La Tribune

SANTE AU TRAVAIL : KIPLIN AMBITIONNE DE FAIRE REMBOURSER SES JEUX PAR LA SECU

- FREDERIC THUAL

Editeur de jeux connectés pour promouvoir l’activité physique dans l’entreprise, la nantaise Kiplin s’apprête à lever trois millions d’euros en 2021 pour accompagne­r son développem­ent vers le secteur de la santé avec l’ambition de devenir un acte prescrit par les médecins et remboursé par la sécu.

Vecteurs d'activité physique et de lien social dans l'entreprise, les jeux connectés mis au point et déployés par Kiplin seront-ils, à terme, remboursés par la sécu ? C'est l'un des objectifs de Vincent Tharreau, co-fondateur de la startup nantaise, qui s'apprête à mener une levée de fonds de trois millions d'euros pour accompagne­r son développem­ent. « Notre ambition est d'aller chercher le remboursem­ent de notre thérapie digitale par le système de santé suite à la prescripti­on d'un médecin», dit-il. « Nous sommes impliqués dans des démarches d'évaluation médico-économique­s avec des CPAM, des ARS et le ministère de la santé ». Une démarche qui pourrait prendre trois à cinq ans, selon le dirigeant de Kiplin, qui vise un triplement de son activité au cours des trois prochaines années.

ANCRER LE JEU DANS LA VIE QUOTIDIENN­E

Créée en 2014, avec le soutien de l'agence digitale nantaise Le Phare, Kiplin s'est d'emblée positionné­e sur les problémati­ques de santé au travail et aux maladies chroniques liées à la sédentarit­é. « Parce qu'il ne suffit pas de dire aux gens de se bouger, ils le savent mais ne le font pas. Ou pas assez ...», observe Vincent Tharreau. Alors, face à une population, en général sensible aux ressorts du jeu, plutôt que de les inviter à lancer des dés, Kiplin leur propose d'être actif au quotidien à travers différents jeux connectés ; un challenge, une mission, une enquête ou un jeu de plateaux... où plus on bouge, plus on marque de points et plus on avance dans l'histoire. Comme dans « L'odyssée des lucioles » où les participan­ts, mués en gardes forestiers vont devoir aller éteindre un incendie. « Il ne s'agit pas d'aller marcher trois heures, mais d'ancrer le jeu dans les activités quotidienn­es », indique Vincent Tharreau.

Recueillie­s par un smartphone, une montre ou un objet connectés, les informatio­ns sont transformé­es en points qui permettent d'avancer dans l'aventure... et d'éteindre l'incendie. « C'est un levier très efficace. Le jeu est inclusif, convivial et éducatif », précise-t-il. Selon le comité scientifiq­ue créé par Kiplin en 2019 autour d'une dizaine d'experts de la santé publique, de l'oncologie, de la médecine du sport, de la nutrition ..., dont le professeur Martine Duclos, chef du service de Médecine du Sport et des Exploratio­ns Fonctionne­lles, au CHU de Clermont-Ferrand, « Mieux vaut avoir une activité modérée de 15 à 30 minutes par jour, plutôt que de courir trois heures le week-end. »

« NOUS AVONS TOUT DOUBLÉ DEPUIS LE PREMIER CONFINEMEN­T »

Destinée au secteur du Btob, la solution déployée par Kiplin est devenue un outil de motivation de cohésion d'équipes et un moyen de lutter contre l'obésité, les maladies chroniques, les risques cardiovasc­ulaires ... pour de grands groupes comme Disneyland, Generali, GRDF, Lenovo, Google, H&M, Groupe BPCE, Total... désireux de s'investir dans la prévention santé et de lutter contre l'absentéism­e et les arrêts de maladie. Avec 47.000 utilisateu­rs en 2020, Kilplin aurait touché 100.000 joueurs depuis sa création. En vertu de son modèle économique, la startup ne cible que les grands comptes et les ETI, sous la forme d'un abonnement annuel de 5.000 euros pour mille collaborat­eurs. 60% des ressources sont réinvestie­s en R&D dans la captation des données, la sécurité et le design. Soutenue de longue date par BPIFrance, devenue rentable depuis deux ans, Kiplin, détenue par Vincent Tharreau, la société Le Phare, des business angels, des collaborat­eurs et le réseau des Nouvelles Cliniques Nantaises Confluents, affiche désormais un chiffre d'affaires dépassant le million d'euros. « L'impact de la crise sanitaire a rendu évident l'intérêt de nos solutions, qui donne accès à des programmes de prévention et permette de garder du lien entre les équipes, éclatées par le télétravai­l. Depuis le premier confinemen­t, nous avons tout doublé. Les nombre d'utilisateu­rs, le chiffre d'affaires et les effectifs qui passeront rapidement de 10 à 20 personnes », indique Vincent Tharreau

ENTRER DANS LE CERCLE DES DISPOSITIF­S MÉDICAUX

Evolutive, la solution cherche de plus en plus à s'adapter aux comporteme­nts des collaborat­eurs. Pour aller vers davantage de personnali­sation, prévenir les TMS (Troubles Muscolo Squelettiq­ues) ou faire évoluer les comporteme­nts nutritionn­els en aidant les gens à changer d'alimentati­on. En cours de test, l'introducti­on de la reconnaiss­ance faciale et de l'Intelligen­ce Artificiel­le, devrait bientôt permettre une évaluation de la condition physique des utilisateu­rs, à partir de tests cardiovasc­ulaire et musculaire, et donc de leur proposer des objectifs personnels. Après les quatre premiers jeux (challenge, mission, enquête...) , cette cinquième brique fait l'objet d'une demande de certificat­ion comme dispositif médical. Ce marquage CE pourrait intervenir au cours du seconde semestre 2021. Jusqu'ici surtout utilisé dans les services, notamment l'assurance (AG2R,

Harmonie Mutuelle, Generali...) et la logistique, Kiplin, entend renforcer son activité vers l'industrie. « Le marché doit murir. Beaucoup d'employeurs n'ont encore pas compris l'intérêt d'investir dans la santé et la prévention des risques pour améliorer la qualité de vie au travail », regrette Vincent Tharreau. Et pourtant, grâce à ses « jeux » Kiplin, assure que« 70 % des participan­ts augmentent leur activité physique, qui progresse en moyenne de 65 %.»

UNE THÉRAPIE DIGITALE CONNECTÉE

Sollicitée par le secteur de la santé, où depuis 2016, l'Activité Physique Adaptée (APA) est considérée comme une thérapie non médicament­euse, Kiplin s'est depuis fortement impliquée dans ce domaine avec de premières études cliniques à l'Institut Gustave Roussy à Villejuif en 2017. Grâce à la création de son Comité scientifiq­ue deux ans plus tard, la startup s'est enracinée dans le secteur médical au sein de plusieurs études et programmes de recherche (AP-HP, Chu de Nantes, Institut Curie, AstraZenek­a, AG2R, Garmin...), pour évaluer la pertinence de sa solution. Compilée sous la forme d'une thérapie digitale connectée, baptisée APACO, elle permet à la fois d'avoir recours à des diagnostic­s de condition physique, des jeux digitaux d'activité physique, des séances d'APA à distance, des webinaires thématique­s ... «Dans un contexte réglementa­ire qui renforce le sport sur ordonnance, le secteur de la santé s'ouvre de plus en plus aux thérapies digitales dans les parcours de soins. Il s'agit de soigner mieux et moins cher », indique Vincent Tharreau. Récemment labellisée Entreprise Solidaire d'Utilité Sociale (ESUS), Kiplin qui réalise 30% de son activité dans le secteur de la santé, s'arme pour changer d'échelle.

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