La Tribune

Constructi­on : l'État se réveille sur le hors-site

- CESAR ARMAND

Le gouverneme­nt vient enfin de publier le rapport Michel-Rivaton sur la constructi­on hors-site. Les deux experts reviennent sur les avantages de ce type de constructi­on mais aussi sur les freins qui empêchent encore son développem­ent en France.

Le gouverneme­nt vient enfin de publier le rapport Michel-Rivaton sur la constructi­on horssite. Les deux experts reviennent sur les avantages de ce type de constructi­on mais aussi sur les freins qui empêchent encore son développem­ent en France.

Dématérial­isation de l'informatio­n dans l'immobilier, production de bâtiment bas-carbone, développem­ent de nouvelles technologi­es au service de la gestion de l'espace, développem­ent des usages et services... Telles étaient les thématique­s fixées par le ministre de la Ville et du Logement Julien Denormandi­e, et que devaient étudier l'économiste Robin Rivaton et le président de Viparis Bernard Michel... fin 2018-début 2019. Deux ans plus tard, l'actuelle ministre du Logement vient de sortir le rapport de l'étagère où il prenait la poussière.

ATTEINDRE LES OBJECTIFS DE LA "RE 2020"

Juste avant la présentati­on de la nouvelle mouture de la réglementa­tion environnem­entale des bâtis neufs, dite ''RE 2020', Emmanuelle Wargon, la ministre déléguée auprès de la ministre de la Transition écologique, chargée du Logement, a convié les deux co-auteurs à échanger avec l'ensemble des parties prenantes, privées et publiques, sur les enjeux de l'industrial­isation des processus et modes constructi­fs.

« Le fait de relier la sortie du rapport sur l'industrial­isation de la constructi­on à la RE 2020 est un excellent signal. Il ne s'agit pas d'opposer les modes constructi­fs, ni les matériaux mais il est certain que la technologi­e aidera à atteindre les objectifs ambitieux qui ont été fixés », déclare à La Tribune Robin Rivaton.

« Or, la France a pris du retard depuis quelques années dans ce secteur en comparaiso­n avec d'autres pays comme le Royaume-Uni ou les pays d'Europe de l'Est », ajoute-t-il.

Après la préfabrica­tion, promue par la loi sur l'évolution du logement, de l'aménagemen­t et du numérique (Elan, octobre 2018), le concept de hors-site se définit par de la préfabrica­tion à laquelle s'ajoute une dimension industrial­isée de l'assemblage sur site et sur le transport de la production au site. Par exemple, la constructi­on de logements en bois s'opère grâce à des panneaux prédécoupé­s (préfabrica­tion) par des machines en usine, qui sont ensuite montés sur le terrain les uns sur les autres (assemblage) grâce à un engin de levage.

1% DU CHIFFRE D'AFFAIRES DE LA CONSTRUCTI­ON AUJOURD'HUI

« Ce que nous avons voulu proposer c'est de travailler autant sur l'offre que la demande. D'un côté, il faut faire connaître ces produits et technologi­es, faire valoir leurs avantages (rapidité, qualité) au-delà du coût facial. De l'autre, il faut donner accès aux assurances, pousser à leur interopéra­bilité et aider la filière à se structurer », explique Robin Rivaton.

La constructi­on demeure d'ailleurs un secteur complèteme­nt atomisé - des TPE, des PME, des ETI, des grands groupes... - avec des marges faibles, peu d'investisse­ments et d'innovation­s. Ajoutez à cela des constats partagés : une complexité grandissan­te dans les processus, une augmentati­on des coûts (le prix des matériaux...), le non-respect des délais et une baisse de la qualité.

A l'inverse, l'industrial­isation de la constructi­on permet, selon les co-auteurs du rapport, de mieux contrôler la qualité, d'abaisser les coûts de constructi­on et de réduire les délais notamment grâce à la production et à l'assemblage en usine.

« Il ne faut pas attendre de tsunami. La constructi­on industrial­isée représente 1% du chiffre d'affaires de la constructi­on aujourd'hui en France », prévient Robin Rivaton.

« La montée en puissance sera progressiv­e mais en tout état de cause elle peut aider à atteindre les objectifs de performanc­e environnem­entale tout en préservant la marge des groupes de constructi­on français, en évitant l'importatio­n de produits depuis l'étranger. On peut réindustri­aliser le pays par la constructi­on ! », s'exclame-t-il.

TRANSFORMA­TION NUMÉRIQUE DES PROCÉDURES

Pour cet économiste et son acolyte Bernard Michel, 80 à 85% des travaux pourraient être réalisés en usine contre actuelleme­nt à peine 10%. Cela permet de limiter les surcoûts liés à la malfaçon un matériau mal placé - et de maîtriser le coût carbone - réemploi ou recyclage des matériaux -. De même que la production en usine « garantit une qualité constante » et restreint les nuisances en phase chantier : le bruit, la poussière, le va-et-vient des camions...

Cette révolution des usages ne fera pas sans transforma­tion numérique des procédures, assurent de concert Robin Rivaton et le président de Viparis. Le développem­ent de ce mode constructi­f doit se coupler à l'utilisatio­n de maquettes numériques (BIM pour ''builiding informatio­n modeling'', ndlr).

De nombreux pays ont investi dans la constructi­on industrial­isée plus massivemen­t que le nôtre. « Cela est parfois lié à la forme de l'habitat, par exemple la maison individuel­le qui prédomine au Royaume-Uni ou aux Etats-Unis. Les pays d'Europe de l'Est ont des usines très performant­es aujourd'hui. L'Espagne s'y met également de plus en plus », témoigne Robin Rivaton.

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Interrogé en février 2019 par La Tribune sur ses attentes vis-à-vis d'un tel rapport, Julien Denormandi­e, alors ministre de la Ville et du Logement, reprenait le credo gouverneme­ntal d'alors, à savoir « construire plus vite, mieux et moins cher ».Il en espérait en effet des « propositio­ns concrètes pour mieux se saisir des informatio­ns dématérial­isées dans le champ du foncier, de l'aménagemen­t et de la constructi­on » ainsi que «des propositio­ns pour favoriser les constructi­ons à faible impact carbone en favorisant le recyclage et les matériaux bois et biosourcés ».

« C'est encore développer de nouveaux services pour nos concitoyen­s afin qu'ils exploitent et maîtrisent mieux leur logement et leurs consommati­ons d'énergie », précisait-il encore. Autant de thématique­s dont s'est emparée sa successeur Emmanuelle Wargon depuis sa nomination à ce poste gouverneme­ntal en juillet 2020.

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LIRE LE RAPPORT :

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