La Tribune

DEAUVILLE, CABOURG...LE « 21EME ARRONDISSE­MENT DE PARIS » GUETTE LA REOUVERTUR­E DES LIEUX CULTURELS

- NATHALIE JOURDAN

CULTURE WEEK-END. A inscrire dans l’agenda des télétravai­lleurs, de plus en plus nombreux à quitter les aires urbaines pour rallier la cote Fleurie dès le jeudi soir. La ville de Cabourg ouvre en avril une villa pour célébrer Marcel Proust et la Belle Epoque. Deauville inaugure en mars un lieu hybride à mi-chemin entre le musée et la salle de spectacles dans l’ancien couvent des Franciscai­nes.

« Balbec est agréable, j'ai passé par là il y a quelques années. On commence à y construire des villas fort coquettes » relate Marcel Proust dans A l'ombre des jeunes filles en fleur, second tome de son oeuvre monumental­e. Balbec - ce village imaginaire inventé par le père du nouveau roman emprunte beaucoup aux villes de la cote normande et singulière­ment à Cabourg. De 1907 à 1914, l'écrivain de santé fragile, y pose ses valises chaque été pour profiter de l'air vivifiant. Il prend ses quartiers au Grand Hôtel d'où Il écrit les plus belles pages de son oeuvre monumental­e.

Aussi curieux que cela puisse paraître, on cherchera vainement trace de l'auteur entre les demeures huppées de la station balnéaire. Rien (ou si peu) qui puisse évoquer A la Recherche du temps perdu. L'oubli sera bientôt réparé. A compter du 3 avril (si tout se passe bien) , le promeneur trouvera de quoi étancher sa curiosité dans les salles de « la Villa du temps retrouvé » : un nouveau lieu immersif aménagé par la ville dans une ancienne demeure construite par l'architecte du Grand Hôtel. Son ambition ? Réveiller à la fois le souvenir de Marcel Proust et celui de la Belle Epoque où il vécut.

« L'ANCÊTRE DE NETFLIX»

Musique, livres, peintures, dessins, objets... L'endroit, conçu à la manière d'un cabinet de curiosités, célébrera cet âge d'or qui voit naître le cinéma, l'impression­nisme, la littératur­e moderne mais aussi le téléphone, l'automobile ou les premières industries. Les villes du littoral normand sont ce tourbillon. « La Belle Epoque est un temps suspendu entre deux sie?cles, entre deux guerres, entre deux mondes, un temps de?ja? moderne mais pas encore contempora­in, qui avait Paris pour centre du monde l'hiver, et la co?te Fleurie normande pour centre des étés » rappelle Jérôme Neutres, ancien directeur du développem­ent de la Réunion des Musées Nationaux et commissair­e d'exposition.

« La vitesse, le règne mécanique... Beaucoup de choses rappellent notre époque dans cette période effervesce­nte à cette différence que les gens croyaient encore au progrès » complète le maire de Cabourg. Au détour d'une salle, on découvrira ainsi que le père de Marcel, médecin hygiéniste, fut l'un des premiers théoricien­s du confinemen­t qu'il appelait « séquestrat­ion ». Tristan Duval cite aussi en exemple le théâtropho­ne inventé par Clément Ader pour faire entendre les plus grands airs d'opéra à des afficionad­os moyennant un abonnement. «C'était ni plus ni moins l'ancêtre de Netflix ».

Côté fréquentat­ion, l'édile n'espère pas rivaliser avec la VOD mais il table sur trente à quarante mille visiteurs annuels. « Ce nouveau musée va porter l'image de la ville durablemen­t. Il comble un manque entre l'impression­nisme et les plages du débarqueme­nt » avance t-il. Une autre Madeleine de Proust en somme.

A DEAUVILLE, LE COUVENT SE RÉINVENTE

Chargé de piloter la mission « réinventer le patrimoine » lancée par les ministères de la Culture et de la cohésion des territoire­s, Philippe Augier, maire de Deauville, a mis le principe à l'épreuve dans sa propre ville. Acquis pour 4 millions d'euros en 2012 par la municipali­té, l'ancien couvent des Franciscai­nes a fait peau neuve sous la houlette de l'architecte Alain Moatti, connu pour avoir réaménagé la maison de couture de Jean-Paul Gaultier dans un ancien hôtel particulie­r parisien et le premier étage de la tour Eiifel.

Le scénograph­e a repris à son compte le nouveau concept des hyper-lieux qui mêlent « strates de connaissan­ce et intensité conviviale ». Il s'est appuyé sur l'imaginaire foisonnant associé à la cité balnéaire pour magnifier, les 6.000 mètres carrés de l'édifice. La déambulati­on, qui débute par une grande galerie jalonnée de bornes numériques, invite à découvrir quatre univers qui font la renommée de Deauville : les artistes, le cinéma, l'art de vivre et le cheval.

Le tout a été pensé pour « ouvrir la culture et décloisonn­er ses frontières ». Outre les salles d'exposition et l'auditorium lové dans l'ancienne chapelle, il abrite également une ludothèque, un fablab, une cantine connectée, un parc robotique et une micro-folie conforméme­nt au souhait de Philippe Augier d'en faire « un espace public inclusif et actif ». Sauf nouveau confinemen­t, Les Franciscai­nes ouvriront leurs portes le 20 mars avec une première exposition temporaire « Sur les chemins du paradis » placé sous le commissari­at général de Régis Debray. Rendez-vous est pris.

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