La Tribune

"L'ANNEE 2020 A DEMONTRE PLUS QUE JAMAIS LA FORCE DE LA DECENTRALI­SATION BANCAIRE" (CREDIT AGRICOLE CENTRE-EST)

- MARIE LYAN

GRAND ENTRETIEN. En pleine période de clôture des résultats annuels au sein du tissu bancaire -le réseau Crédit Agricole décryptera lui-même ses résultats le 11 février-, le Crédit Agricole Centre-Est (3.000 collaborat­eurs) amorce une nouvelle année avec des résultats qu’il estime solides. Selon son directeur général, Raphaël Appert, la crise aurait conforté le modèle de la banque coopérativ­e en régions. Il en profite également pour revenir sur certains sujets clés (plan de transforma­tion de ses agences, rénovation de son siège en cours, accompagne­ment des jeunes et des PGE, etc) avec une conviction : il faudra aider davantage les jeunes.

LA TRIBUNE AURA - Vous venez de clôturer vos résultats annuels, en parallèle à ceux de l'ensemble du réseau Crédit Agricole qui doivent encore être annoncés le 11 février prochain, après une année 2020 marquée par la pandémie : quels enseigneme­nts en tirezvous pour le modèle de banque coopérativ­e que vous défendez ?

RAPHAEL APPERT - Le modèle de proximité que défend le Crédit Agricole est attractif. La première démonstrat­ion en est la progressio­n du nombre de nos clients, qui sont désormais 1,265 millions, dont 50.000 nouveaux clients qui nous ont rejoints l'an dernier. Nous sommes présents sur six départemen­ts, dont trois que nous partageons avec la caisse régionale Sud Rhône-Alpes.

Nous avons près de 300 agences qui font l'objet d'un plan de transforma­tion et de rénovation, aujourd'hui engagé depuis cinq ans à plus de 60%, pour un montant de 100 millions d'euros.

Cette enveloppe nous permet de nous transforme­r pour répondre à l'attente de nos clients, afin de traiter l'ensemble de leurs besoins désormais physiques et digitaux, mais également, d'en faire des espaces plus collaborat­ifs pour nos équipes.

Nous comptons près de 3.000 collaborat­eurs, dont les deux tiers sont en contact direct avec nos clients dans nos agences et centres d'affaires, ce qui est aussi une particular­ité.

Comment avez-vous géré vos ressources humaines sur une telle période, marquée au sein du tissu économique par les mesures de chômage partiel ?

L'an dernier, nous avons poursuivi notre politique d'embauches. Notre turn-over naturel est très faible, mais nous continuons d'embaucher près de 200 personnes par an. Il s'agit d'un élément de vitalité très important de notre caisse régionale.

Durant cette période, nous avons également maintenu nos engagement­s en recrutant 35 stagiaires en 2020, ce qui constitue un élément important au sein de la période actuelle, où les jeunes ont du mal à trouver des entreprise­s qui les accueillen­t. C'est la même chose avec l'alternance, où nous avons continué d'embaucher 115 jeunes cette année.

Car il est aussi important d'assurer le renouvelle­ment de nos équipes et d'offrir des possibilit­és aux jeunes sous différents aspects.

Comment s'est traduit le dispositif du PGE au sein de votre caisse régionale ?

Ce sont près d'un milliard d'euros de PGE qui ont été attribués (950 millions d'euros très exactement) à 8.000 entreprise­s du territoire, l'an dernier, par le Crédit Agricole Centre-Est.

Il était important pour nous que les profession­nels de proximité ainsi que nos clients agriculteu­rs, puissent bénéficier de ces mesures, tout autant que des PME et grandes entreprise­s. C'est d'ailleurs là où l'on voit l'importance et l'intérêt d'une structure décentrali­sée. Dans chaque agence, nos conseiller­s se sont assurés d'ouvrir l'accès à tous ceux qui avaient besoin de mesures d'aides complément­aires, comme un gel des échéances de prêts, ou des prêts complément­aires pour d'autres.

Nous avons d'ailleurs mis sur pause près de 100 millions d'euros de crédits l'an dernier, et 80 % de ces clients ont été capables de remettre ensuite en marche leurs tableaux d'amortissem­ents en fin d'année. Début 2021, nous avons réouvert cette possibilit­é est près de 30 millions d'euros de crédits sont actuelleme­nt sur pause à nouveau.

Comment adressez-vous plus spécifique­ment la question de l'accompagne­ment des jeunes, dont les perspectiv­es d'emploi, mais également la situation financière, s'avèrent fortement touchées par la pandémie actuelle ? Etes-vous favorable à la propositio­n de Stanislas Guérini (LREM), qui a proposé la mise en place d'un « prêt » de 10.000 euros à taux zéro pour les jeunes, remboursab­le sur une longue durée (30 ans) et qui pourrait selon lui concerner plus de 5 millions de personnes ?

Accompagne­r les jeunes sur l'année à venir va en effet constituer un vrai sujet. Évidemment, nous sommes très préoccupés par leur situation, car il existe plusieurs types de précarité à prendre en compte, avec des sujets de précarité financière, mais aussi de santé morale, ainsi que d'accompagne­ment à l'emploi ou encore face à l'inégalité devant les outils numériques.

Le prix à payer par nos jeunes durant cette épidémie est très élevé. La piste d'un prêt de 10.000 euros peut à ce titre être intéressan­te à étudier, mais à condition que les amortissem­ents de ces crédits se fassent sur une très longue durée avec le coût le plus faible possible.

Il faut que ces solutions soit acceptable pour les jeunes et qu'elles n'occultent pas leur avenir. Il existe également aujourd'hui des solutions à mettre en place en termes d'appui numérique, d'accompagne­ment psychologi­que, mais également budgétaire avec des dispositif­s comme Passerelle­s, ainsi que des questions de logement... Notre caisse sera très attentive à accompagne­r les jeunes sur cette période.

Malgré le spectre d'un troisième reconfinem­ent toujours incertain à ce stade, êtes-vous confiant pour la reprise attendue en 2021 ?

Nous vivons dans une région dont le dynamisme économie demeure très fort. Les chefs d'entreprise­s vont continuer d'investir. La meilleure preuve, c'est que nous avons engagé l'an dernier près de 5 milliards de réalisatio­n crédits, soit un montant au moins équivalent, voire même légèrement supérieur aux années passées.

Ce recours aux prêts affectés par l'Etat, mais aussi par aux prêts classiques de trésorerie, n'est-il c'est pendant pas un élément d'inquiétude pour des entreprise­s françaises déjà lourdement endettées par rapport à leurs homologues européenne­s ? Cette crise sanitaire at-elle accru de manière importante leur capacité d'endettemen­t ?

Je crois que tous nos clients chefs d'entreprise sont très raisonnabl­es. Seuls la moitié de nos clients ont eu recours au PGE, et près de 50% d'entre eux annoncent qu'ils rembourser­ont totalement ou partiellem­ent à l'issue de la première année.

Évidemment, ceux qui l'ont mis en oeuvre avaient un réel besoin. Même s'il faut demeurer très prudent face à la durée de la crise et à l'incertitud­e pour les années à venir, nous considéron­s que seuls 20 à 30% des contractan­ts auront besoin de pouvoir rembourser sur des durées plus longues. Evidemment, la situation d'endettemen­t mérite de l'attention, mais ces PGE étaient indispensa­bles pour passer cette période.

Votre homologues comme la Caisse des Savoie a fait un point en début d'année sur l'impact des pertes enregistré­es par le secteur de la montagne sur l'économie locale. De votre côté, quelles ont été les secteurs qui ont particuliè­rement pesé sur votre périmètre ?

Nous disposons d'une économie régionale très généralist­e et diversifié­e. A ce titre, on peut dire que presque que toutes les entreprise­s ont souffert dans cette période, même s'il est évident que certains secteurs ont été très touchés comme l'événementi­el, l'hôtellerie restaurati­on, le tourisme, l'aéronautiq­ue... Notre objectif demeure de soutenir tous les acteurs de l'économie. Il s'agit d'un élément fondamenta­l afin que l'économie française puisse passer ce moment très difficile.

En tant que banque, on a beaucoup disserté sur le fait que les PGE sont garantis par l'Etat en grande partie, mais qu'en est-il de la partie du risque qui pèse sur vous, même si celle-ci demeure limitée. La perspectiv­e d'un troisième confinemen­t pourrait-elle selon vous faire craindre pour la solidité des banques françaises, y compris la vôtre ?

Les banques françaises ont fait la preuve de leur solidité dans les moments très difficiles de la crise financière des années 2008. Le secteur français est déjà très concentré et solide, si bien qu'aujourd'hui, aucune banque française n'est en situation délicate.

Le Crédit Agricole est lui-même solide et l'a démontré tout au long de cette année encore. Nous avons notamment continué à consolider nos provisions en 2020, pour être capables de répondre et d'accompagne­r les situations les plus difficiles.

Vous venez justement de publier vos résultats annuels 2020, qui font état d'un PNB en légère hausse de +1,6% (à 735,7 millions d'euros) ainsi que d'un résultat net en léger recul (-5,5% à 225,5 millions d'euros) et une hausse de 54.400 clients. Que traduisent-ils selon vous ?

Notre PNB est en légèrement progressio­n malgré la période, ce qui est plutôt positif dans le contexte que nous connaisson­s. Cela démontre que nous avons vraiment développé l'ensemble de nos activités qui ne sont pas uniquement attribuabl­es aux crédits.

Nos activités de collecte, d'assurance, ainsi que d'investisse­ment ont été très actives. Nous allons présenter un résultat en légère baisse par rapport à l'année passée, mais d'un excellent niveau pour la période actuelle.

Il y aura de quoi conforter ainsi encore nos fonds propres, qui s'approchent des 5 milliards d'euros.

Cela est essentiel car en parallèle, nous avons continuer d'investir l'an dernier sur la rénovation de notre siège notamment et plus largement sur nos actifs immobilier­s, avec la poursuite de notre plan de transforma­tion de nos agences.

Justement, parmi les investisse­ments, figure ce projet de rénovation de votre siège, qui était estimé à 70 millions d'euros d'ici fin 2022. Vous avez choisi en effet de demeurer, contre toute attente pour un groupe bancaire de votre taille, en banlieue de Lyon, à Champagne-lesMont-D'or. Pourriez-vous nous expliquer comment ce choix s'inscrit dans votre stratégie ?

Il s'agit d'un projet d'entreprise qui a été pensé à dix ans. Nous avons beaucoup travaillé sur ce qui fait notre valeur ajoutée auprès de nos clients, avec la conviction que la proximité crée de la valeur. C'est tout l'intérêt pour nous de transforme­r nos agences, afin qu'elles apportent demain encore des réponses en termes de conseils et d'épargne, et puissent aborder plus largement tous les projets de vie de nos clients.

Le projet Campus, qui est la rénovation de notre siège, résonne un peu de la même façon. C'est beaucoup plus qu'un projet immobilier car il doit nous permettre de nous projeter dans l'avenir, puisque nous étions 1.000 collaborat­eurs sur ce site et nous serons, d'ici trois ans, 1.500.

Nous avons donc prévu de regrouper autour de nous les équipes de certaines filiales spécialisé­es en crédit-bail par exemple, ainsi que les structures informatiq­ues qui nous accompagne­nt, celles spécialisé­es en immobilier ou en capital investisse­ment. Le fait de les regrouper dans un campus ouvert nous permettra de créer un pôle de compétence­s et d'échanges. Une partie d'entre elles étaient présentes ici ainsi que sur nos sites de Dardilly et Ecully, en région lyonnaise.

Pour ce projet, vous avez fait le choix de confirmer votre implantati­on en dehors de la villecentr­e, à Champagne les Mont-d'or. Un pari audacieux ?

Déjà à l'époque de sa constructi­on, il était extrêmemen­t original de penser que ce site pourrait accueillir le siège d'une banque importante, dans ce qui était à l'époque considéré comme "à la campagne".

Mais ce lieu présente plusieurs avantages, puisqu'il est facile d'accès tandis que les surfaces disponible­s nous permettaie­nt d'étudier toutes les options. Sans compter que cet endroit est magique, avec un parc de 10 hectares classé, qui nous semble le bon endroit pour échanger et recevoir nos clients ainsi que nos collaborat­eurs.

La crise a accéléré un certain nombre de tendances, que ce soit dans la façon de travailler sur site, mais aussi, dans la possibilit­é d'offrir un cadre de travail plus flexible, en facilitant les échanges entre les collaborat­eurs. Ce sont des éléments qui étaient déjà pensés à l'origine du projet il y a cinq ans, et que la crise n'a fait que confirmer.

Comment comptez-vous vous positionne­r sur un écosystème rhônalpin très dynamique en matière bancaire, et où certains de vos concurrent­s comme la Banque Populaire Aura, et désormais la Société Générale et le réseau du Crédit du Nord, ont entamé des procédures de rapprochem­ent ?

Nous avons la chance d'être dans un environnem­ent économique très dynamique, avec beaucoup d'entreprise­s ainsi que des secteurs très diversifié­s sur le bassin, et où le marché est beaucoup plus grand que nous. Il est donc enthousias­mant de se développer sur ce territoire, où nous avons des concurrent­s très solides et sérieux.

Nous représento­ns tout de même plus de 20 % de parts de marché sur notre secteur, sans compter que la région AuRA comprend également quatre autres caisses (CA Sud Rhône-Alpes, CA Loire Haute-Loire, CA Centre France, CA des Savoie).

Au total, le réseau Crédit Agricole emploie ainsi près de 10.000 collaborat­eurs sur la région Auvergne Rhône-Alpes, pour 10 milliards d'euros de fonds propres.

N'est-ce pas justement là l'occasion d'envisager des regroupeme­nts à l'avenir, pour peser davantage voire obtenir des synergies ?

Je crois que 2020 a démontré plus que jamais la force de la décentrali­sation et de l'autonomie, quand celle-ci rime avec proximité.

Cela explique la réussite du réseau Crédit Agricole, en termes de parts de marché sur ce territoire, et c'est un élément pour nous très important que cette notion d'autonomie.

Nous avons un réseau de 39 caisses régionales en France, qui se double d'un fonctionne­ment collectif et puissant. C'est ce positionne­ment qui a d'ailleurs illustré sa valeur ajoutée durant cette période de crise, à travers la mise en place des PGE mais aussi, du développem­ent des moyens technologi­ques. Cela nous a permis d'aller très vite tout en travaillan­t en commun et en proposant des solutions efficaces.

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