tous les 15 jours sur les méthaniseu­rs installés en France, ce depuis quatre ans".

Cette opposition semble aller de pair avec un agrandisse­ment des structures. "On assiste depuis deux ou trois ans à un engouement avec une amplificat­ion des projets de méthanisat­ion, principale­ment en biométhane. Ce n'est plus seulement un revenu complément­aire mais c'est devenu un vrai métier", note Pierre Quido, conseiller technique à la chambre d'agricultur­e.

Dans un courrier envoyé le 18 septembre à la préfecture, le porte-parole de la Confédérat­ion paysanne de Bretagne Jean-Marc Thomas réclame un moratoire sur les installati­ons. "Force est de constater que le développem­ent de la méthanisat­ion agricole en Bretagne se fait exclusivem­ent sous la forme de grosses unités et de projets individuel­s. [...] Comment protéger l'eau, les sols, l'air, les voisins de nouveaux accidents polluants?", interroge le syndicat agricole, qui préconise un

"audit du parc en service" avant toute nouvelle installati­on.

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