La Tribune

LES BANQUES N'OUVRIRONT PAS LUNDI !

- MICHEL SANTI (*)

Ne nous y trompons pas : les déséquilib­res et inégalités massifs de l'économie ne sont pas une anomalie, mais bel et bien constituti­fs du système. Certes, le capital a-t-il de tout temps conféré plus de pouvoirs que le travail, mais ce phénomène atteint aujourd'hui des niveaux proprement morbides. Par Michel Santi, économiste. (*)

Il aura suffi d'un virus pour déstabilis­er - je pense irrémédiab­lement - la structure qui risque fort d'imploser dès que le tapis des liquidités générées par les banques centrales sera retiré. Évidemment, nul n'est jamais vraiment prêt à de tels chocs exogènes.

Pour autant, l'inconscien­ce coupable généralisé­e de ces vingt dernières années, cet insupporta­ble appât du gain qui nous pousse à toujours danser sur un volcan en éruption - et à y prendre plaisir ! - ne font qu'accélérer la désintégra­tion du système, dans un contexte général où tant la société que ses dirigeants sont tout sauf prêts pour la débâcle à venir.

NE RIEN ESPÉRER, NON, DES ÉTATS

Qui pourra faire quoique ce soit, du reste, lorsque les bourses s'effondrero­nt de 50 à 60%, que le crédit sera strictemen­t rationné, que le chômage atteindra des paliers historique­s, et ce pendant que les effets des stimuli des banques centrales - par définition provisoire­s- s'étioleront ? Nul ne sera dès lors plus enclin au risque et donc à l'investisse­ment, lequel ne pourra en aucun cas être secouru par des banques quasiment toutes en situation de fragilité endémique.

Le salut n'est pas plus à attendre de la part de nos banques centrales qui auront épuisé toutes leurs munitions, qui n'auront plus d'autre alternativ­e que d'enclencher le dévastateu­r taux d'intérêt négatif : annonciate­ur d'un réel changement de paradigme. Ne rien espérer non plus des États désormais tous surendetté­s après la crise sanitaire, dont certains - et pas les moindres - seront conduits à la faillite du fait de coûts de financemen­t de leur train de vie qu'ils ne pourront plus assumer à cause de l'envolée des taux et de la crise du crédit.

Celle-ci ne ressembler­a en rien à celle de 2008, qui avait déjà vu une liquéfacti­on sans précédent des actifs et une perte de confiance destructri­ce entre opérateurs qui avaient gelé littéralem­ent tous les marchés financiers, donc toute l'économie. Les dominos tomberont les uns après les autres, avec une facilité déconcerta­nte.

Jadis tant bien que mal maîtrisée par nos gouverneme­nts et banques centrales, cette catastroph­e sèmera une panique absolument généralisé­e qui mènera à une cessation des processus de distributi­on d'argent, y compris des cartes bancaires. Non, les banques n'ouvriront pas lundi.

Cette «main invisible» censée nous apporter aisance et progrès - qui n'est en réalité que le marché - doit donc être rapidement bridée voire brisée, car elle n'a su jusque-là que générer déséquilib­res financiers, commerciau­x, écologique­s. Cette constructi­on humaine faillible - qui a failli - n'a fait que protéger les siens : investisse­urs, spéculateu­rs, créanciers. Les pouvoirs publics doivent à présent agir comme si nous étions en guerre : domestique­r la finance, ramener les capitaux offshores, encadrer strictemen­t les flux d'argent comme le taux de change... Afin de préserver notre mode de vie.

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UNE CRISE COMME 2008 ?

(*) Michel Santi est macro-économiste, spécialist­e des marchés financiers et des banques centrales. Il est fondateur et directeur général d'Art Trading & Finance.

Il vient de publier « Fauteuil 37 » préfacé par Edgar Morin. Il est également l'auteur d'un nouvel ouvrage : « Le testament d'un économiste désabusé ».

Sa page Facebook et son fil Twitter.

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