La Tribune

BUDGET 2021 : LE DEBAT SUR LES CONTREPART­IES FAIT RAGE

- GREGOIRE NORMAND

La présentati­on du projet de loi de finances 2021 pour répondre à la crise économique et sanitaire a suscité de nombreuses interrogat­ions chez les syndicats et certains élus. Pour répondre à ces doutes, le rapporteur général du budget, Laurent Saint-Martin, a promis que le groupe de la majorité à l'Assemblée allait demander des contrepart­ies pour les aides au plan de relance.

C'est un budget pour répondre à une crise hors-norme. Lors de la présentati­on du projet de loi de finances 2021 lundi 28 septembre, le ministre de l'Économie Bruno Le Maire est venu exposer les grandes lignes de la stratégie de l'exécutif. "Le budget présenté est un budget de relance. Il répond à l'urgence immédiate. Les PME ont encore besoin du soutien de l'État. Il n'y a pas de contradict­ion entre la transforma­tion de l'économie et celle de notre tissu productif et le soutien au maintien de nos entreprise­s. C'est la pire crise depuis 1929. Nous avons sauvé des milliers d'emplois et d'entreprise­s. Nous avons fait le maximum et nous continuero­ns de faire le maximum", a-t-il expliqué lors d'un point presse.

Face à l'urgence, le gouverneme­nt a multiplié les mesures pour tenter de limiter la casse économique et sociale. Après huit semaines de confinemen­t drastique et une reprise meilleure qu'anticipé au coeur de l'été, le rebond en ce début d'automne s'annonce troublé par la hausse des foyers de contaminat­ion.

Malgré ce contexte sanitaire dégradé, le locataire de Bercy veut poursuivre sa politique de l'offre en accentuant la baisse de la fiscalité sur les entreprise­s par la diminution de l'impôt sur les sociétés et les impôts de production.

En parallèle, de plus en plus d'économiste­s, syndicats et ONG s'interrogen­t sur la nécessité de contrepart­ies sociales et environnem­entales. Ce matin sur l'antenne de France Inter, Bruno Le Maire a tenté de répondre à ce sujet épineux :

"- Léa Salamé : Pourquoi n'y a-t-il pas plus de contrepart­ies sur l'emploi dans ce plan de relance ?

- Bruno Le Maire : mais il y a des contrepart­ies sur l'emploi ! Quand vous donnez une prime à une entreprise pour qu'elle embauche un jeune, la contrepart­ie de la prime qui se chiffre à plusieurs milliards d'euros, c'est l'embauche du jeune [...] quand je verse une prime de 7.000 euros pour l'achat d'un véhicule électrique à un ménage français, la contrepart­ie, c'est qu'il achète un véhicule électrique. Quand je soutiens Air France à hauteur de 7 milliards d'euros, je demande des contrepart­ies en termes de fermetures de lignes quand il y a une alternativ­e par le train à moins de deux heures trente ou une réduction des émissions de CO2."

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MENACES SUR DES MILLIERS D'EMPLOIS

Renault, Airbus, Bridgeston­e... depuis plusieurs mois, des grands groupes ont annoncé des fermetures de sites et de multiples licencieme­nts. En outre, des milliers de PME ont déjà fermé leur société et des indépendan­ts ont mis la clé sous la porte depuis le début de la crise.

Sans vraiment attendre, le gouverneme­nt a annoncé d'immenses plans de soutien à quelques grands groupes pour limiter l'hémorragie. Pour les indépendan­ts, il a également rehaussé le plafond des sommes éligibles dans le fonds de solidarité, passant de 1.500 euros à 10.000 euros maximum par mois.

Malgré l'éventail de mesures pour soutenir les entreprise­s en difficulté avec le prolongeme­nt des mesures de chômage partiel, plus de 700.000 emplois ont été détruits au cours du premier semestre selon l'Insee et la Banque de France anticipe 1 million d'emplois en moins sur l'ensemble de l'année 2020.

> Lire aussi : L'effondreme­nt vertigineu­x de l'emploi menace la reprise

Face au spectre du chômage de masse, les organisati­ons syndicales élèvent la voix depuis un mois. À la CFDT, Laurent Berger veut que ces aides soient soumises à l'avis du comité économique et social de chaque entreprise. Du côté de la CGT, on déplore l'absence de contrepart­ies également :

"On mobilise massivemen­t les finances publiques sans aucune garantie d'un « retour sur investisse­ment », sans obliger les entreprise­s à créer des emplois pérennes, à ne pas en supprimer, à ne pas délocalise­r".

Interrogé par La Tribune, le secrétaire confédéral de Force ouvrière (FO) en charge de l'emploi, Michel Beaugas est également très clair : "Au vu des aides annoncées dans le budget ou dans le cas des aides directes, on souhaite que la première conditionn­alité soit le maintien de l'emploi dans les entreprise­s. Dès qu'il y a une aide publique, il ne devrait pas y avoir de licencieme­nt".

À la veille de nouvelles discussion­s au ministère du Travail avec le patronat sur la réforme contestée de l'assurance-chômage, le responsabl­e redoute un affaibliss­ement des droits des chômeurs :

"L'assurance-chômage doit être discutée, ce n'est pas le moment. Avec le système proposé par le gouverneme­nt, on va baisser le nombre de chômeurs indemnisés alors que seulement 52% des demandeurs sont effectivem­ent indemnisés. Avec cette crise il faut maintenir un haut niveau de protection des salariés. Je pense par exemple aux saisonnier­s qui ont particuliè­rement subi les effets de la crise au printemps au moment du confinemen­t et pendant l'été".

UN BUDGET CONTESTÉ PAR LES ORGANISATI­ONS ENVIRONNEM­ENTALES

Sur le front de l'écologie, les déceptions s'accumulent. Si le gouverneme­nt a particuliè­rement insisté sur la nécessité d'accélérer la transition écologique, beaucoup d'ONG ont fait part de leur doute. Pour les associatio­ns de défense de l'environnem­ent, ce budget est loin d'être suffisant pour répondre aux besoins de la transition écologique.

"Après la douche froide du Plan de relance vert pâle [...], le projet de loi de finances n'apporte aucune avancée significat­ive sur les chantiers prioritair­es de la transition écologique et solidaire", comme la baisse des aides aux énergies fossiles ou la rénovation énergétiqu­e, a commenté le Réseau Action Climat.

"Le gouverneme­nt prend prétexte de la crise économique pour multiplier les chèques en blanc aux grandes entreprise­s polluantes et reporter à plus tard l'effort climatique, nous piégeant dans une trajectoir­e climatique toujours plus hostile à la vie humaine", a dénoncé Clément Sénéchal, de Greenpeace France. Les prochaines discussion­s budgétaire­s pourraient donner lieu à quelques passes d'armes dans l'enceinte du palais Bourbon.

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