La Tribune

Feux de... Brousse : Confineige­ment

- JEAN BROUSSE

Ingénieur, éditeur, observateu­r attentif des sociétés, du monde et des gens, Jean Brousse, corrézien, bretteur de mots, a publié "Deux mois ferme", collection de ses chroniques quotidienn­es du confinemen­t. Il tiendra dans La Tribune une revue du couvre-feu devenu reconfinem­ent, intitulée comme il se doit Feux de... Brousse.

Bravo, général Castex ! Dans la discussion sans fin sur l'opportunit­é, les vertus, l'évidence, la fatalité d'un re-re-re...confinemen­t, votre alliance avec votre collègue, le général hiver, est un coup de maître. La neige, le gel, le froid, le verglas viennent à votre secours, juste après les crues et les inondation­s. Autant de raisons de rester chez soi. Vous avez inventé le « confineige­ment », bravo, alors que chacun s'inquiétait du comporteme­nt des familles libérées par les vacances scolaires. Votre maîtrise des éléments et de la météo inspire le respect, et paraît rassurante au moment où le parlement discute de la loi « climat ».

L'excellent professeur Fontanet, légitimeme­nt reconnu, champion des tenants de l'ordre, au point de chercher « la courbe dans la courbe », en vient même au bout du compte à « espérer que nous échapperon­s » au châtiment suprême, même s'il compte un peu sur les « variants » pour venir à son secours. Qui vivra Véran, poutinien en diable dans sa séance télévisée de vaccinatio­n - mais en a-t-il l'âge et fréquente-t-il tous les jours des malades ? - admet avec une prudence toute politique : « il n'est pas impossible que nous ne re-confinions pas ». Chic !

Les sacro-saintes courbes décidément peu coopérativ­es déstabilis­ent les ronchons « académédia­tiques » qui commencent à entrevoir non sans désespoir leur disparitio­n à terme des plateaux de télévision dont les animateurs atteints de panurgie aiguë redoublent de virages sur l'aile instantané­s. Ils auront au moins connu leur heure de gloire warholienn­e.

Un vent d'optimisme souffle pourtant depuis quelques jours. Les chiffres de la contaminat­ion semblent décroître et le mythique R0 décélère obstinémen­t. On vaccine. La ministre de la culture ose même évoquer la possible ouverture des musées. Quelques étudiants retrouvent avec joie leurs amphis, il faut bien continuer à fabriquer les savants que le monde entier nous envie, séduit et nous enlève. Les écoles sont fermées pour trois semaines, on verra bien après. Jean Michel Blanquer fait avec conscience de l'exercice dès qu'il peut. Soeur Andrée est guérie. Bingo !

Le printemps n'est pas si loin. Bientôt la nuit ne suffira plus à nous satisfaire, résignés, de l'heure du couvre-feu, et nous aurons des fourmis dans les jambes. Nous ne regarderon­s plus du même oeil les terrasses fermées des restaurant­s. Les primevères pointent leurs nez dans les pelouses, les bourgeons se rient du virus et dans un mois, la pêche ouvrira, peut-être ? Aurons-nous progressé dans le débat sur le respect des valeurs républicai­nes ? Beaucoup s'inquiètent de l'état de la démocratie, à l'aube d'une sérieuse séquence préélector­ale, quand d'autres enfourchen­t la croisade de l'épurement moral. Les Victoires de la musique ont eu malheureus­ement lieu à huis clos !

Fêterons-nous le 15 mars notre levée d'écrou, ou souffleron­s-nous la première bougie d'un funeste anniversai­re ? Le pire n'est même pas certain.

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