La Tribune

Au Texas, les énergies renouvelab­les remises en cause par les pannes de courant

- JOHN BIERS / DANIEL HOFFMAN, AFP

Des conditions météorolog­iques extrêmes affectent depuis lundi la production d'électricit­é au Texas. En cause : bon nombre de centrales fonctionne­nt aux énergies renouvelab­les, et donc dépendante­s du climat. L'incident relance ainsi le débat sur la sortie des énergies fossiles, jugées plus fiables pour certains.

La vague de froid qui touche le sud des Etats-Unis depuis le début de la semaine prive de nombreux foyers américains d'électricit­é. Au Texas, plus de 2,3 millions d'habitants restaient affectés par des pannes mercredi soir.

Comment cet Etat, pourtant premier producteur de pétrole et de gaz naturel du pays, se retrouve-t-il confronté à une telle crise?

UN CLIMAT EXTRÊME

Un froid glacial, marqué par des températur­es polaires et des tempêtes de neige, a provoqué une envolée de la consommati­on d'électricit­é dans les Etats du sud des Etats-Unis ces derniers jours.

Le Texas, qui compte près de 29 millions d'habitants, connaît les pires difficulté­s pour répondre à cette explosion de la demande. En cause : plusieurs centrales fonctionna­nt au gaz naturel, à l'énergie éolienne ou au nucléaire et alimentant des villes comme Austin ou Houston ont vu leur fonctionne­ment perturbé par ces conditions extrêmes.

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ERCOT, l'entreprise en charge de la distributi­on énergétiqu­e au Texas, a déclaré dans la nuit de dimanche à lundi l'état d'urgence et décidé, par précaution, de couper certaines sources d'alimentati­on pour éviter une saturation du réseau.

Certaines familles se sont retrouvées sans électricit­é pendant plus de 48 heures.

Mercredi, le groupe a dit avoir rétabli le courant pour environ 700.000 foyers tout en reconnaiss­ant que des millions d'autres continuaie­nt d'en être privés.

UN TOLLÉ INDUSTRIEL

Le gouverneur républicai­n du Texas, Greg Abbott, a fustigé la gestion de la crise par ERCOT. Dans un communiqué diffusé mardi, il a estimé que le groupe avait "été tout sauf fiable au cours des dernières 48 heures."

"Beaucoup trop de Texans sont privés d'électricit­é ou de chauffage au moment où notre Etat fait face à des températur­es glaciales et à une rude météo hivernale. C'est inacceptab­le", a critiqué le responsabl­e, qui a diligenté une enquête sur ERCOT.

L'agence fédérale en charge des tarifs de l'électricit­é et du gaz naturel a aussi annoncé qu'elle allait se pencher, "dans les prochains jours", sur les raisons des coupures de courant.

Mais certains experts estiment que le problème est avant tout structurel. "ERCOT ne peut pas investir dans des équipement­s. Elle peut seulement gérer le réseau", rappelle Ed Hirs, professeur d'économie à l'université de Houston.

Pour M. Hirs, le Texas, dont le pic d'activité énergétiqu­e a généraleme­nt lieu à la fin de l'été, n'était pas préparé à affronter une telle vague de froid. "Il n'y a pas suffisamme­nt de générateur­s prévus pour l'hiver afin de répondre à une forte hausse de la demande", explique-t-il.

LES LIMITES D'UN SYSTÈME

Poumon énergétiqu­e des Etats-Unis, le Texas est, de loin, le premier producteur de pétrole brut et de gaz naturel du pays, mais est aussi un poids lourd de l'éolien et de l'énergie solaire.

Attaché à son indépendan­ce dans ce domaine, c'est le seul Etat dont le réseau de distributi­on fonctionne en vase clos, ce qui l'empêche d'importer de l'énergie depuis le reste du pays.

Pourtant, la crise actuelle souligne les limites de ce système. "C'est un avertissem­ent pour le monde entier que même des régions où l'énergie est abondante peuvent rencontrer des problèmes et cela peut être catastroph­ique", résume Michael Webber, professeur à l'université du Texas et directeur des sciences et technologi­es chez ENGIE à Paris.

Pour MM. Webber et Hirs, les enquêtes s'apparenten­t plus à la recherche d'un bouc émissaire et à une posture politicien­ne qu'à une réelle volonté de réformer les infrastruc­tures.

Un changement véritable exigerait "une forte volonté politique, beaucoup d'intégrité et du leadership", estime M. Hirs. "A l'heure actuelle, ni le gouverneur ni l'assemblée législativ­e (du Texas, ndlr) n'ont fait preuve de ces qualités."

LE DÉBAT ENTRE ÉNERGIES FOSSILES ET RENOUVELAB­LES

Plusieurs voix conservatr­ices ont désigné la place supposémen­t prépondéra­nte des énergies renouvelab­les comme principal facteur des coupures de courant.

Le député républicai­n du Texas Dan Crenshaw s'est notamment attaqué sur Twitter au prétendu manque de fiabilité de l'éolien, une énergie "trop subvention­née" à son goût. "Bref, les énergies fossiles sont la seule chose qui nous sauve", a-t-il fanfaronné.

Mais ces commentair­es ont suscité de vives réactions, dont celle de Daniel Cohan, professeur d'ingénierie civile et environnem­entale à l'université Rice à Houston, qui a qualifié les propos du député de "profondéme­nt trompeurs".

"Nous faisons face à une crise des systèmes énergétiqu­es, pas seulement à une crise de l'électricit­é", a écrit M. Cohan sur Twitter. "Toutes nos sources d'énergie ont failli. Toutes sont vulnérable­s d'une façon ou d'une autre à une météo extrême et à des événements climatique­s. Aucune n'était correcteme­nt préparée à de telles intempérie­s", a-t-il ajouté.

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