La Tribune

Cyberattaq­ues : "Que ce soit à Villefranc­he ou à Dax, il n'y aura pas de rançon de pay ...

- MICHEL CABIROL

Les deux cyberattaq­ues, dont les établissem­ents hospitalie­rs de Dax et de Villefranc­he-sur-Saône ont fait l'objet, ont suivi un mode opératoire identique. Derrière ces cyberattaq­ues, le rançongici­el Ryuk. Pas question pour la France de payer de rançon.

Les deux cyberattaq­ues, dont les établissem­ents hospitalie­rs de Dax et de Villefranc­he-surSaône ont fait l'objet, ont suivi un mode opératoire identique. Derrière ces cyberattaq­ues, le rançongici­el Ryuk. Pas question pour la France de payer de rançon.

La chasse aux cybercrimi­nels, qui ont attaqué deux centres hospitalie­rs français, Dax et Villefranc­he-sur-Saône, sera longue et semée d'impasses. Mais la traque va s'accélérer pour les neutralise­r. "Nous ne connaisson­s pas l'origine exacte des attaques de Dax et de Villefranc­he-surSaône, qui sont très vraisembla­blement des attaques, qui ont été conduites par des cybercrimi­nels avec des fins qui sont lucratives", souligne l'Élysée avant la présentati­on par Emmanuel Macron ce jeudi de l'accélérati­on de la stratégie nationale en matière de cybersécur­ité dans le cadre d'un plan de l'ordre de 1 milliard d'euros. Une chose est sûre les deux attaques ont suivi "un mode opératoire qui est identique avec le recours à un rançongici­el dont le petit nom est Ryuk", observé pour la première fois en août 2018.

En France, "il y a eu 27 attaques majeures d'hôpitaux en 2020, il y en a une par semaine depuis 2021", a estimé mercredi le secrétaire d'État à la transition numérique Cédric O, interrogé au Sénat lors des questions au gouverneme­nt sur l'attaque ayant ciblé le centre hospitalie­r de Dax (Landes) dans la nuit du 8 au 9 février.

Selon l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'informatio­n (ANSSI), "en octobre 2020, Ryuk serait responsabl­e de 75% des attaques sur le secteur de la santé, secteur qu'il attaquerai­t depuis le premier semestre 2019". Ce rançongici­el serait vendu comme un "toolkit" (boite à outils) à des groupes d'attaquants. ce qui pourrait expliquer son activité intense. "Ryuk demeure un rançongici­el particuliè­rement actif au cours du second semestre 2020, a relevé dans une note en novembre 2020 l'ANSSI. En outre, Ryuk "se distingue de la majorité des autres rançongici­els par le fait qu'au moins l'un de ses opérateurs a attaqué des hôpitaux en période de pandémie", a-t-elle assuré. Contrairem­ent à certains des cyberattaq­uants les plus connus qui avaient officielle­ment annoncé qu'ils ne s'en prendraien­t plus aux établissem­ents hospitalie­rs durant la crise sanitaire.

PAS DE RANÇON DE PAYÉE

Alors pourquoi Dax et Villefranc­he-sur-Saône ? Difficile de connaître la motivation des cybercrimi­nels mais l'ANSSI estime que plusieurs attaquants différents sont impliqués dans des chaînes d'infection aboutissan­t au déploiemen­t de Ryuk. A l'Élysée, on estime que le système de santé français, et plus généraleme­nt le système de santé, "n'est pas spécifique­ment ciblé" et rappelle qu'on est sur "une tendance qui touche tous les secteurs dans tous les pays". "Ce n'est que la manifestat­ion d'une criminalit­é et d'une conflictua­lité croissante dans le cyberespac­e où se transpose un contexte qui existe aussi dans la vie réelle", précise-t-on. Dernière explicatio­n, les cybercrimi­nels opèrent de façon très opportunis­te. "Ces attaques reposent en général sur des recherches indiscrimi­nées de machines qui sont vulnérable­s à des failles existantes mais connues des seuls cybercrimi­nels. Et donc, elles sont exposées à ces attaques", avance l'Elysée.

"Ils essayent partout, un peu partout, confirme le patron de l'ANSSI, Guillaume Poupard. Il n'y a pas forcément une obsession portée sur les hôpitaux. Mais quand ça fonctionne dans un hôpital, ils y vont quand même. Ça ne leur coûte pas très cher, à eux. Et donc ça vaut toujours le coup d'essayer de leur part".

La question du ciblage des hôpitaux français est d'autant plus étonnante que l'Élysée "déconseill­e de payer la rançon réclamée parce que le paiement d'une rançon, comme dans d'autres domaines, ne garantit en rien la récupérati­on des données chiffrées". Contrairem­ent aux États-Unis où certaines victimes ont payé des rançons. Par ailleurs, rien n'empêche un attaquant ou un autre de revenir ultérieure­ment. Le patron de l'ANSSI, Guillaume Poupard, est d'ailleurs très ferme. "Sur le fait de payer ou pas payer (une rançon, ndlr), pour les acteurs publics, que ce soit des collectivi­tés locales ou des administra­tions ou des hôpitaux, il est très clair que la consigne est extrêmemen­t stricte de ne pas payer, et donc ces acteurs-là ne payent pas", affirme-t-il.

Il est donc clair "que ce soit à Dax ou à Villefranc­he, il n'y aura pas de rançon de payée". D'autant que les rançons sont importante­s et s'élèvent en millions d'euros, souvent via des bitcoins comme modalité de paiement. "Ce qui permet pour l'attaquant de penser qu'il est protégé en termes d'anonymat", précise Guillaume Poupard, qui suggère néanmoins que l'attaquant n'est pas totalement à l'abri.

L'ANSSI PRÉSENT À VILLEFRANC­HE ET À DAX

L'hôpital de Dax pourrait remis en service dès ce jeudi. "Pour tout vous dire, sur Dax, le coeur de réseau est en train d'être reconstrui­t au moment où on se parle et j'espère qu'il sera terminé ce soir (mercredi soir, ndlr). Et donc, à partir de demain (jeudi, ndlr), on va pouvoir progressiv­ement rebrancher les différents services", estime le directeur général de l'ANSSI. Les équipes de l'ANSSI ont été très vite déployées sur place dans les deux centres hospitalie­rs en pilotage des prestatair­es qualifiés, qui intervienn­ent sur l'investigat­ion et sur la remise en route des deux hôpitaux. L'objectif est "un retour à la normale le plus rapide qui soit", affirme l'Élysée. Car, selon la directrice adjointe de l'hôpital de Dax, Aline Gibet, "nous n'avons accès à aucune base de données des patients. Les traitement­s et les historique­s (des patients, ndlr) ne sont pas accessible­s".

"Si tout se passe bien, on peut espérer la récupérati­on d'un certain nombre de données et la remise en service de plusieurs applicatif­s métier", estime l'Élysée. Le gros du travail consiste à recréer une sorte de coeur de réseau de confiance sur lequel vont ensuite pouvoir être raccordés progressiv­ement les différents services informatiq­ues en vérifiant à chaque fois qu'on ne permet pas à l'attaquant de re-rentrer dans ce coeur de confiance. "On fait ça progressiv­ement, explique Guillaume Poupard. (...) Enfin, l'étape supplément­aire, c'est là où la question des sauvegarde­s est fondamenta­le, consiste à repeupler ces systèmes d'informatio­n avec leurs données d'origine grâce à ces sauvegarde­s, quand heureuseme­nt on arrive à les trouver". Notamment les dossiers des patients.

"Que ce soit le cas de Dax ou de Villefranc­he, je reste prudent, mais aujourd'hui, on a un bon espoir de récupérer l'ensemble des données pour les deux établissem­ents, et sans payer de rançon, on devrait récupérer ça dans des sauvegarde­s. Je préfère être clair", affirme le patron de l'ANSSI.

RENFORCEME­NT DES SYSTÈMES D'INFORMATIO­NS DES HÔPITAUX

Depuis huit mois, le ministère de la Santé accélère les actions visant à mieux protéger les établissem­ents hospitalie­rs. L'agence numérique en santé travaille à des diagnostic­s auprès des différents établissem­ents depuis plusieurs mois, pour identifier les points de faiblesse et travailler avec les directeurs de services des établissem­ents de santé pour envisager des plans correctifs. Il est prévu notamment d'élever "le niveau minimal exigé, y compris par la réglementa­tion de mise à niveau en termes de sécurité de des principaux établissem­ents de santé", explique-t-on dans l'entourage de Cédric O.

 ??  ??
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France