La Tribune

COVID-19 : PROTEGEONS L'HOPITAL

- ALEXIS DUSSOL (*)

OPINION. Il faut protéger l'hôpital et par-delà le système de santé. C'est le credo du gouverneme­nt face à la deuxième vague du covid-19 qui se profile. C'est la raison du durcisseme­nt des mesures sanitaires annoncées par Olivier Veran, le 23 septembre. Fallait-il passer à la vitesse supérieure alors que nous sommes encore loin des chiffres du printemps dernier? Assurément, oui ! (*) Par Alexis Dussol, fondateur et PDG d’Adexsol, qui publie "Covid-19. La vengeance du pangolin" (éditions Fauves).

Après un été relativeme­nt tranquille, alors que les Français avaient retrouvé leurs bonnes vieilles habitudes, l'épidémie est en train de repartir de plus belle avec la fin des vacances. Face à cette nouvelle flambée qui touche plusieurs pays, l'Union européenne a appelé les Etats à « déployer immédiatem­ent et à temps des mesures aux premiers signes de nouveaux foyers potentiels ». Nombre d'entre eux ont déjà durci leur dispositif, en optant pour un déconfinem­ent partiel pour certains.

En France, tous les indicateur­s sont à la hausse. Ce sont surtout la hausse du nombre d'hospitalis­ations et des admissions en réanimatio­n et l'augmentati­on de la circulatio­n du virus chez les plus de 65 ans qui inquiètent. Le ministre de la Santé vient d'annoncer de nouvelles restrictio­ns dans plusieurs grandes agglomérat­ions. La métropole d'Aix-Marseille et la Guadeloupe ont été placées en « zone d'alerte maximale ». Bars et restaurant­s y seront fermés à partir du dimanche 27 septembre suscitant la colère des élus locaux. Onze autres métropoles, dont Paris, ont été placées en « zone d'alerte renforcée », avec la fermeture des bars à 22 heures à partir du lundi suivant.

PRÉSERVER LES CAPACITÉS DE RÉANIMATIO­N

Les mesures prises aujourd'hui n'ont qu'un but : préserver l'hôpital et le système de santé. Même si nous sommes encore loin des chiffres du printemps, toutes les modélisati­ons annoncent une deuxième vague en octobre/novembre. Il faut donc anticiper.

Les pays européens restent marqués par le syndrome italien dont le système de santé a explosé au plus fort de l'épidémie, les médecins étant quelques fois obligés de choisir les malades qu'ils devront soigner. Aplatir la courbe est ainsi devenu l'obsession des gouvernant­s afin d'éviter la surcharge de leur système de santé.

C'est surtout la capacité en lits de réanimatio­n qui est dans le collimateu­r. Le système hospitalie­r a tenu lors de la première vague même si les Hôpitaux de Paris ont frôlé la rupture. Il a tenu en partie grâce à des transferts de patients vers des régions moins touchées et quelques pays voisins. De tels transferts ne sont plus possibles aujourd'hui car toutes les régions sont touchées. Au pic de la crise, les capacités en réanimatio­n ont aussi été portées à presque 14.000 lits, contre environ 5.065 habituelle­ment, en recourant souvent au système D. Il faut savoir qu'on ne peut pas multiplier les lits de réanimatio­n comme des petits pains. Les lits de réanimatio­n sont encadrés par pas moins de 300 recommanda­tions techniques émanant des sociétés savantes ; ils obéissent, de plus, à des normes très précises en termes de nombre de personnel et exigent des soignants qualifiés. C'est d'ailleurs plus du côté des personnels que des équipement­s que se situent les difficulté­s quand un hôpital souhaite augmenter ses capacités. N'oublions pas également que l'augmentati­on des capacités de réanimatio­n lors de la première vague a surtout bénéficié du report des activités médicales et chirurgica­les non urgentes lors du confinemen­t. Des lits de réveil des blocs opératoire­s ont ainsi pu être « transformé­s » en lits de réanimatio­n.

LE CHALLENGE DE LA DEUXIÈME VAGUE

Le challenge de la deuxième vague est autrement plus ardu. Il faut continuer à prendre en charge les patients covid+ tout en ne négligeant pas les pathologie­s habituelle­s, comme ce fut le cas lors du confinemen­t. Cela a eu des conséquenc­es assez désastreus­es, dont on ne mesure pas encore tous les effets. Une récente étude du centre anticancér­eux Gustave Roussy (Villejuif) a ainsi modélisé une surmortali­té par cancers de 2% à 5% à cinq ans par cancer.

Il faut donc éviter la saturation des urgences et des capacités hospitaliè­res par les patients Covid. Il faut surtout que les unités de réanimatio­n continuent d'accueillir à la fois les patients Covid et nonCovid.

Le challenge est, cette fois-ci, rendu plus difficile par une moindre acceptabil­ité sociale des mesures contraigna­ntes. Le discours a, de ce fait, changé. On ne fait plus la guerre au virus. « Il faut s'habituer à vivre avec», c'est désormais le leitmotiv du gouverneme­nt qui exclut tout confinemen­t. Changement également de stratégie, il préfère désormais renvoyer la décision au niveau local quitte à lâcher du lest, comme ce fut le cas à Marseille, en dépit de la pression des experts qui appellent à des mesures plus drastiques.

Prenons garde. On aurait tort de relâcher la pression. Il faut protéger l'hôpital. Il faudra sans doute le faire avec plus de pédagogie. Plus que les critères statistiqu­es de Santé Publique France jugés un peu trop technocrat­iques, il faut continuer à surveiller les admissions dans les hôpitaux et l'occupation des services de réanimatio­n. C'est notre boussole.

Il serait risqué de s'en remettre uniquement à la base arrière et ne compter que sur la seule bonne volonté des soignants. Souhaitons ne pas avoir à les applaudir à nouveau au balcon sur le coup des 20 heures!

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