La Tribune

EN HAUTS-DE-FRANCE, DES INITIATIVE­S POUR LUTTER CONTRE LA PRECARITE DES ETUDIANTS

- GAETANE DELJURIE, A LILLE

ENQUETE. La région Hauts-de-France concentran­t de nombreux étudiants, elle est évidemment touchée de plein fouet par la précarité. Quelques initiative­s ont vu le jour, comme celles du conseil régional mais aussi d'Entreprise­s & Cité, le grand campus entreprena­rial nordiste. Est-ce pour autant suffisant ?

Avec cinq université­s publiques, une université catholique qui est la plus grande institutio­n privée de France, dix-huit écoles membres de la Conférence des Grandes Ecoles ainsi qu'une kyrielle d'autres établissem­ents privés, la région des Hauts-de-France revendique 230.000 étudiants inscrits en supérieur. Dont près de 65.000 boursiers. Et tous subissent la pandémie de Covid-19 de plein fouet.

En ce début février, le conseil régional a voté un renfort des aides aux jeunes, à commencer par l'accès à un repas gratuit par jour pour tout étudiant qui en fait la demande, en complément des mesures nationales. « C'est une bonne chose mais je n'étais pas au courant », regrette Audrène de Witte, étudiante en master, engagée dans le Syndicat SUD - Solidaires étudiant·e·s Lille. « En pratique, les demandes de repas mettent souvent beaucoup de temps avant d'être créditées sur la carte », souligne-t-elle.

En juillet dernier, la Région avait seulement crédité les boursiers échelons 4 à 7 du CROUS (c'est-àdire touchant de 4.610 euros sur dix mois à 5.679 euros) : ils pouvaient alors obtenir 100 repas gratuits, distribués dans les restaurant­s universita­ires, en plus des mesures nationales concernant les repas à 1 euro.

CONTRATS ÉTUDIANTS SUPPLÉMENT­AIRES

Puisque la pandémie a supprimé de nombreux jobs d'appoint (dont beaucoup de ménages et de babysittin­gs non déclarés), le conseil régional va également financer 1.000 contrats étudiants (en plus des 1.699 actuels), soit 46.800 heures via une subvention versée aux université­s régionales et aux CROUS de Lille et d'Amiens. Le travail revêt de multiples formes : accueil, tutorat, assistance aux étudiants handicapés, soutien informatiq­ue et aux nouvelles technologi­es, animation culturelle­s et sportives... « Je suis moi-même en train de postuler pour un contrat à la bibliothèq­ue mais on ne sait même pas si elle va rouvrir. Mille contrats, cela reste trop peu car nous sommes très nombreux à candidater dès qu'une offre étudiante est proposée », souligne Audrène de Witte.

Le conseil régional a également décidé d'aligner 300 contrats « emploi relais santé » supplément­aires, en plus des 462 existants : le principe, c'est que des étudiants spécialeme­nt formés puissent sensibilis­er leurs camarades sur la prévention santé, qu'elle soit physique et psychologi­que, sur les comporteme­nts à risque mais aussi sur le mal-être, afin de faire le lien avec le profession­nel de santé. « D'un point de vue médical, nous avons besoin de l'aide de profession­nels mais les listes d'attente portent les délais jusque trois mois, commente Audrène de Witte. En outre, les contrats avec la Région sont souvent payés deux mois plus tard alors que nous avons besoin d'argent immédiatem­ent. 1.300 contrats, ce n'est clairement pas assez pour faire face à l'extrême précarité auxquels les étudiants de la région, boursiers ou non boursiers, doivent faire face ».

DÉCROCHAGE

La Re?gion propose par ailleurs de cre?er deux missions d'inte?re?t ge?ne?ral supple?mentaires : « Venir en renfort pour les campagnes de tests Covid-19, notamment en assurant le suivi administra­tif des tests, et lutter contre le de?crochage scolaire en repe?rant les e?tudiants qui pourraient de?crocher », précise le communiqué.

Justement, ce sujet du décrochage a mobilisé sept fondations, qui viennent de lancer Call & Care, une plateforme expe?rimentale pour lutter contre le de?crochage, qu'il s'agisse de l'université, de l'école ou même de l'emploi dans les Hauts-de-France. En effet, dans la région, notamment à

Lille, la part de non-diplômés parmi les jeunes de 15 à 24 ans est de 29,3%, alors que la moyenne nationale en 2020 était de 24,7%.

Le guichet unique Call & Care a été créé par le campus d'entreprene­urs Entreprise­s&Cité, « pour connecter ceux qui font avec ceux qui ont envie de faire. ». Le pilotage de cette plateforme expe?rimentale est confie? a? l'associatio­n Croisons le Faire, dont le parrain n'est autre que JeanPierre Letartre, président d'Entreprise­s et Cités, à la tête du du Réseau Alliances et du Comité Grand Lille.

"PHILANTREP­RENEURS"

Les Fondations AnBer, des Lumie?res, du Nord, de France, des Possibles, de l'Universite? de Lille et le Fonds de dotation Entreprise­s & Cite?s réunies ont trouvé le support du haut-commissair­e a? la pauvrete? de la pre?fecture de re?gion. Un numéro unique (03 59 56 44 80) permettra de connecter les besoins des acteurs de terrain (associatio­ns, fondations, collectivi­te?s) avec les offres d'engagement­s (temps, argent, ressources) des collectivi­te?s, entreprise­s et fondations. Avec aussi l'espoir de remédier aux problémati­ques récurrente­s de recrutemen­t...

Call&Care se donne six mois pour tirer un premier bilan. Elle espère toucher 2.021 décrocheur­s, offrir 2.021 ordinateur­s et engager 2.021 personnes dans la démarche, à commencer par les salariés. « Plus de 400 acteurs e?conomiques ont de?ja? re?pondu a? l'appel du Comite? Grand Lille, cet e?lan de?passe nos attentes : nous sommes dans l'e?re des « philantrep­reneurs » qui font bouger les lignes du monde associatif pour l'aider a? gagner en impact », explique Jean-Pierre Letartre, pre?sident du Fonds de dotation Entreprise­s & Cite?s et du Comite? Grand Lille.

Autre initiative plus anecdotiqu­e mais qui a son importance, le cabinet lillois O Architectu­re a mis gratuiteme­nt à dispositio­n des étudiants huit places de bureaux dans leurs locaux, puisque la majorité des collaborat­eurs ont été mis en télétravai­l. Les jeunes peuvent ainsi accéder au wifi, à une imprimante, à une machine à café et aussi - et c'est peut-être le plus important - à un peu de compagnie.

« L'idée était que nos années étudiantes ne sont pas si lointaines. Par exemple, en architectu­re, il aurait été impensable de ne pas travailler en groupe. Les étudiants viennent de tous les horizons, de médecine à école de commerce... Tous vivent une période très compliquée, certains étant loin de leur famille », explique Victor Lasch, à la tête de l'agence. «C'est aussi gagnant-gagnant car voir de nouvelles têtes créent un peu de dynamisme à l'agence », se réjouit-il.

Lors des manifestat­ions de ce début d'année, étudiants et syndicats ont justement dénoncé cette précarité étudiante, réclamant entre autres la réouvertur­e des facultés, ne serait-ce que pour créer du lien social. Ces dernières pourraient d'ailleurs rouvrir à 20% de leurs capacités d'ici quelques semaines.

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