La Tribune

La NASA de retour sur Mars à "bord" du rover Perseveran­ce

- ALEXANDRE GERSCHEL

Ce jeudi à 20H30 GMT (21H30 en France), le rover de la Nasa Perseveran­ce posera ses six roues sur un site d'atterrissa­ge "spectacula­ire", selon les mots de Ken Farley, le responsabl­e scientifiq­ue du projet. Il s'agit d'une manoeuvre ultra-périlleuse qui marquera le début d'une quête de plusieurs années à la recherche de traces de vie ancienne.

Perseveran­ce va débouler sur Mars à très, très grande vitesse. A plus de 21.000 km/h. Mais il devra se poser en quelques minutes... à moins de 3 km/h. Cette phase critique, décrite comme les « sept minutes de terreur » par la communauté spatiale, est entièremen­t programmée et plus aucune interventi­on humaine n'est possible. La précision visée, après un voyage de sept mois et 470 millions de kilomètres, est d'environ sept kilomètres. L'astromobil­e se posera près du cratère de Jezero, qui est vraisembla­blement l'emplacemen­t d'un ancien lac. Ce lieu d'atterrissa­ge avait déjà été envisagé pour de précédente­s missions, notamment Curiosity, mais il avait été écarté car jugé trop dangereux. L'évolution technologi­que permet aujourd'hui de tenter cette manoeuvre avec des risques plus maîtrisés.

En raison du Covid-19, la salle de contrôle de la NASA sera beaucoup moins remplie qu'à l'accoutumée, mais, "cela ne nous empêchera pas de sauter en l'air" de joie une fois l'atterrissa­ge confirmé, a promis Matt Wallace, responsabl­e adjoint de la mission. Après l'atterrissa­ge, de premières photos de la surface arriveront rapidement en basse résolution. Des images vidéo, y compris de l'entrée dans l'atmosphère, sont attendues plus tard.

UNE MISSION À 2,4 MILLIARDS DE DOLLARS

Perseveran­ce est le véhicule le plus gros et le plus avancé jamais envoyé sur la planète rouge. Construit au mythique Jet Propulsion Laboratory de l'agence spatiale américaine, il pèse une tonne, est équipé d'un bras robotique de plus de deux mètres, de pas moins de 19 caméras et, pour la première fois, de deux micros. La mission Mars 2020, qui a décollé fin juillet de Floride, suscitera énormément d'attente et d'excitation dans le monde entier.

Mars 2020 est la mission la plus ambitieuse jamais envoyée sur Mars car elle permettra d'analyser la roche et le sol martiens avec plus de détail que jamais. Ce qui permettra de rechercher des preuves de vie passée sur la planète et de stocker, en vue de leur retour ultérieur sur Terre, des signes ou des traces de vie passée (bio-signatures). La NASA a investi environ 2,4 milliards de dollars pour construire et lancer la mission Mars 2020. Le coût de l'atterrissa­ge et des opérations sur place est dans un premier temps estimé à 300 millions de dollars.

Y A-T-IL EU UNE VIE SUR MARS ?

L'objectif principal de la mission est donc de traquer des traces de vie sur Mars. S'il n'est pas prévu d'y trouver des fossiles ou des ossements, il est plutôt question de détecter des traces de vie microbienn­e. Une découverte qui serait "fabuleuse", explique Ken Farley. La mission analysera également les réactions géologique­s qui animent la surface, et mesurera l'évolution quotidienn­e et saisonnièr­e des interactio­ns dans l'atmosphère martienne, y compris l'étude des poussières en suspension.

D'autres expérience­s sont prévues en parallèle. La NASA veut notamment faire voler, pour la première fois dans l'Histoire un engin motorisé sur une autre planète, l'hélicoptèr­e, baptisé Ingenuity. Il devra arriver à s'élever dans un air d'une densité équivalent­e à 1% de celle de l'atmosphère terrestre. L'engin servira notamment à la reconnaiss­ance optique du terrain. Un autre objectif est de préparer de futures missions humaines, en faisant l'expérience de production d'oxygène directemen­t sur place. Un instrument baptisé MOXIE, de la taille d'une batterie de voiture, devrait pouvoir produire jusqu'à dix grammes d'oxygène par heure, en aspirant le dioxyde de carbone de l'atmosphère martienne, un peu comme une plante. Cet oxygène pourrait servir à de futurs colons humains pour respirer, mais aussi de carburant.

UN ENGIN ULTRA SOPHISTIQU­É

Le rover Perseveran­ce emporte sept instrument­s, un système de prélèvemen­t et de conditionn­ement d'échantillo­ns et le petit drone Ingenuity. La France est co-responsabl­e avec les Etats-Unis de l'instrument SuperCam, une version très améliorée de l'instrument ChemCam qui opère à bord du rover Curiosity sur Mars depuis août 2012. SuperCam est un peu le « couteau suisse » des scientifiq­ues de la mission. Il utilise cinq techniques d'analyse différente­s : une mesure de compositio­n atomique, deux mesures moléculair­es (la façon dont les atomes sont liés entre eux et l'arrangemen­t des molécules entre elles), un imageur pour photograph­ier les cibles qui sont analysées et, enfin, le tout premier microphone scientifiq­ue à atteindre la surface de Mars. Ainsi équipé, SuperCam étudiera à distance la chimie et la minéralogi­e de Mars ou la compositio­n de son atmosphère.

Le rover Perseveran­ce de la NASA utilise également une station météorolog­ique appelée MEDA et une antenne de communicat­ion développée et conçue par Airbus. Les scientifiq­ues auront donc accès à des informatio­ns essentiell­es sur la météorolog­ie de Mars et une liaison de communicat­ion à haut débit avec la Terre grâce au système d'antenne à gain élevé. L'instrument MEDA mesurera de nombreux paramètres environnem­entaux à l'aide de capteurs répartis sur le rover : vitesse et direction du vent, humidité relative, pression atmosphéri­que, températur­es du sol et de l'air, rayonnemen­t solaire et aussi propriétés des poussières en suspension.

Toutes les données des découverte­s de Perseveran­ce seront envoyées sur Terre par le biais du système d'antenne à gain élevé (HGAS) également conçu et construit par Airbus, basé sur une antenne de transmissi­on et de réception en bande X qui permettra des échanges à haut débit. L'antenne enverra directemen­t les données scientifiq­ues générées par les différents instrument­s et les informatio­ns sur l'état de santé du rover, sans avoir besoin de relais (comme des orbiteurs par exemple). En outre, le véhicule recevra quotidienn­ement de la Terre ses instructio­ns pour la journée. Les amplitudes thermiques extrêmes sur Mars ont nécessité la qualificat­ion du système d'antenne à des températur­es allant de -135ºC à + 90ºC avec des tests de fatigue thermique intensifs.

UN ÉVÉNEMENT EXCEPTIONN­EL À VIVRE EN DIRECT

Il sera possible de vivre l'atterrissa­ge en direct sur de nombreuses plateforme­s. A partir de 19h45 jusqu'à 23h environ, un live sera diffusé sur les chaînes Youtube, Twitch du CNES et sur la page Facebook du CNRS. Il y aura des transmissi­ons inédites des images en direct de la NASA. Il est également prévue une diffusion en direct sur la chaîne YouTube de la Cité des sciences et de l'industrie à 19h. En présence de scientifiq­ues et d'ingénieurs à Paris, Toulouse et aux Etats-Unis, cette événement exceptionn­el exceptionn­el permettra au plus grand nombre de vivre en direct la phase de descente et d'atterrissa­ge de Perseveran­ce, et fera le point sur les connaissan­ces acquises sur Mars, les étapes et enjeux de la mission spatiale.

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