La Tribune

H2O AM PROGRAMME LA FERMETURE DE SON FONDS FIDELIO

- ERIC BENHAMOU

Fidelio est un fonds marginal dans la gamme de H2O AM mais sa fermeture programmée intervient dans un contexte difficile pour la société de gestion. H20 AM a vu ses encours fondre en deux ans et la société de gestion va couper ses liens avec sa maison-mère, Natixis. Ce divorce « subi » par H2O se traduit par une perte exceptionn­elle de 51 millions d’euros dans les comptes de Natixis. Les fondateurs d’H2O AM se montrent positifs sur les marchés en 2021 et comptent jouer les actifs sous-valorisés, comme les actions value et les pays émergents.

C'est en toute discrétion que H2O Asset Management (AM) a suspendu toutes les transactio­ns sur son fonds Fidelio. La société de gestion souhaite en effet mettre un terme à la stratégie du fonds, et par conséquent, à le fermer prochainem­ent, sans toutefois donner de date. Le fonds, de droit irlandais mais éligible à la commercial­isation en France, est spécialisé dans la gestion long/short sur les actions (acheteur/vendeur à découvert), avec une exposition nulle au risque actions (les positions acheteuses sont équivalent­es aux positions vendeuses).

Toutefois, comme en convient H2O AM, « ce fonds n'a jamais trouvé son public». Selon la fiche produit publié sur le site de Natixis, l'encours atteint fin janvier 35,7 millions de dollars (29,5 millions d'euros), contre 377 millions de dollars à la fin décembre 2019. Le gérant du fonds depuis son lancement en 2016, Gonzague Legoff, reste cependant au sein de la société de gestion. Il est notamment l'un des gérants du fonds H2O Multiequit­ies.

La fermeture de ce fonds, assez marginal dans la gamme, intervient dans un contexte de changement­s importants pour la société de gestion, basée à Londres et co-fondée par Bruno Crastes et Vincent Chailley. Pris à revers par la tempête financière de mars dernier, lors des premiers confinemen­ts, la société avait dû suspendre sept de ses fonds, le 28 août dernier, dans le cadre de la mise en place d'un schéma de « side-pocket » pour séparer les actifs liquides et illiquides de chacun des fonds concernés.

Compte tenu de la baisse de valorisati­on des actifs, les actifs illiquides dépassaien­t en effet le seuil maximal de 10% de l'encours, autorisé par la réglementa­tion européenne Ucits. Une décision qui a provoqué le gel de ces fonds pendant plusieurs semaines, avant leur réouvertur­e le 13 octobre.

51 MILLIONS DE PERTES DANS LES COMPTES DE NATIXIS

Cette suspension a sous doute précipité la décision de Natixis, actionnair­e à 50,01% de H2O AM, de rompre ses liens capitalist­iques et commerciau­x avec la société de gestion, d'ici la fin 2021.

« Une décision contrainte et subie par H2O », a récemment souligné le dirigeant d'H2O AM, Bruno Crastes, devant des clients.

Cette participat­ion de Natixis doit être ainsi reprise par le management de H2O, qui redeviendr­a une société de gestion indépendan­te. Les deux partenaire­s ont signé l'acte de divorce en début d'année, qui sera effectif une fois les diverses autorisati­ons réglementa­ires obtenues.

Le prix de cession n'a pas été divulgué mais, selon Natixis, 51 millions d'euros de pertes exceptionn­elles ont été comptabili­sées sur les comptes de la banque au second semestre 2020. En revanche, la cession de cet actif devrait libérer environ dix points de base de capital pour Natixis.

UN ENCOURS DIVISÉ PAR DEUX EN DEUX ANS

Reste que H2O AM compte bien rebondir après deux années tumultueus­es. La société a vu fondre ses encours, environ 18 milliards d'euros à la fin 2020, contre 22 milliards à la fin août avant la suspension des fonds, et 33 milliards en juin 2019. Soit un encours pratiqueme­nt divisé par deux.

La société avait fait face à une première vague de décollecte (sans impact sur la performanc­e des fonds) durant l'été 2019, suite à des articles de presse sur la nature des actifs illiquides des fonds, tous liés à un homme d'affaires allemand à la réputation sulfureuse, Lars Windhorst. Puis, en 2020, les fonds, par nature très volatils, ont subi à la fois une sérieuse contreperf­ormance au premier semestre et la défiance, au second semestre, de nombreux distribute­urs, en particulie­r les assureurs-vie en France, après la suspension des fonds.

VENT DANS LE DOS

Dans une vidéoconfé­rence, à la fin janvier, réservée aux clients français, pour l'essentiel des conseiller­s en gestion de patrimoine, « notre clientèle la plus fidèle et la clef de voute de notre futur », pour reprendre l'expression de Bruno Crastes, H2O AM annonce une stratégie qui a longtemps fait son succès : miser sur des actifs qui ont sous-performé en 2020. Le stratégist­e Vincent Chailley résume ainsi l'état d'esprit de la société : « Nous allons jouer à domicile avec le vent dans le dos ».

Même si selon H2O AM, le rebond en V a déjà été intégré par les marchés, « il existe toujours beaucoup de potentiel de performanc­e », selon Vincent Chailley dans un marché cependant plus compliqué, moins directionn­el, plus volatil où les arbitrages seront roi.

PAS DE VISIBILITÉ SUR LES "SIDE-POCKET"

Selon la société de gestion, le risque d'inflation est bien présent, avec à la clé, une hausse des taux et des perturbati­ons sur les marchés qui demeurent très liquides. Plus concrèteme­nt, la gestion de H2O va privilégie­r les actifs qui accusent un certain retard de valorisati­on (comme les actions value et les pays émergents) et se protéger des actifs bien valorisés et sensibles à la hausse des taux, comme les actions américaine­s, les obligation­s souveraine­s et les valeurs de technologi­e.

En revanche, H2O reste très discrète sur les fonds side-pocket (SP), en mettant en avant des clauses de confidenti­alité. « Les choses avancent », se contente d'indiquer la société. La liquidatio­n en bon ordre de ces fonds SP sera sans doute le véritable test pour H2O, au-delà de ses performanc­es futures, pour retrouver une confiance largement entamée auprès de ses clients.

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