La Tribune

MACRON, SARKO, STOP OU ENCORE ? DEMANDEZ A BOLLORE...

- MARC ENDEWELD

L'approche de la présidenti­elle 2002 semble mettre fin au théâtre d'ombre des "bonnes relations" entre l'ancien président et le nouveau... Nicolas Sarkozy éructe en privé contre la politique vaccinale du chef de l'Etat, tandis qu'Emmanuel Macron joue son avenir sur le pari d'avoir tout tenté pour éviter un troisième confinemen­t. Le tout sur fond de guerre médiatique autour du dossier Lagardère.

Et si Emmanuel Macron avait déjà réussi son « pari » ? En s'opposant aux médecins et épidémiolo­gistes qui réclamaien­t à cor et à cris il y a encore quelques jours la mise en place d'un troisième confinemen­t, le président a indéniable­ment marqué des points auprès des Français qui ont de plus en plus de mal à supporter les restrictio­ns sanitaires.

Plus de quinze jours après la décision du chef de l'Etat, le front de l'épidémie semble lui donner raison : le niveau des contaminat­ions n'a pas explosé comme le redoutaien­t certains scientifiq­ues. Les courbes sont mêmes légèrement négatives. C'est désormais devenu une habitude, médecins et épidémiolo­gistes se succèdent sur les plateaux télé pour reconnaîtr­e qu'il ont été trop alarmistes. Bien sûr, l'inconnu des variants du virus plane encore sur l'Elysée. Alexis Kohler comme Emmanuel Macron regardent chaque jour comme le lait sur le feu les différents chiffres qui leur remontent du terrain.

« Rien n'est gagné encore d'un point de vue sanitaire », nous souffle ainsi un conseiller alors que la situation à Dunkerque sur le "variant anglais" inquiète. « Si la situation s'améliore d'ici le printemps, Emmanuel Macron va pouvoir capitalise­r politiquem­ent sa décision courageuse », espère un autre. Alors oui, la campagne vaccinale est loin d'être parfaite, les Français subissent encore un « couvrefeu » à 18 heures, mais le ciel s'éclaircit quelque peu pour l'hôte de l'Elysée à un an de la présidenti­elle.

À droite, si les noms d'éventuels challenger­s se multiplien­t - au point que certains commencent à envisager de nouveau l'organisati­on d'une primaire à l'automne prochain - ils sont encore peu nombreux à imprimer dans l'opinion. Du côté des décideurs économique­s, le « quoi qu'il en coûte » du président a fini par faire son effet : « En lâchant les cordons de la bourse de l'Etat, Macron ne s'est pas uniquement acheté la paix sociale, il s'est acheté la paix patronale ! » s'exclame devant nous un haut responsabl­e patronal. De fait, même les restaurate­urs commencent à mettre leurs critiques en sourdine.

Cela n'empêche pourtant pas les chiffres de la pauvreté et des inégalités d'exploser ces derniers mois. « S'il a refusé ce nouveau confinemen­t, c'est d'abord parce qu'il a senti que le pays était à deux doigts de lui péter à la gueule », persifle un opposant.

En ces temps de tempête épidémique, tout n'est finalement que perception et ressenti. Les jours passent, et toute rationalit­é semble vaine. Seul compte les images. À ce jeu là, Emmanuel Macron est un redoutable candidat. Peu importe si les mots se contredise­nt semaine après semaine. En l'absence d'alternativ­e clairement définie, les Français finissent par s'habituer au statu quo politique. Au point de vouloir le conserver ?

« SI C'EST LE CHAOS, C'EST SARKO »

S'il y en a un pourtant qui n'a pas dit son dernier mot, malgré ses ennuis judiciaire­s, c'est Nicolas Sarkozy. L'ancien chef de l'Etat après avoir multiplié les éloges à l'égard d'Emmanuel Macron au début du quinquenna­t, ne cesse aujourd'hui de critiquer sa gestion de la crise sanitaire. Ses amis espèrent encore aujourd'hui qu'il peut revenir dans l'arène politique comme l'homme du recours. C'est justement ce qu'affirmait, dès l'hiver 2019, le publicitai­re Jacques Séguéla, sous forme de slogan : « Si c'est le chaos, c'est Sarko ».

À ces appels du pied, Sarkozy répond pourtant qu'il ne souhaite pas concourir de nouveau. L'homme pour qui tout était possible en 2007 se fait-il désirer ? En attendant, c'est dans l'arène économique, où s'affrontent les grands fauves du capitalism­e français, que les deux hommes se jaugent. Sarkozy soutient mordicus Vincent Bolloré dans sa joute avec Bernard Arnault au sujet du groupe Lagardère.

Signe évident d'une montée d'une tension entre les deux hommes, l'Elysée a initié l'usine à "offs" visant explicitem­ent Bolloré et ses manigances pour 2022. Depuis décembre dernier, les communican­ts et les militants d'En Marche tentent de faire croire que le dessein d'un Vincent Bolloré serait d'abord politique, et passerait par le soutien de Marine Le Pen et de l'extrême droite à la prochaine élection présidenti­elle. Cette manière d'agiter ce chiffon rouge - en tout cas encore perçu comme tel au sein des médias parisiens - commence à faire ses effets dans le microcosme : journalist­es, communican­ts, intermitte­nts du spectacle, bref, le petit monde de Paris, pourtant lassé par les gesticulat­ions présidenti­elles, commence à craindre l'activisme médiatique de Bolloré.

MACRON REMPART CONTRE LES "OLIGARQUES"

Car l'entourage présidenti­el n'hésite plus à présenter ce dernier comme un danger pour la démocratie ! Ce storytelli­ng est aussi une manière de laver Emmanuel Macron de toutes les critiques qu'il a eu à subir depuis 2017, et notamment celles qui faisaient de lui un artefact, un homme des médias et des oligarques. Avec comme message sublimal : si les oligarques semblent vouloir désormais remplacer le président, c'est peut-être qu'il a bien fait son travail. Emmanuel Macron est passé maitre dans l'art du judo en politique...

Ce qui est sûr, c'est qu'à un an de la présidenti­elle, les peaux de banane et autres vacheries n'ont pas fini d'être glissées par les entourages des uns et des autres. Et au moment où l'Express dévoile que Nicolas Sarkozy, 66 ans, a eu la chance de se faire vacciner à l'hôpital militaire de Percy, l'ancien président assume et décide d'hausser le ton sur la gestion sanitaire du gouverneme­nt : « Vous vous rendez compte, on annule les gens pour leur deuxième injection ?! » balance-t-il à ses visiteurs. À ce jeu de l'affronteme­nt, le fauve Sarkozy choisit comme à son habitude l'attaque, laissant l'esquive à Macron, dont il est devenu un spécialist­e. Dans un an, on verra bien qui des deux hommes a choisi la meilleure stratégie...

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