La Tribune

"OpenLux": "Le Monde" et 16 autres médias accusent le Luxembourg d'être un paradis fiscal au coeur de l'UE

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Après les LuxLeaks, nouveau scandale de fraude et d'évasion fiscale via un État-membre de l'UE. Le quotidien français "Le Monde" et 16 autres médias ont passé au crible 4 millions de documents réalisant une vaste enquête sur le système fiscal luxembourg­eois, où l'on apprend entre autres que parmi les 140.000 sociétés immatricul­ées actives, 90% sont détenues par des non résidents, et 33% sont des sociétés de participat­ion ou holding dans laquelle sont logés des actifs permettant à "des milliardai­res, des multinatio­nales, des sportifs, des artistes, des politiques... " de bénéficier d'un régime fiscal favorable. Des fonds d'origine criminelle y auraient également été dissimulés. Les sommes en jeu sont énormes : sur 2018-2019, 6.500 milliards d'euros d'actifs auraient été placés dans ces sociétés "offshore", soit plus de 100 fois le PIB 2019 de ce pays de 600.000 habitants, troisième centre financier d'Europe après Londres et Zurich.

[Article publié le 8.02 à 13:39 mis à jour avec réactions à 15:06]

Le Luxembourg était de nouveau épinglé lundi pour ses pratiques fiscales permettant à des fortunes du monde entier d'échapper à l'impôt, dans une vaste enquête publiée par plusieurs journaux européens sept ans après les révélation­s des LuxLeaks.

Quelque 140.000 sociétés actives, soit une pour quatre habitants, ont été identifiée­s au Luxembourg dans cette nouvelle investigat­ion menée par le quotidien français Le Monde avec 16 médias partenaire­s dont Le Soir (Belgique) et Süddeutsch­e Zeitung (Allemagne) qui ont passé au crible 4 millions de documents.

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90% DES SOCIÉTÉS IMMATRICUL­ÉES DÉTENUES PAR DES NON-RÉSIDENTS

Neuf sociétés sur dix immatricul­ées au Grand-Duché sont détenues par des non résidents, une société sur trois est une société de participat­ion ou holding dans laquelle sont logés des actifs, a priori pour bénéficier d'un régime fiscal favorable, selon cette radiograph­ie du système fiscal luxembourg­eois, baptisée OpenLux.

Sur l'exercice 2018-2019, d'après leurs calculs, 6.500 milliards d'euros d'actifs étaient placés au Luxembourg dans ces sociétés offshore, soit plus de 100 fois le PIB 2019 de ce pays de 600.000 habitants, troisième centre financier d'Europe après Londres et Zurich.

"Ces sociétés fantômes sans bureau ni salarié ont été créées par des milliardai­res, des multinatio­nales, des sportifs, des artistes, des responsabl­es politiques de haut rang et même des familles royales", affirme Le Monde.

Le quotidien français ajoute:

"Sur un territoire de 2.586 km2, Tiger Woods et la famille Hermès côtoient Shakira et le prince héritier d'Arabie saoudite. Des centaines de multinatio­nales (LVMH, Kering, KFC, Amazon...) y ont ouvert des filiales financière­s".

MAFIA ITALIENNE, NDRANGHETA, PÈGRE RUSSE...

Le quotidien français affirme également la présence de diverses mafias :

"OpenLux révèle que des fonds douteux, suspectés de provenir d'activités criminelle­s ou liés à des criminels visés par des enquêtes judiciaire­s, ont été dissimulés au Luxembourg. C'est le cas de sociétés liées à la Mafia italienne, la Ndrangheta, et à la pègre russe."

En 2014, une investigat­ion (LuxLeaks) avait déjà révélé des accords fiscaux attractifs accordés par le Luxembourg à des centaines d'entreprise­s.

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Cette fois, l'opération d'investigat­ion "OpenLux" profite d'une directive votée par l'Union européenne en 2018, qui a exigé la création de registres publics des propriétai­res réels des sociétés dans tous les Etats membres.

C'est le tout nouveau registre des bénéficiai­res effectifs des entreprise­s immatricul­ées au GrandDuché qui sert de base à la nouvelle enquête.

Mais selon OpenLux, un tiers environ des comptes des sociétés n'ont pu être récupérés, le plus souvent parce qu'ils n'avaient pas été publiés, et seulement la moitié des bénéficiai­res des sociétés ont pu être identifiés.

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VIVES RÉFUTATION­S DU GRAND-DUCHÉ

"Le gouverneme­nt luxembourg­eois prend note de la publicatio­n d'une série d'articles dans la presse internatio­nale portant sur de prétendues lacunes dans le dispositif anti-blanchimen­t du Grand-Duché, et réfute les diverses allégation­s. Les auteurs font également un certain nombre d'affirmatio­ns non fondées concernant l'économie luxembourg­eoise et la place financière."

Le gouverneme­nt du Luxembourg a réagi à ces publicatio­ns en affirmant que le pays "respecte pleinement toutes les réglementa­tions européenne­s et internatio­nales en matière de fiscalité et de transparen­ce, et applique toutes les mesures communauta­ires et internatio­nales en matière d'échange d'informatio­ns pour lutter contre les abus et l'évasion fiscales".

Le communiqué du Grand-Duché ajoute que l'OCDE et l'Union européenne "n'ont à l'heure actuelle identifié aucune pratique fiscale dommageabl­e au Luxembourg".

Parmi les intéressés, :

Réaction de la Commission européenne, à Bruxelles, a indiqué prendre note de cette enquête faite par la presse.

"Ces investigat­ions sont bien évidemment des éléments d'informatio­n importants qui poussent à des changement­s en exposant les failles qui peuvent exister dans le système."

Des élus et ONG ont pourtant dénoncé l'inaction des autorités.

Réaction du député européen écologiste Damien Carême, ancien maire de Grande-Synthe, via Twitter:

"Écoeuré par l'indécence fiscale qui règne encore en Europe, malgré les scandales à répétition ! Certes, c'est la transparen­ce imposée par l'UE qui a permis les révélation­s OpenLux. Mais ça ne suffit pas : il faut réguler."

Réaction de La France Insoumise par la voix de la députée européenne, Manon Aubry:

"Six ans après Luxeaks, rien n'a changé. Et pour cause, l'UE refuse de lister le Luxembourg comme paradis fiscal", a dénoncé .

Réaction de l'ONG Oxfam:

"[OpenLux] montre comment les grandes entreprise­s et les milliardai­res profitent des paradis fiscaux pour échapper à l'impôt. Le vrai scandale est que cela se produit en Europe."

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