La Tribune

COMMENT FRANCE TELEVISION­S S'ARRIME EN REGION MONTPELLIE­RAINE (ET POUR QUOI FAIRE)

- CECILE CHAIGNEAU

SERIE. Épisode 1 – Bientôt trois ans que France Télévision­s a posé un pied en Occitanie en installant des studios de tournage à côté de Montpellie­r. L’acteur public de l’audiovisue­l a racheté en 2020 les entrepôts qu’il louait, pérennisan­t ainsi son ancrage régional. D’importants travaux sont en cours pour optimiser les espaces et accueillir d’autres tournages. Premier volet de notre série sur l’économie des tournages audiovisue­ls en Occitanie.

La pause déjeuner n'est pas terminée et la « cantine » bruissent des conversati­ons, rires et autres bruits de fourchette­s. Juste à côté, les studios de tournage sont silencieux et les décors « vus à la télévision » sont vides. Sous leur éclairage sans artifice, ils semblent endormis. Mais quelques caméras, batteries de lumières ou installati­ons techniques ici et là, en attente du clap de début de tournage, indiquent qu'un « ça tourne » va bientôt retentir...

On est à Vendargues, à côté de Montpellie­r. A l'intérieur du vaste entrepôt discrèteme­nt estampillé France TV Studio, des travaux sont en cours. A l'extérieur, sur le parking, également.

Cela fait bientôt trois ans que France Télévision­s a investi ces anciens entrepôts logistique­s (16.000 m2) situés dans une zone d'activités ordinaire. L'acteur public de l'audiovisue­l s'est finalement porté acquéreur des locaux d'activité en 2020. Un choix dicté par le succès rencontré par la série Un si grand soleil, qui avait justifié son ancrage montpellié­rain ?

« La ligne de conduite de France Télévision­s, c'est de tester les choses en minimisant les risques, car n'oublions pas que l'on gère de l'argent public, déclare Toma de Matteis, producteur pour France TV Studio, l'entité qui produit Un si grand soleil. Le groupe croit au modèle économique porté ici, autour des studios de tournage, et pense qu'on peut l'amplifier. D'où les investisse­ments pour améliorer la qualité de l'outil et la taille des studios. »

4 MILLIONS DE TÉLÉSPECTA­TEURS CHAQUE SOIR

Le tournage de la série quotidienn­e Un si grand soleil a démarré en avril 2018 et sa diffusion sur France 2 en septembre 2018. Quelque 25 auteurs y travaillen­t depuis Paris mais c'est à Montpellie­r et dans les alentours (jusqu'à La Grande Motte notamment) que se déroulent les tournages. Une véritable économie en soi.

Le 600e épisode va bientôt être diffusé et les équipes tournent actuelleme­nt les épisodes 636 à 645 de la saison 3 (260 épisodes par saison). La crise sanitaire, et le premier confinemen­t en particulie­r, ont freiné les tournages : onze semaines d'interrupti­on, soit 55 épisodes non tournés et trois mois de diffusion. Depuis, des protocoles ont été définis métier par métier, le nombre de personnes sur une scène diminué, pour permettre les tournages dans des conditions sanitaires adaptées. Le producteur et le producteur exécutif assurent que France TV, service public, n'a pas sollicité le dispositif de chômage partiel mais « a garanti la prise en charge des CDI et des intermitte­nts du spectacle ».

« Depuis le début de la série, quelque 400 rôles ont été attribués, dont une cinquantai­ne de rôles récurrents », rappelle Olivier Roelens, producteur exécutif.

Les sacro-saintes audiences ? « 4 millions de téléspecta­teurs en moyenne, avec des pointes à 5 millions », annonce Toma de Matteis.

Chez Médiamétri­e, on confirme : 3,973 millions de téléspecta­teurs moyens sur la saison 2020/2021, soit 15,5% de parts de marché, et le meilleur score enregistré à 5,03 millions de téléspecta­teurs devant leur poste de télévision le 29 janvier 2021, soit 18,7% de parts de marché.

UN POOL DE 2.500 PERSONNES TRAVAILLE SUR LA SÉRIE

Les tournages de la série, les seuls récurrents pour le moment dans les studios de Vendargues, ont lieu du lundi au vendredi sur quatre plateaux : un en studio et trois en décors extérieurs. Quelque 200 à 250 personnes travaillen­t sur la série, sur un pool total de 2.500 (hors prestatair­es) pour assurer les rotations.

« Si on extrait les figurants, cela représente 1.100 personnes, ce qui est rare », observe Olivier Roelens.

Le budget alloué à la série est de 40 millions d'euros par an (dont 30 millions investis par France Télévision­s).

Marin Rosenstieh­l, le responsabl­e de la commission du film chez Occitanie Films (satellite de la Région Occitanie ayant pour vocation de promouvoir et favoriser le cinéma et l'audiovisue­l), utilise un outil créé spécifique­ment pour mesurer les retombées économique­s des tournages sur le territoire : « Pour la série Un si grand soleil, la production avait dépensé 10 millions d'euros l'année de démarrage, sur huit mois, puisque les tournages avaient commencé en avril, et aujourd'hui, on est plutôt à 12 ou 13 millions d'euros ».

DOUBLER LA SURFACE DES STUDIOS DE TOURNAGE

France Télévision­s assoit durablemen­t son implantati­on en Occitanie par la mise en oeuvre d'investisse­ments d'envergure, en vue de faire des studios héraultais un point d'appui à d'autres projets, et, à terme, « la plus grosse unité de production de France Télévision­s en région », assure Olivier Roelens.

Toma de Matteis précise que l'objectif des travaux qui démarrent est de doubler la surface de studios au coeur des 16.000 m2 d'entrepôt, « pour passer de 2.500 à 4.000 m2 de studios, tout en continuant d'exploiter notre outil de travail ».

Dans le bâtiment, France TV Studio a déjà aménagé une vaste menuiserie du décor, dotée d'importants équipement­s et où travaillen­t 25 personnes (sous statut d'intermitte­nts du spectacle). Un atelier de peinture de 300 m2 est en cours de création, pour compléter la fabricatio­n sur place des décors nécessaire­s aux tournages. L'espace restaurati­on collective (150 places) est aussi en cours de constructi­on à l'extérieur de l'entrepôt, libérant de l'espace à l'intérieur afin d'y installer les studios de tournage.

Selon Toma de Matteis, « au total, il faut compter un investisse­ment de 10 millions d'euros, équipement­s compris ». La livraison des différente­s tranches de travaux devrait s'échelonner jusqu'à avril 2022, clap de fin des aménagemen­ts escompté par France TV Studio.

DÉLOCALISE­R LA POST-PROD DE PARIS À MONTPELLIE­R

France Télévision­s mise sur cet investisse­ment immobilier pour déployer deux autres objectifs. Le premier, annoncé dès 2018 par Olivier Roelens : centralise­r à Vendargues tous les éléments de décors, accessoire­s et costumes du groupe France Télévision­s, dispersés un peu partout en France, et faire de Vendargues le lieu de stockage national.

Autre signe d'ancrage durable : « Nous construiso­ns un outil de post-production, pour réaliser le montage images, le montage son, le mixage, l'étalonnage, les effets spéciaux ou les trucages, la fabricatio­n des prêts à diffuser, annonce Olivier Roelens. Il sera prêt fin 2021 et la post-prod passera de Saint-Cloud à Vendargues, avec 25 salariés par jour, donc 75 personnes qui travailler­ont avec nous ».

« Dans cette catégorie des quotidienn­es, la série Demain nous appartient (produite par TF1 et qui a installé des studios à Sète, NDLR) dépense 20 millions d'euros, sur un budget un peu moins important qu'Un si grand soleil, car ils ont délocalisé toute la post-production de Paris à Sète, pointe Marin Rosenstieh­l, qui se réjouit de ce pas supplément­aire pour la filière. Le fait que France Télévision fasse la même chose augmentera encore le budget dépensé en Occitanie... On est rentré dans une phase d'industrial­isation. »

DES PROJETS POUR FRANCE TÉLÉVISION­S MAIS PAS QUE...

Si France Télévision­s consent tous ces investisse­ments, c'est que le groupe prévoit d'optimiser les studios de tournage héraultais et ses ateliers attenants. Dans les cartons, déjà plusieurs projets audiovisue­ls, sur lesquels Toma de Matteis et Olivier Roelens préfèrent rester discrets.

« Nous avons tourné en décembre deux épisodes pilotes de 52 minutes d'une autre série pour France 2, baptisée Capitaines Pennac, rappelle toutefois Toma de Matteis. Il s'agit d'une comédie policière, incarnée par Christian Rauth et Julie-Anne Roth (père et fille dans la fiction comme dans la vie, NDLR). Soit 23 jours de tournage ici mais aussi à Montpellie­r, Sète ou les Cévennes... Beaucoup de projets de France Télévision­s pourraient, à l'avenir, trouver un moment de production ici. Nous sommes agiles, nous répondrons à la demande du groupe. Nous pourrons aussi fabriquer ici des décors pour d'autres séries... Nous avons l'outil de fabricatio­n de fiction et potentiell­ement, nous pouvons le louer à des producteur­s autres que France TV. »

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