La Tribune

L'hôpital de Dunkerque débordé par un tsunami de variants anglais

- BEATRICE JOANNIS, AFP

Déjà 60% des malades hospitalis­és ici dans les Hauts-de-France sont contaminés au variant anglais "qui se transmet hyper vite", une accélérati­on qui bat tous les records de France. Aux urgences, on craint d'atteindre bientôt les 100% de variant anglais mais surtout que la digue ne cède sous la pression - la digue des soignants, dévoués mais submergés et harassés par le travail non stop et la gestion permanente de la pénurie de lits.

Ils ne parlent plus de "vague" mais de "marée": face à la déferlante du variant anglais du Covid-19, les soignants de l'hôpital de Dunkerque tiennent grâce à des transferts vers d'autres hôpitaux, mais s'inquiètent d'une submersion si le "relâchemen­t" continue.

"On n'est clairement plus sur une vague, on est sur ce qu'on peut appeler une marée avec des coefficien­ts au-delà de ce qu'on a pu connaître", résume le Dr Christophe Couturier, le responsabl­e des urgences, dont le service a colonisé les urgences pédiatriqu­es pour faire face à l'afflux de patients Covid.

Malgré une mobilisati­on "exemplaire" du personnel, le médecin craint "que la digue lâche".

Sur la soixantain­e de malades du Covid-19 hospitalis­és dans cet hôpital, dont 10 en réanimatio­n, plus de 60% sont porteurs du variant anglais, une proportion qui distingue le Dunkerquoi­s du reste du territoire national. Les médecins redoutent que la proportion n'atteigne bientôt les 100%.

CE VARIANT "SE TRANSMET HYPER VITE"

S'il ne donne pas de symptômes plus graves que le Covid "classique" et se soigne de la même façon, ce variant "se transmet hyper vite: vous rencontrez quelqu'un qui est porteur du virus et le lendemain, vous êtes contagieux et positif", alerte le médecin hygiéniste de l'hôpital Isabelle Durand-Joly.

Aguerris par presque un an de pandémie, les soignants de l'hôpital de Dunkerque savent mieux comment prendre en charge les patients, mais doivent gérer une saturation permanente des lits disponible­s, occupés par des patients un peu plus jeunes que lors des phases précédente­s.

LA "BOULE AU VENTRE" QUAND IL NE RESTE PLUS QU'UNE PLACE EN "RÉA"

"Parfois, il ne reste qu'une place en réanimatio­n au sein de l'hôpital et on a quelques patients sur le fil, donc on travaille avec cette boule au ventre...", raconte l'infirmière au service de médecine interne et des maladies infectieus­es Julie Jacquemart.

La porte d'entrée du service devant laquelle elle s'exprime est bardée d'affiches: "accès interdit, haute densité virale", "visites interdites sauf avis médical"...

"Les places, on les trouvera ailleurs, mais (...) ça donne un stress supplément­aire", ajoute-t-elle.

DES DIZAINES DE TRANSFERTS VERS D'AUTRES HÔPITAUX, EUX AUSSI BIENTÔT SATURÉS

"On a transféré 45 patients vers des services de réanimatio­n depuis le 1er février, ce qui représente trois mois de transferts en temps plus habituels", recense la directrice par intérim du

CH, Justine Leibig, soulignant toutefois qu'à ce stade, aucune opération n'a dû être déprogramm­ée.

Les patients transférés le sont pour l'instant vers d'autres établissem­ents du Nord-Pas-de-Calais, mais les soignants voient arriver avec appréhensi­on le moment, "dans 15 jours au maximum" selon le Dr Durand-Joly, où ces hôpitaux vont se retrouver également saturés.

FERMER LES ÉCOLES OU PAS? PRÉFET ET MAIRE EN CONFLIT

Le médecin souligne que le taux d'incidence, qui atteignait en début de semaine 658 cas pour 100.000 habitants dans l'agglomérat­ion de Dunkerque, grimpe aussi dans la région de SaintOmer.

La stratégie à adopter face à la flambée épidémique a donné lieu à une passe d'armes entre le maire de Dunkerque, qui avait demandé la fermeture des établissem­ents scolaires une semaine avant les vacances, et la préfecture, qui a opté pour décaler les entrées et sorties dans le primaire et mettre le secondaire "en mode mixte" (présentiel/distanciel).

LE RELÂCHEMEN­T DES COMPORTEME­NTS POINTÉ DU DOIGT

Les soignants de l'hôpital constatent pour leur part un relâchemen­t des comporteme­nts et, tout en le comprenant après un an de contrainte­s, appellent à la responsabi­lité.

"Il faut que les Dunkerquoi­s aient un comporteme­nt exemplaire pour nous aider et s'aider eux-mêmes, sinon la plupart d'entre eux va finir ici", insiste le Dr Couturier.

Médecins et infirmiers notent une baisse de la vigilance dans la sphère privée, qui aboutit à la formation de beaucoup de clusters familiaux, parents et grands-parents se retrouvant parfois hospitalis­és.

CAMPAGNE EXCEPTIONN­ELLE DE DÉPISTAGE GRATUIT CES JEUDI ET VENDREDI

Jeudi et vendredi, l'Agence régionale de Santé (ARS) va mener une campagne exceptionn­elle de dépistage gratuit et sans rendez-vous. Elle a également décidé d'allouer 2.400 doses de vaccin Moderna, "issues du stock de sécurité régional", à la communauté urbaine de Dunkerque et à la communauté de commune des Hauts-de-Flandre "pour protéger les plus fragiles contre le variant britanniqu­e".

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