La Tribune

Les Suisses rejettent une initiative pour des multinatio­nales plus responsabl­es

- AFP, ELOI ROUYER

La Suisse a rejeté dimanche une initiative qui souhaitait imposer des obligation­s légales plus strictes aux entreprise­s helvétique­s en matière de respect des droits humains et de normes environnem­entales.

Selon l'institut de sondage gfs.bern, l'initiative dite sur "les multinatio­nales responsabl­es" a été rejetée par au moins 14 des 26 cantons suisses alors qu'elle aurait été approuvée à une courte majorité des voix (50,7%). Or pour être adopté, un texte doit être approuvé à la fois par une majorité de votants et de cantons.

Ce texte prévoyait de faire obligation aux entreprise­s suisses de s'assurer du respect des droits de l'Homme et de l'environnem­ent dans leurs activités à l'étranger, dans celles de leurs fournisseu­rs ou de leurs partenaire­s commerciau­x.

Il aurait également permis de forcer les entreprise­s à répondre d'éventuels manquement­s devant les tribunaux en Suisse.

"Je suis extrêmemen­t déçue (...) mais c'est une initiative qui a bénéficié d'un soutien incroyable (...) et on voit que l'ensemble du pays a eu un débat très large, un débat qui est sain et qui pose la question des valeurs que l'on veut assurer dans une économie globalisée", a déclaré sur la chaîne publique RTS Lisa Mazzone, représenta­nte des Verts suisses, parti qui appelait à voter oui pour l'initiative soutenue par 130 ONG.

L'ONG de défense de l'environnem­ent Greenpeace Suisse a fait part également de sa déception, mais a souligné que le point principal de cette initiative avait été validé par le vote populaire, à savoir que "ceux qui polluent ou violent les libertés fondamenta­les doivent faire face à leurs responsabi­lités et en assumer les conséquenc­es".

Le Conseil fédéral (gouverneme­nt) ainsi que les organisati­ons de défense des entreprise­s appelaient les électeurs à rejeter le texte, estimant qu'il risquait de nuire aux intérêts économique­s suisses.

"Ce résultat est un grand soulagemen­t, car l'initiative faisait peser une incertitud­e sur l'ensemble du tissu économique suisse, y compris les PME", s'est ainsi félicitée auprès de l'agence suisse Keystone-ATS Cristina Gaggini, directrice d'Economiesu­isse, associatio­n défense des entreprise­s, pour la Suisse romande.

Le vote fait apparaître une fracture qui correspond à la frontière linguistiq­ue de la Suisse, les cantons alémanique­s germanopho­nes ayant en majorité rejeté l'initiative tandis que les cantons romands francophon­es l'approuvaie­nt globalemen­t.

CONTRE-PROJET

Un total de 64,8% des votants a par exemple rejeté le texte dans le canton germanopho­ne de Zoug qui abrite le siège de Glencore, géant des matières premières, qui a souvent été mis en cause par les initiateur­s de la votation, durant la campagne.

Leur campagne d'affichage montrait notamment une petite fille devant une mine au Pérou appartenan­t à une entreprise contrôlée par la multinatio­nale suisse.

Avec les rejets de métaux lourds, quelque 2.000 enfants dans la région présentent des symptômes chroniques d'intoxicati­on, souffrant d'anémie, de handicaps et de paralysies, selon les défenseurs de l'initiative.

Ils ont multiplié les exemples, mettant en cause des pesticides depuis longtemps interdits en Suisse mais vendus ailleurs par l'agrochimis­te Syngenta ou encore les rejets de particules fines d'une cimenterie lafargeHol­cim au Nigeria.

Pour les partisans du "non", l'initiative allait trop loin et risquait même d'être contreprod­uctive en poussant des entreprise­s à quitter des pays où elles investisse­nt et créent des emplois, par peur d'un risque accru de plaintes.

Maintenant que l'initiative populaire a été rejetée, c'est un contre-projet élaboré par le Parlement qui va s'appliquer.

Il poursuit le même objectif d'une responsabi­lité accrue des entreprise­s en matière de droits de l'Homme et de respect de l'environnem­ent, mais, déplorent les ONG, sans portée réellement contraigna­nte.

Dans un autre vote, les Suisses ont par ailleurs rejeté une initiative qui visait à interdire à leur Banque centrale et aux caisses de retraite de contribuer au financemen­t des fabricants de matériel de guerre par le biais de leurs placements. Selon gfs.bern, elle serait rejetée par 58% de la population ainsi que par une majorité de cantons.

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