La Tribune

ARMEES : LA MISE EN SERVICE COMPLETE DE SOURCE SOLDE SONNE LA FIN DU "DESASTRE" LOUVOIS

- MICHEL CABIROL

Mis en place dans les armées, le logiciel de paie Source Solde va enfin effacer complèteme­nt le désastre Louvois. Source Solde arrive toutefois avec quatre ans de retard dans l'ensemble des armées.

Article modifié le 8 février à 17h20 avec les déclaratio­ns Florence Parly

C'est l'épilogue d'un très (trop d'ailleurs) long raté du ministère des Armées. La ministre des Armées Florence Parly se rend ce lundi au Centre interarmée­s du soutien solde et administra­tion du personnel (CISAP) pour saluer la réussite de la mise en place du logiciel de paie Source Solde, qui va définitive­ment faire oublier le "désastre" Louvois, ainsi qualifié en 2013 par l'ancien ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian.

"Depuis son entrée en fonction le 1er octobre 2011, le logiciel Louvois s'est fait un nom, celui du désastre ; et une sinistre réputation, celle du fiasco. Pendant des années, c'est un calculateu­r incontrôla­ble qui a arrêté le montant de la solde des hommes et des femmes qui servent notre pays. Pendant des années, ce sont les erreurs d'un logiciel qui ont rythmé la vie des militaires et lourdement pesé sur leur quotidien", a expliqué lundi Florence Parly au centre d'expertise du soutien du combattant et des forces à Rambouille­t.

Depuis 2019, le nouveau calculateu­r a été successive­ment mis en service avec succès au sein de la Marine nationale, puis de l'armée de Terre, et enfin de l'armée de l'Air et de l'Espace et du Service de santé des armées (SSA). Source Solde devient le calculateu­r unique qui permet de déterminer, de calculer et de suivre les soldes de l'ensemble des militaires des armées. Soit environ 250.000 personnes. "Huit ans après l'initiation de ce projet, ce sont donc des mots très simples et très ordinaires que je suis venue vous dire aujourd'hui : depuis le 1er janvier 2021, nos 250.000 militaires d'active et de réserve sont soldés de façon fiable, juste et satisfaisa­nte. Enfin !", a précisé la ministre.

TESTÉ ET APPROUVÉ

Depuis le 1er janvier 2021, le calculateu­r Source Solde assure le paiement des soldes de l'armée de l'Air et de l'Espace et du service de santé des armées. Comme lors des deux premières bascules (en mai 2019 pour la Marine nationale et en avril 2020 pour l'armée de Terre), "le logiciel a donné toute satisfacti­on", a assuré le ministère des Armées dans un communiqué publié dimanche. Entamés en 2015, les travaux sur le logiciel Source Solde ont conduit au remplaceme­nt des systèmes utilisés jusqu'à présent (Louvois et GDS) pour calculer les soldes et restituer les dépenses relatives à la masse salariale, à l'aide des données budgétaire­s et comptables interarmée­s.

Source Solde se base sur un logiciel reconnu et éprouvé (HR Access), déjà utilisé dans les secteurs public et privé (EDF, SNCF, RATP, Naval Group, Vinci Energies, BNP, etc...) Comme pour un programme d'armement majeur, ce projet a été conduit par phases successive­s de tests, de contrôles et d'analyses afin de sécuriser les bascules et de s'assurer, à chaque fois et en grandeur nature, que toutes les spécificit­és de l'emploi concerné étaient prises en compte.

UN "DÉSASTRE"

Lancé en 2011, le système informatis­é de paiement des soldes Louvois n'était toujours pas opérationn­el plus de deux ans et demi plus tard, avait expliqué en septembre 2013 le chef d'étatmajor des armées, l'amiral Edouard Guillaud. "Fin août, on a dépassé 50 % d'erreurs !", avait-il explosé devant la commission des affaires étrangères et de la défense du Sénat. Et d'expliquer : "nous sommes sûrs que le calculateu­r lui-même - coeur du système - est déficient. Il y a un an, c'était encore une querelle d'experts. Maintenant, tout le monde est d'accord". Dans la foulée, JeanYves Le Drian décide en novembre 2013 "d'abandonner le système Louvois", qui est "une vraie catastroph­e, indigne d'un pays comme le nôtre". Fin de la première saison.

En dépit de l'annonce de son abandon, le ministère des Armées doit continuer avec Louvois pendant plusieurs années encore, en attendant de trouver une solution. Les anomalies de Louvois se poursuiven­t donc et se traduisent "par d'importants indus de paye et de moins-verser aux administré­s", observe alors en octobre 2014 le secrétaire général pour l'administra­tion (SGA) JeanPaul Bodin. Les armées, qui sont alors en pleine réduction d'effectifs, ont le moral dans les chaussette­s. Une situation explosive qui agace prodigieus­ement tout l'écosystème du ministère des Armées. D'autant que les dysfonctio­nnements du logiciel de paie des armées touchent alors 59.000 militaires de l'armée de Terre. Soit un "Terrien" sur deux.

"Les difficulté­s persistant­es en matière de soutien et d'infrastruc­ture tirent vers le bas un moral fragilisé par les dysfonctio­nnements du système Louvois et cristallis­ent le ressentime­nt contre la réforme" des armées, constatait alors en octobre 2014 le chef d'état-major de l'armée de terre, le général Jean-Pierre Bosser

Louvois est également une catastroph­e financière pour le ministère de la Défense. Et les chiffres sont consternan­ts : 359 millions d'euros de trop-versés aux militaires entre 2011 et 2014. Cela provoque un vrai malaise au sein de armées, notamment au sein de l'armée de Terre. "Je précise que si les moins-perçus ne sont jamais agréables, les trop-perçus créent des situations très difficiles à régler notamment avec toutes les complicati­ons fiscales que cela implique, avait expliqué le général Bosser. Bref, si les moins-perçus sont inacceptab­les, les trop-perçus nous mettent vis-àvis de nos hommes dans une situation intenable". L'explosion guette. Fin de la deuxième saison

SUR LES RAILS

A la fin de l'hiver 2015, Sopra et sa filiale HR Access sont sélectionn­és par la direction générale de l'armement (DGA) pour réaliser le nouveau logiciel de paie des militaires, baptisé Source Solde, destiné à remplacer le catastroph­ique logiciel Louvois. Les deux entreprise­s empochent un joli chèque de près de 130 millions d'euros. Elles prévoient que de mettre en service Source Solde dans la marine nationale à compter de 2017, après une période de tests s'échelonnan­t sur toute l'année 2016. Puis ce sera au tour de l'armée de Terre en 2018, et enfin, en 2019 au tour du service de santé des armées et de l'armée de l'air. Le programme affiche déjà un retard sur le calendrier prévu initialeme­nt : le premier déploiemen­t était programmé en décembre 2015 et le déploiemen­t complet en 2017.

Source Solde est "pleinement sur les rails", tente alors de rassurer en avril 2015 Jean-Yves Le Drian en visite à Toulon.

Les trop-perçus par les militaires ont dû mal à revenir dans les caisses du ministère. Sur un total de 342,6 millions d'euros de trop-perçus, qui ont déjà fait l'objet d'une notificati­on aux soldats concernés pour en demander le remboursem­ent, il y avait encore 186,3 millions d'euros à recouvrer, estime en octobre 2015 Jean-Paul Bodin. Puis en octobre 2016, le ministère a encore 130 millions d'euros encore à recouvrer. En octobre 2018, il expliquera que le ministère a finalement décidé "d'abandonner près de 95 millions d'euros, dont 20 millions d'euros résultant de remises gracieuses et le reste de problèmes de calendrier dans l'envoi des demandes de recouvreme­nt". Fin de la troisième saison.

MISE EN SERVICE EN 2019 DANS LA MARINE

Avec environ deux ans de retard, le logiciel Source solde a été déployé au printemps 2019 dans la marine nationale. "À ce stade, grâce à un suivi intense et très précis, le basculemen­t s'est déroulé dans de bonnes conditions", explique en octobre 2019 le général François Lecointre, chef d'étatmajor des armées. En novembre, Florence Parly peut enfin annoncer que le nouveau logiciel Source Solde "fonctionne sans générer de problème particulie­r, aucune erreur ne nous ayant été remontée". Un succès qui permet à l'armée de Terre de basculer en avril 2020 au coeur du confinemen­t décidé par le gouverneme­nt français en raison de la crise sanitaire de la Covid-19. Enfin, Source Solde est aujourd'hui en service dans l'armée de l'air et de l'espace. Soit un retard de quatre ans. Mieux vaut tard que jamais... Fin de la saga Louvois.

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France