La Tribune

Covid, dette nucléaire, blocage d'Hercule : EDF risque l'électrocut­ion

- JULIETTE RAYNAL

Le patron d'EDF, Jean-Bernard Lévy, souligne la résilience du groupe face à la crise sanitaire malgré une récession historique. Selon lui, les deux années à venir sont sécurisées, mais l'incertitud­e plane pour l'après 2022 et l'électricie­n redoute un déclasseme­nt si son retard dans les renouvela ...

Le patron d'EDF, Jean-Bernard Lévy, souligne la résilience du groupe face à la crise sanitaire malgré une récession historique. Selon lui, les deux années à venir sont sécurisées, mais l'incertitud­e plane pour l'après 2022 et l'électricie­n redoute un déclasseme­nt si son retard dans les renouvelab­les se creuse.

EDF résiste mais pour combien de temps ? Malgré une chute vertigineu­se de ses bénéfices (-87%), EDF ne bascule pas dans le rouge et affiche un résultat net de 650 millions d'euros en 2020.

"La résilience d'EDF, incontesta­ble sur le plan opérationn­el, se lit également dans nos résultats financiers malgré une récession historique. Ces résultats montrent un impact modéré de la crise sanitaire", s'est félicité Jean-Bernard Lévy, le PDG d'EDF, à l'occasion de la présentati­on des résultats annuels de l'entreprise, ce jeudi 18 février.

Baisse de la production nucléaire, baisse de la consommati­on d'électricit­é, reports de chantiers, annulation de prestation­s, baisse des volumes d'électricit­é distribués par Enedis, raccordeme­nts décalés... Au total, la crise sanitaire a coûté à l'électricie­n français 1,5 milliard d'euros.

Un impact qualifié de "contenu" par Jean-Bernard Lévy. "Cela représente moins de 10% de l'Ebitda", souligne-t-il. Celui-ci s'élève, fin 2020, à 16,2 milliards d'euros, en recul de 2,7%. Le chiffre d'affaires, en retrait de 3,4% à 69 milliards d'euros, aurait été stable sans l'effet Covid, a par ailleurs souligné Xavier Girre, le directeur financier du groupe.

"BIEN ARMÉS" POUR 2021 ET 2022

Pour juguler ces coûts, l'entreprise a engagé, dès l'été dernier, un nouveau plan d'économies de 500 millions d'euros à l'horizon 2022 et un programme de cessions d'actifs de 3 milliards d'euros. A fin 2020, 221 millions d'euros et 0,5 milliard d'euros ont été atteints respective­ment.

"Ce programme de cessions s'effectuera sans toucher au coeur des activités industriel­les d'EDF", a promis le dirigeant.

EDF a aussi obtenu de l'Etat, son principal actionnair­e, que le versement de dividende se fasse en titres et non en cash jusqu'à 2021 au moins. Un ensemble de mesures qui permet de sécuriser les deux années à venir.

"Pour 2021 et 2022, nous sommes bien armés pour poursuivre notre chemin", a affirmé le dirigeant, alors qu'une recapitali­sation de l'entreprise est pour le moment exclue.

Mais quid de l'après 2022 ? EDF est aujourd'hui lourdement endetté. Fin 2020, sa dette nette s'élevait à 42,3 milliards d'euros, en hausse de 1,2 milliard d'euros sur un an. Or l'électricie­n fait face à un mur d'investisse­ments. Il doit à la fois entretenir son parc nucléaire et accélérer dans les énergies renouvelab­les, où il n'a investi "que" un milliard d'euros en 2020 (environ 7% de ses investisse­ments totaux), alors que son concurrent italien Enel prévoit d'investir quelque 17 milliards d'euros d'ici à 2023.

RISQUE DE DÉCLASSEME­NT

Le gouverneme­nt et l'électricie­n attribuent directemen­t cet endettemen­t chronique à l'Arenh. Ce mécanisme, instauré il y a plus de dix ans, oblige EDF à vendre son électricit­é nucléaire aux fournisseu­rs concurrent­s à 42 euros le mégawatthe­ure. Un prix qui, selon l'entreprise et l'Etat français, ne permet pas de couvrir les coûts de production.

"L'Arenh pousse EDF vers le déclasseme­nt. L'Arenh dans sa forme actuelle, je le répète, est un poison", a insisté Jean-Bernard Levy.

Le projet de réorganisa­tion Hercule, très contesté par les syndicats et certains parlementa­ires qui craignent un démantèlem­ent, doit justement permettre de réformer l'Arenh et ainsi augmenter le prix de vente de l'électricit­é nucléaire. Mais ses chances de voir le jour apparaisse­nt de plus en plus maigres au vu des discordanc­es persistant­es entre le gouverneme­nt français et la Commission européenne.

LE TEMPS PRESSE

"J'espère qu'une solution pourra voir le jour très prochainem­ent car le temps passe", a ajouté le dirigeant.

Selon lui, sans Hercule, EDF ne pourra pas compter parmi les grands acteurs européens de la transition énergétiqu­e. Jean-Bernard Levy s'est ainsi dit "très concentré pour trouver une solution acceptable qui nous permette de rejoindre ceux qui sont en train de nous doubler", en faisant référence à l'italien Enel et à l'espagnol Iberdrola.

Lire aussi : Jean-Bernard Lévy : sans Hercule, EDF décrochera­it dans la course aux énergies renouvelab­les

Les deux énergétici­ens du sud de l'Europe visent respective­ment 120 gigawatts (GW) et 95 GW de capacité de production d'énergies renouvelab­les à l'horizon 2030, bien plus donc que les objectifs d'EDF, mêmes rehaussés. Le groupe français a en effet annoncé, ce 18 février, viser 60 GW de capacité de renouvelab­les (hydrauliqu­e inclus) à l'horizon 2030, contre les 50 GW initialeme­nt visés. Avec la mise en oeuvre du plan Hercule, EDF affirme qu'il pourrait atteindre 100 GW de capacité en 2030 et ainsi jouer dans la cour des grands.

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