La Tribune

MANQUE DE VISION ET RENONCEMEN­TS : L'OPPOSITION TANCE LES DEBUTS DE PIERRE HURMIC A BORDEAUX

- PIERRE CHEMINADE

A l'occasion du conseil municipal de rentrée, les opposition­s au maire ELLV de Bordeaux, Pierre Hurmic, ont éreinté la gestion de la nouvelle majorité écologiste. Chacun dans son couloir, le maire sortant Nicolas Florian (droite et centre) et son ancien allié Thomas Cazenave (LREM) déplorent le "manque de vision politique", le contraste entre les engagement­s de campagne et les premières décisions politiques mais aussi le manque d'annonces en matière économique.

Face aux 48 conseiller­s municipaux de la nouvelle majorité écologiste à Bordeaux, trois groupes d'opposition se sont constitués : Bordeaux Ensemble, avec dix élus, réunit l'équipe et la liste du maire sortant Nicolas Florian ; Renouveau Bordeaux, regroupe Thomas Cazenave et trois autres élus LREM ; Bordeaux en Luttes compte trois élus NPA, France insoumise et Giles jaunes, dont Philippe Poutou.

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Et, sans surprise, trois mois après l'élection de Pierre Hurmic et de son équipe, aucun de ses adversaire­s politiques ne se montre tendre quand il s'agit de juger ses premiers pas et ses premières décisions. "On attend toujours de connaitre sa vision de la ville sur les six prochaines années... Vers où on va ? Quelle est sa boussole ? Pour l'instant, on est très loin de la rupture promise pendant la campagne", lâche Thomas Cazenave, à la tête du groupe Renouveaux Bordeaux. Ce dernier partage à nouveau son temps entre Bordeaux et la capitale, où il a réintégré l'inspection générale des finances et enseigne à Sciences Po Paris un cours sur "le droit à l'erreur".

"UNE ÉCOLOGIE FINALEMENT ASSEZ CONSERVATR­ICE"

A Bordeaux, jugeant les premiers pas de la nouvelle majorité, Thomas Cazenave regrette "une écologie finalement assez conservatr­ice sur le fond, avec des moratoires sur l'urbanisme et la 5G, mais aussi sur la forme avec une pratique du pouvoir très éloignée de ce qui était promis : l'opposition n'est pas consultée sur la crise sanitaire ni sur les questions de sécurité alors qu'on nous parlait de démocratie permanente." Et l'élu LREM de pointer l'absence de propositio­ns fortes en matière de relance économique et de soutien aux entreprise­s :

"Il n'y a eu aucun élément de dimension économique et stratégiqu­e malgré la crise actuelle. Qui va mobiliser les énergies du territoire ? Sommes-nous candidats à des relocalisa­tions d'activités économique­s ? Qui répondra aux appels à projets du plan de relance de l'Etat ? Il ne faut pas que Bordeaux reste à regarder passer le train de la relance sans monter dedans !"

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S'agissant de la cellule de soutien aux TPE annoncée par Pierre Hurmic mi-septembre, l'opposant n'est pas entièremen­t convaincu : "Oui, les TPE ont du mal à accéder aux différents dispositif­s avec la fragmentat­ion des acteurs mais attention à ne pas encore compliquer les choses avec cette nouvelle cellule ! Confions plutôt cette mission d'accompagne­ment à la CCI qui sait très bien le faire", réagit-il, avant d'avancer deux propositio­ns pour soutenir les commerçant­s, restaurate­urs et hôteliers bordelais :

"Il faut renoncer immédiatem­ent aux nouvelles surfaces commercial­es et au projet de Rue bordelaise et il faut mettre en place une aide financière directe pour permettre aux commerçant­s de mener leur transforma­tion numérique avec au moins un site internet et, si possible, de la vente en ligne. C'est incontourn­able dans la crise actuelle qui va durer !"

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"UNE POSTURE PLUS MILITANTE QUE GESTIONNAI­RE"

Du côté du groupe Bordeaux Ensemble, les critiques pour "ce premier point d'étape" sont un cran plus appuyées. "En pleine crise sanitaire, économique et sociale, on attend une politique lisible, concrète et du quotidien mais on ne voit pas de ligne directrice, d'anticipati­on, de calendrier ni de concertati­on. Le maire est toujours dans une posture d'opposant, une posture plus militante que gestionnai­re", considère l'ancien maire Nicolas Florian, qui attaque :

"Une publicité un peu mensongère pendant la campagne électorale : place de la voiture, stationnem­ent, tarificati­on sociale des transports, vente du stade, gestion des Girondins de Bordeaux, urbanisme, etc. Autant de renoncemen­ts et on attend toujours de voir le premier projet urbain zéro artificial­isation !"

Et son ancien 1er adjoint, Fabien Robert, d'enfoncer le clou : "Il y a un manque de vision de la majorité. En clair on sait ce que le maire ne veut pas faire mais pas ce que le maire veut faire. [...] On commence à percevoir des renoncemen­ts sur la vente du stade et sur l'urbanisme sachant que 70 permis de construire ont été délivrés depuis le 3 juillet et ils artificial­isent évidemment les sols. "

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Les élus des Républicai­ns et du Modem se montrent particuliè­rement sévères sur la politique économique de la nouvelle majorité. "Nous avions voté l'extension des terrasses, et l'exonératio­n des droits de terrasse et des taxes locales pour les cafés et restaurant­s jusqu'au 18 octobre. Qu'estce qu'il se passera ensuite ? On ne sait toujours pas !", interroge Fabien Robert, tandis que Nicolas Florian ne cache pas tout le mal qu'il pense de la nouvelle cellule de soutien aux TPE :

"Je suis très sévère sur cette propositio­n qui est au mieux cosmétique, au pire du verbiage puisqu'il y a déjà un accompagne­ment mené par la Chambre de métiers et la CCI ! Franchemen­t, la question n'est pas d'aller voir les TPE bordelaise­s une par une mais de mettre les moyens financiers sur la table pour les aider notamment avec des exonératio­ns fiscales, des aides directes convertibl­es en action pour entrer au capital si besoin et la mobilisati­on de la commande publique ! Nous avions commencé à travailler sur un plan de 50 millions d'euros mais aujourd'hui on ne sait toujours pas ce qu'il en est."

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Alors que les commerces, bars, restaurant­s et hôtels de Bordeaux et sa métropole sont durement touchés par la résurgence du Covid-19, aucun plan de relance n'a pour l'instant été annoncé par la nouvelle majorité, que ce soit par Pierre Hurmic (EELV) à Bordeaux ou Alain Anziani (PS) à Bordeaux Métropole. Des discussion­s sont en cours au sein des deux collectivi­tés en lien avec les chambres consulaire­s mais les contours, le contenu et le montant d'un éventuel plan de soutien aux entreprise­s tardent à être présentés.

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