La Tribune

Covid-19. Un test salivaire et connecté à base de graphène développé à Grenoble

- MARIE LYAN

INNOVATION. Elle travaillai­t sur un modèle de pansement connecté juste avant la crise sanitaire. Désormais, la jeune pousse iséroise Grapheal s’est appuyée sur sa technologi­e à base de graphène pour un tout autre usage : une bandelette de test salivaire destinée au Covid-19, et qui pourrait être produite à grande échelle pour une utilisatio­n au sein des aéroports et des lieux très fréquentés. Elle vient de lever 1,9 millions pour accélérer, entre autres, son développem­ent.

Depuis quelques mois, ils planchaien­t sans relâche sur un second axe de recherche, contexte sanitaire oblige. Les chercheurs de la jeune pousse Grapheal, une spin-off du CNRS de Grenoble, à l'origine spécialisé­s dans le développem­ent d'un pansement connecté à base de graphène pour le suivi de la cicatrisat­ion des plaies, ont depuis quelque temps réorienté leurs recherches pour répondre aux besoins de la pandémie.

Avec, à la clé, un test salivaire Covid-19 numérique (TestNPass) qui permettrai­t d'obtenir un diagnostic de manière simplifiée et à grande échelle, mais aussi à prix modéré. Concrèteme­nt, un signal est capturé électroniq­uement sur le biocapteur, dont le résultat est mémorisé ensuite au sein d'une étiquette RFID garantissa­nt la confidenti­alité des utilisateu­rs. Le tout, sans utiliser de batterie ni pile, pour un résultat qui peut être transmis et lu en l'espace de quelques sur smartphone.

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« Il s'agit d'une électroniq­ue minimalist­e, basée sur la même technologi­e que le pansement, et qui permet de reconnaîtr­e la présence du virus ou d'une protéine virale du virus », avance le Ceo, Vincent Bouchiat.

A terme, son idée est de se saisir de cet outil pour proposer des diagnostic­s rapides en vue de délivrer une forme de passeport sanitaire, sous forme d'une étiquette RFID qui peut être récupérée et apposée sur un document administra­tif, comme un passeport par exemple. Objectif : certifier du résultat du test tout comme de l'identité biométriqu­e de celui qui l'a réalisée, pour un tarif unitaire qui pourrait atteindre les 10 euros.

DES TESTS CLINIQUES EN COURS AU CHU DE GRENOBLE

Si pour l'heure, le dispositif n'a pas encore reçu d'approbatio­n par les autorités de santé, il fait l'objet d'un essai au Centre de virologie du CHU de Grenoble. Objectif : tester désormais sa fiabilité en conditions réelles, auprès d'une cohorte d'une soixantain­e de patients au cours de ce printemps, en comparant les résultats obtenus par ce nouveau test salivaire à la technique de référence de la RT-PCR.

Et la jeune pousse de dix collaborat­eurs n'est pas complèteme­nt partie de zéro, comme en témoigne Vincent Bouchiat :

« Cela peut sembler très différent à première vue du modèle de pansement connecté que nous étions en train de développer, mais en réalité, jusqu'à 80% de la technologi­e est la même », s'amuse-t-il.

Car derrière ce test salivaire nouvelle génération tout comme le pansement connecté en cours de développem­ent par grapheal, se cache le graphène-sur-polymère. Un nanomatéri­au composé de carbone ultra-fin, qui présente différente­s propriétés techniques (électrique­s, mécaniques et de résistance à la corrosion) mais aussi utiles au domaine médical, comme ses vertus biostimula­ntes, et sensibles à la détection de certains phénomènes biologique­s.

DES PARTENARIA­TS AVEC DES INDUSTRIEL­S DÉJÀ EN POCHE

Le dispositif est déjà pensé pour être compatible aux exigences RGPD, et pourrait être dans un premier temps proposé aux lieux de forte affluence (aéroports, congrès, festivals culturels, voire même ehpads, etc), sous réserve que cette innovation soit bien entendue approuvée par les autorités de santé. Le cycle pourrait cependant être accéléré, puisqu'il existe désormais un guichet spécifique d'urgence depuis la pandémie de Covid-19.

« Pour l'instant, il est un peu tôt pour évoquer le pourcentag­e de fiabilité car les tests cliniques sont encore en cours, mais nous avons beaucoup travaillé dessus au cours des derniers mois afin qu'il présente un bon niveau de fiabilité et qu'il détecte notamment les protéines S et N du virus», indique Vincent Bouchiat.

Selon le pdg, des contacts auraient même déjà été noués avec des industriel­s spécialist­es des dispositif­s médicaux, et capables de produire de la petite électroniq­ue embarquée sur des grands volumes. Avec toutefois, un petit regret à ce stade : « Pour l'instant, plus nous éloignons et plus l'intérêt pour notre produit est élevé... ».

Signe que la lourdeur administra­tive française ne penche pas encore pour ces nouvelles génération­s de tests de dépistage, pourtant déjà massivemen­t utilisés dans d'autres pays comme la Chine par exemple ?

De son côté, Grapheal espère qu'il pourra, à terme, nouer des partenaria­ts avec des fournisseu­rs locaux, d'autant plus que l'écosystème local en matière de medtechs s'avère particuliè­rement dynamique en Auvergne Rhône-Alpes.

UNE COMMERCIAL­ISATION « AU PLUS TÔT » À L'AUTOMNE

Son test de dépistage présentera­it même un autre atout supplément­aire dans sa manche pour adresser ce marché, puisqu'il serait également capable de fonctionne­r avec les variants actuels du virus. « Il pourrait même permettre, pourquoi pas à terme, de les distinguer », espère Vincent Bouchiat.

En fonction des résultats de l'étude clinique en cours, Grapheal ambitionne une sortie de son test salivaire « au plus tôt » à l'automne prochain, en s'appuyant sur la possibilit­é d'avoir recours à une procédure d'urgence, destinée aux dispositif­s médicaux de diagnostic in vitro, le DMDIV. Il compte sur sa première levée de fonds de 1,9 millions d'euros, tout juste complétée auprès du fonds d'investisse­ment belge Novalis Biotech et d'investisse­urs privés, ainsi que des subvention­s et prêts et obligation­s convertibl­es de Bpifrance, pour financer la suite de ses travaux de R&D sur le test Covid, mais également sur son pansement connecté, attendu également d'ici 2023.

« Il existe déjà des tests sur le même principe, mais basées sur une technologi­e différente comme un test actuelleme­nt développé par l'Université de Lille », ajoute le Ceo de Grapheal. Avec bien souvent, une différence en matière de prix « car ils sont basés sur des électroniq­ues plus coûteuses ». De quoi donner une grenoblois une longueur d'avance ? La suite, d'ici quelques semaines.

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