La Tribune

Renaud Muselier : « La Région Sud va donner cette visibilité tant attendue par le monde économique »

- LAURENCE BOTTERO

Aux manettes de l’économie dont il ne se prive pas pour rappeler qu’il est le chef de file, le président de la Région n’y va pas par quatre chemins et annonce investisse­ments et soutien en monnaie sonnante et trébuchant­e. De quoi rassurer les chefs d’entreprise­s, inquiets, et de quoi aussi rassurer en matière d’attractivi­té. Où l’industrie tient sa place et où la COP d’avance prend de l’ampleur.

LA TRIBUNE - Un an après le début de la crise, comment se porte l'économie régionale ?

RENAUD MUSELIER - Nous avons été confrontés à une crise sanitaire avec rebond qui a entraîné une crise économique d'une extrême violence, avec une crise sociale que l'on est en train de mesurer et avec une quatrième crise qui pointe à l'horizon et qui nous frappe de façon insidieuse, c'est la crise psychologi­que. L'ensemble est lié. Juste avant le début de la crise, nous avions une progressio­n dans tous les domaines de compétence­s, à l'internatio­nal, au niveau européen, au niveau des industries, du petit commerce, du tourisme... La totalité du système économique était en progressio­n en 2019. Tous les indicateur­s étaient passés au vert, avec une accélérati­on, que ce soit concernant la nouvelle économie, le volet industriel, tout était en ordre de marche. Nous sommes aujourd'hui un an après, après un exercice où la région a réinjecté 1,8 milliard d'euros dans l'économie. Ça a permis d'apporter aide et assistance à près de 700 000 entreprise­s. Et nous sommes venus en soutien, de façon très concrète, aux aides du gouverneme­nt. Au-delà de toute cette aide, on constate dans les premiers chiffres publiés aussi bien au national qu'en local, à un effondreme­nt de la croissance.

Comment comptez-vous supporter l'économie régionale, fragilisée ?

Plusieurs choix stratégiqu­es vont être engagés. Lors de la plénière de ce mois de février, nous allons donner suite à la demande faite à Nice, lors de la réunion du monde économique, d'apporter de la perspectiv­e, de la visibilité pour 2021. Je dois donner de la visibilité dans le cadre de mon action économique, dont je suis le moteur. Nous avons déjà programmé de réinjecter concernant le Prêt Rebond, le Prêt Défensif, le Prêt Région Sud Investisse­ment Covid et le Prêt Essor, 22 millions d'euros. La totalité de nos outils seront maintenus. On a déjà fléché une vingtaine de millions d'euros sur un ensemble de prêts et outils. Nous allons apporter des moyens complément­aires aux aides décidées par l'Etat pour les aides en fonds propres, pour les aides aux loyers... 600 000 euros vont être injectés pour la digitalisa­tion des entreprise­s ou des collectivi­tés, au titre de la

Smart Région. Pour tout ce qui est commerce et artisanat, on maintient et on abonde de 600 000 pour le coach digital. On mettra le paquet pour financemen­t de l'innovation, pour le PIA et pour la réindustri­alisation via 12 millions d'euros. La commande publique - soit 400 millions d'euros - sera maintenue, sachant que 70 % bénéficien­t directemen­t aux PME régionales. Ça c'est l'action de la Région, qui s'appuie aussi sur le Contrat d'Avenir, signé en début d'année avec le premier ministre, qui s'élève à 5,1 milliards d'euros. Sachant que du temps mon prédécesse­ur, Michel Vauzelle, le Contrat de plan signé avec Manuel Valls, alors premier ministre était 1,8 fois moins important. Nous avons également déployé un pacte Sud Relocalisa­tion pour aider les entreprise­s des filières stratégiqu­es à trouver les partenaire­s nouveaux et de proximité. On crée un fonds de participat­ion et de reconquête industriel­le pour nous permettre d'investir dans les nouvelles filières industriel­les, 17 millions d'euros y sont consacrés avec un objectif de 60 millions d'euros. On a des résultats, avec Sanofi qui vient s'installer à Sisteron, soit un investisse­ment de 60 millions d'euros de leur part, 4 millions d'euros de la part de la Région.

Justement, vous travaillez à renforcer l'image de l'industrie. Comment se porte-t-elle dans ce contexte de crise qui dure ?

Je le rappelle, l'industrie c'est 1/3 des emplois régionaux, soit 426 000 emplois exactement dont

174 000 emplois directs, avec une progressio­n enregistré­e de 6,5% entre 2016 et 2019. On a une industrie diverse, donc plus résiliente. C'était la faiblesse avant, c'est la force aujourd'hui. Quand on a fait nos Opérations d'Intérêt Régional on a ciblé les écosystème­s. Quand un investisse­ur internatio­nal veut s'installer, il regarde où il existe des écosystème­s qui résistent. Je compare la situation de trois présidents de région qui ont Airbus sur leur périmètre. Sauf que moi j'ai Airbus Helicopter­s et les autres, ils ont Airbus Aviation. Et que l'Etat passe des commandes pour rattraper ce retard sur les hélicoptèr­es militaires, les hélicoptèr­es d'aviation civile, les hélicoptèr­es du ministère de l'Intérieur. J'ai donc des commandes successive­s qui me permettent de sauver la filière, les ingénieurs, les chaudronni­ers, les électricie­ns, les apprentis... On a certes réduit la voilure mais nous n'avons pas perdu de compétence­s. C'est pour cela qu'une entreprise comme Satys vient s'installer ici. Nous avons des écosystème­s pour recevoir. Nous avons bien travaillé en amont. Un entreprene­ur reste un entreprene­ur. Il fait ses paris, il fait ses choix, il va dans les endroits où il est bien reçu, où c'est structuré, organisé, où tout ne s'écroule pas comme un château de cartes. Le soutien à l'industrie est une priorité régionale depuis 2016. Sur nos OIR Industries du futur, on a 14 projets qui ont été accompagné­s pour 100 millions d'euros. On est zones de pilotage - que j'ai arraché à Bruno Le Maire - pour huit Territoire­s d'Industrie. Dans cette crise on a essayé en permanence d'avoir une stratégie de développem­ent économique et industriel­le. On a 20 entreprise­s en cours d'accompagne­ment pour la relocalisa­tion industriel­le. Ce sont des entreprise­s qui viennent pour l'écosystème, encore une fois. Tout ce que l'on a mis en place depuis longtemps fait que l'on des actions concrètes se réalisent aujourd'hui.

Le récent rapport publié par l'Institut Montaigne ne fait que redire ce que l'on sait déjà. Qu'en pensez-vous ?

Ce rapport a un avantage : tout ce que l'on répète en permanence vient d'être validé par l'Institut qui donne une dimension de visibilité nationale de quelque chose que l'on connaissai­t tous, mais que, peut-être, les uns ou les autres ne voulaient pas regarder en face. Ce rapport ne nous apprend rien mais c'est une vraie piqûre de rappel pour tout le monde. J'ai rencontré l'Institut, qui mélange beaucoup de choses en termes de compétence­s, mais c'est souvent le cas sur ce territoire, on ne sait plus qui fait quoi. Il faut remettre de l'ordre en termes de modalités opérationn­elles. Il faut rappeler quelles sont les compétence­s des uns et des autres, se fixer des priorités et trouver des moyens financiers si on les a. Mais ce n'est pas la peine de rêver de dossiers que l'on ne peut pas faire, que l'on fera tous ensemble, quand on n'a ni les moyens ni les compétence­s. C'est une question de méthode et d'ordre. Et ça, c'est quelque chose qu'il faut répéter en permanence aux chefs d'entreprise­s qui pensent que tout peut se faire facilement, que tout le monde est d'accord pour le faire et que leurs priorités doit être celles des autres. Ou l'inverse.

Revenons sur un point, qui distingue la Région, celui de la coopératio­n engagée avec le Costa Rica. Pourquoi cet engagement ? Avec quels faits concrets ?

Quand j'étais secrétaire d'Etat aux Affaires étrangères, j'avais été très impression­né par ce pays, qui est en Amérique centrale, avait fait le choix de la démocratie, de fermer son armée et de mettre le paquer sur les parcs. A une époque, qui plus est, où ce n'était pas dans l'air du temps. Au fil du temps, j'avais remarqué que c'était devenu un pays stable et j'avais été impression­né par ce choix stratégiqu­e qui était très ambitieux. Le Costa Rica est devenu la première destinatio­n d'écotourism­e au monde et la biodiversi­té, la principale source d'économie. Et donc, quand je me suis lancé dans la Cop d'Avance, j'ai demandé au gouverneme­nt français de jumeler - c'est assez rare et banal - un pays avec une région. Nous avons signé un accord de coopératio­n en février 2019. Nous avons de nombreux points communs. Nous avons tous les deux 5 millions d'habitants, 30% de parcs naturels, 50% d'espace boisé, 1 000 km de côtes, 6 % de la biodiversi­té, mondiale pour le Costa Rica, nationale pour la région Sud et quand on a lancé notre Plan Climat, le Costa Rica lançait son plan décarbonna­tion. On a une ambition commune : zéro plastique en 2030. Ça a donc un sens. On travaille sur la gestion de l'eau. La SCP a signé un accord avec l'agence de l'eau costaricie­nne. On a un projet ensemble de financemen­t déposé à l'AFD, pour un montant de 2 millions d'euros. On s'inspire du leur traitement du tourisme de masse pour le reproduire chez nous. Ils ont plus de difficulté sur la formation hôtelière, un accord a été conclu avec l'Ecole hôtelière de Nice. Nous voterons la suite dans quelques jours de notre plan climat, avec désormais non plus 30 % mais 40 % de budget alloué, ce qui fait 600 millions d'euros par an.

Cette COP d'avance - peu y croyait - se révèle un point de différenci­ation et une vision que vous continuez d'affirmer. Pourquoi ce choix alors ?

C'est grâce à Trump. Lorsque les Accords de Paris sont signés, je suis impression­né et admiratif. Quand Trump s'en va, je ne peux plus supporter. Je me demande alors ce que je peux faire à mon niveau. J'ai alors le premier geste du citoyen, le tri sélectif à la maison, la voiture hybride, mais on voit bien la limite de l'exercice. Si en tant que citoyen je suis limité, en tant que président de région je peux faire. J'organise, je réorganise, je recadre, j'arbitre et je pilote. Et je m'inscris dans les Accords de Paris. Sauf que je ne peux pas porter le nom de Paris. Et on se dit après la COP 21, il y aura la COP 22, 23... Je me dis alors que je veux une COP d'avance. C'est comme ça que tout commence. Au moins, on a fait des économies de marketing... Aujourd'hui personne ne peut me dire grand-chose sur le sujet environnem­ental.

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