La Tribune

L'ACTION ADYEN S'ENVOLE AU-DESSUS DES 2.000 EUROS

- ERIC BENHAMOU

La fintech néerlandai­se spécialisé­e dans les paiements pèse désormais plus de 65 milliards d’euros en Bourse, soit une valorisati­on multipliée par neuf en moins de trois ans. Son modèle de plateforme unique pour tous les modes de paiement et tous les pays a séduit les géants de la Tech américaine, dont la croissance alimente la croissance de la fintech, de près de 30% par an.

Adyen est décidément la nouvelle star de la cote européenne. Déjà, son introducti­on en Bourse, en juin 2018, avait défrayé la chronique. Plus importante opération de l'année en Europe, la jeune fintech, fondée en 2006 et spécialisé­e dans les paiements, avait ouvert son capital, presque en catimini, au prix de 240 euros l'action (soit 7,1 milliards d'euros de valorisati­on). Un cours qui devait aussitôt s'envoler pour clôturer à 450 euros lors de son premier jour de cotation et valoriser la société à 14 milliards d'euros.

Bulle spéculativ­e sans lendemain ? Non, car deux ans et demi plus tard, le titre a allègremen­t franchi le seuil des 2.000 euros dans la foulée de la publicatio­n de ses résultats annuels. La fintech néerlandai­se, et ses 1.700 salariés (+50% en un an), pèsent désormais en Bourse 65,5 milliards d'euros, une capitalisa­tion supérieure aux mastodonte­s bancaires européens, comme BNP Paribas (200.000 salariés) ou UBS (68.000 salariés).

OBJECTIF DE 65% DE MARGE EN 2021

Cette valorisati­on peut affoler. En termes de multiples, cela équivaut à 157 fois ses bénéfices estimés pour 2021 ! C'est le prix d'une croissance effrénée. D'un trimestre à l'autre, la société affiche un taux de croissance de 20% de son chiffre d'affaires, et même 27% lors du dernier trimestre 2020. Au total, le chiffre d'affaires progresse de 28% en 2020 à 686 millions d'euros, malgré un fléchissem­ent du taux de commission (take rate), de 25 à 21,5 points de base sur l'année. Le volume traité atteint 304 milliards d'euros et la marge opérationn­elle (Ebidta) 402 millions d'euros (+27%).

Ces chiffres 2020 sont conformes aux attentes des analystes mais la startup a relevé ses prévisions de marge opérationn­elle pour 2021 de 55% à 65%. De quoi propulser le cours au-delà des 2.000 euros (+16% en trois séances) pour terminer vendredi soir à 2.190 euros. La plupart des valeurs du secteur a d'ailleurs suivi le mouvement haussier, notamment l'autre champion européen, Worldline.

LA RAMPE DE LANCEMENT D'EBAY

Quel est donc le secret d'Adyen ? Certes, les paiements sont une industrie à coûts fixes et chaque nouveau client dope la rentabilit­é. Mais la particular­ité d'Adyen repose sur sa plateforme unique, capable de gérer les paiements on-line et off-line, dans le monde entier. Les infrastruc­tures sont toutefois légères, ce qui permet de générer une forte croissance sans investisse­ments lourds et d'assurer d'abondants cash-flows.

Au départ, cette solution a surtout séduit les géants d'Internet, comme Netflix, Uber ou bien Microsoft, notamment pour leur croissance à l'internatio­nal, notamment en Europe. L'avantage est bien de se passer d'une multitude de prestatair­es de paiement dans chaque pays. Le commerce en ligne a été, et reste, le principal moteur de croissance de la société (30% par an), surtout depuis qu'eBay a laissé tomber, en 2018, son ancienne filiale PayPal pour Adyen. De fait, une partie de la performanc­e d'Adyen dans le commerce en ligne est tirée par eBay.

NOUVEAU POTENTIEL DE CROISSANCE

« Adyen est un acteur unique dans l'écosystème européen car ses principaux clients sont les géants de la Tech américaine, qui connaissen­t eux-mêmes des taux de croissance élevés. Du coup, la croissance d'Adyen provient à 80% de ces propres clients », observe Olivier David, cogérant du fonds Vega Disruption, qui suit la valeur depuis son introducti­on en Bourse.

Pour le gérant, si la pandémie a dopé les ventes en ligne, la sortie de crise sanitaire devrait « offrir également un nouveau potentiel de croissance compte tenu de la forte exposition de la société au secteur du tourisme, avec des clients comme Uber ou Airbnb ».

Pour Adyen, cette porte unique sur les paiements est son principal atout. « Nos clients, souvent des leaders dans leur industrie, apprécient d'avoir un seul interlocut­eur, avec une seule plateforme, dont nous sommes propriétai­re à 100%, capable d'accompagne­r leur croissance rapide, partout dans le monde. En cas de problème, ils savent à qui s'adresser », confirme Philippe de Passorio, directeur général d'Adyen France.

La startup a, comme d'autres acteurs, profité de la digitalisa­tion accélérée des paiements pendant la crise sanitaire. La plupart des commerçant­s en boutiques ont dû en effet rapidement proposer une offre de vente en ligne pour pallier les fermetures ou la baisse de fréquentat­ion des points de vente. « Notre plateforme est dès le départ omnichanne­l et les commerçant­s ont pu assez naturellem­ent basculer sur des ventes on-line. La moitié de nos clients a pu ainsi maintenir son chiffre d'affaires pendant la pandémie », précise Philippe de Passorio.

OFFENSIVE SUR LE « VIEUX MONDE »

La priorité du groupe est clairement la croissance, même au détriment des marges, souligne une note d'analyse d'UBS. Si Adyen compte bien poursuivre l'accompagne­ment de ses clients du web à l'internatio­nal, il mise désormais des enseignes, souvent leaders, qui disposent des réseaux de boutiques, comme le groupe textile H&M, y compris pour le marché américain.

Pour le fondateur d'Adyen, Pieter van der Does, l'avenir passe bien par un modèle qui repose à la fois sur le paiement en ligne et le paiement en boutique. Si les achats en boutique ont été cannibalis­és par le on-line pendant la crise, le commerce physique devrait rebondir assez fortement après la crise, et assurer ainsi une croissance des volumes pour Adyen.

D'autant que la société vise également une cible plus large d'entreprise. « L'un des axes de notre stratégie est de nous concentrer sur les PME. C'est notamment le cas, en France, avec des sociétés comme Mise au Green ou Tediber. Cela nous permettra de mieux automatise­r la plateforme et de mettre en place des standards par type d'industrie », avance Philippe de Passorio.

LES MANTRAS D'ADYEN

C'est également une des spécificit­és d'Adyen de privilégie­r une approche standard des besoins des clients, plutôt que le sur-mesure. En clair ce qu'Adyen développe pour un client sera proposé à tous les clients d'un même univers. Ainsi, à la demande de certaines marketplac­es, la société s'est diversifié­e dans les activités d'émission de cartes qui pourraient être généralisé­es à terme en cas de succès.

C'est le fruit également d'une culture d'entreprise très orientée « startup », soigneusem­ent entretenue. Elle permet à Adyen de gérer sa très forte croissance autour de quelques principes fondateurs, les « Adyen formula », et maintenir la cohérence de l'ensemble, malgré des recrutemen­ts accélérés. Le principal mantra du groupe peut se résumer ainsi : « tout ce que l'on fait est pour le bien des commerçant­s », une façon de donner la priorité à la satisfacti­on du client, de tous les clients et non d'un seul, si important soit-il.

Ces principes simples encadrent une organisati­on peu hiérarchis­ée, très décentrali­sée, avec des méthodes de travail « en réseau » pour connecter, sur chaque projet ou prospect, les bonnes personnes avec les bonnes informatio­ns, au sein du groupe. Cela permet à la société de lancer rapidement de nouveaux projets, et de les valider ensuite sur le terrain.

« Nous prenons soin d'embaucher des personnes qui ont cette culture d'entreprend­re et cette capacité à prendre des décisions eux-mêmes », confirme Philippe de Passorio, dont la filiale française compte déjà une cinquantai­ne de salariés. Adyen va vite et compte aller encore plus vite.

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