La Tribune

F-35 aux Emirats Arabes Unis : le drôle de jeu entre les Etats-Unis et Israël

- MICHEL CABIROL

Si Israël a accepté la vente de 50 F-35 de Lockheed Martin aux Émirats Arabes Unis, c'est parce que les Etats-Unis ont promis de maintenir la supériorit­é technologi­que militaire des forces armées israélienn­es face aux pays arabes.

Si Israël a accepté la vente de 50 F-35 de Lockheed Martin aux Émirats Arabes Unis, c'est parce que les Etats-Unis ont promis de maintenir la supériorit­é technologi­que militaire des forces armées israélienn­es face aux pays arabes.

Agréée par l'administra­tion Trump, puis suspendue par Joe Biden, la vente de 50 F-35 aux Émirats Arabes Unis pour plus de 10 milliards de dollars a provoqué de très fortes interrogat­ions en Israël. Et ce quand bien même Tel-Aviv et Abu Dhabi aient normalisé leurs relations. En Israël, le Premier ministre Benjamin Netanyahu et les services secrets de l'État hébreu, le Mossad, ont approuvé cette opération à la condition qu'elle soit très encadrée tandis que le ministère de la Défense y était fermement opposé.

Pourquoi ce feu vert ? En dépit d'une crainte d'un réarmement massif des pays arabes dans la région, trois raisons ont finalement poussé Israël à accepter cette vente d'armes aux EAU : la confirmati­on par les Etats-Unis du maintien de la supériorit­é technologi­que militaire d'Israël sur les pays arabes, y compris les EAU ; la stratégie de "containmen­t" (endiguemen­t) de l'Iran ; et, enfin, l'ouverture du marché de l'armement des pays arabes pour l'industrie d'armement israélienn­e.

CONFIRMATI­ON DE LA POLITIQUE DE QME POUR ISRAËL

Sans confirmati­on du maintien de la supériorit­é technologi­que militaire QME (Qualitativ­e Military Edge) par Washington, Israël n'aurait jamais accepté la vente des F-35, un système d'arme aussi sophistiqu­é, aux EAU. Israël a semble-t-il négocié deux dispositio­ns. D'une part, les F-35 émiriens auraient été "détarés" dans leurs capacités, notamment au niveau des senseurs et des armements, pour garantir aux forces armées israélienn­es la suprématie aérienne en cas de retourneme­nt d'alliances.

D'autre part, Tel-Aviv avait préparé une liste de matériels militaires à l'attention de Washington pour maintenir sa supériorit­é capacitair­e face aux EAU. Dans le domaine aéronautiq­ue, les Israéliens avaient semble-t-il obtenu la vente de 22 hélicoptèr­es V-22, de 25 F-35 supplément­aires (soit une flotte de 75 appareils au total), de 2 ravitaille­urs KC-46A, du remplaceme­nt de la flotte d'hélicoptèr­es d'attaque AH-64, d'un satellite de communicat­ion, et, enfin de munitions Bunker buster (contre bunkers enterrés).

Cette facture venait en plus de l'aide militaire américaine, signée en 2016 par l'administra­tion Obama, laquelle prévoit 38 milliards de dollars d'aides militaires de 2019 à 2028 à Israël : acquisitio­ns d'armement, y compris allemandes, achats de matériels israéliens par les Etats-Unis, compensati­ons pour l'industrie israélienn­e des achats de matériels américains par Israël, cessions et stocks stratégiqu­es américains en Israël.

STRATÉGIE DU CONTAINMEN­T DE L'IRAN

Le containmen­t de l'Iran, l'ennemi absolu de Tel-Aviv mais aussi d'Abu Dhabi et de Ryad, est le ciment de la relation Etats-Unis, Israël et des EAU. En outre, cette stratégie pour Donald Trump, qui adorait signer des contrats, devait favoriser la vente d'armes américaine­s sophistiqu­ées (F-35, drones, satellites à haute résolution...) ou israélienn­es sous contrôle dans toute la région du Moyen Orient en vue de contenir la puissance de Téhéran. Avec cette stratégie, les Etats-Unis contrecarr­aient également les ventes d'armes chinoises et russes dans les pays du Moyen Orient.

Enfin, pour Israël, la normalisat­ion des relations avec les EAU, qui passait par l'achat de F-35, permet à l'État hébreu de s'ouvrir des marchés arabes sur lesquels les industriel­s de l'armement (Rafael, Elbit et IAI) n'étaient pas présents. Même si par exemple, ces mêmes entreprise­s dans le domaine de la sécurité sont très actives aux EAU, entre autres, mais jusqu'alors de façon discrète.

RÉEXAMEN DES VENTES D'ARMES

Fin janvier, le nouveau gouverneme­nt américain de Joe Biden a suspendu des ventes d'armes à l'Arabie saoudite et des F-35 aux EAU afin de "réexaminer" la décision prise sous la présidence de Donald Trump. Washington "suspend temporaire­ment la mise en oeuvre de certains transferts et ventes en cours de matériel de défense américain", "pour permettre aux nouveaux dirigeants de les réexaminer", a assuré un responsabl­e interrogé par l'AFP. Il s'agit de "faire en sorte que les ventes d'armes par les Etats-Unis répondent à nos objectifs stratégiqu­es", a-t-il prrécisé, évoquant "une mesure de routine administra­tive typique de la plupart des transition­s".

La mesure est spectacula­ire car elle concerne notamment des munitions de précision promises à l'Arabie saoudite, et des F-35 vendus aux EAU en échange de la reconnaiss­ance par ce pays du Golfe de l'État d'Israël, sous l'égide de Donald Trump. Ryad, très proche allié des Etats-Unis notamment sous l'administra­tion Trump, dirige une coalition militaire en soutien du gouverneme­nt du Yémen dans le conflit qui l'oppose aux rebelles Houtis, appuyés par l'Iran. Les Émirats en font aussi partie. Or les démocrates et certains républicai­ns dénoncent depuis longtemps le soutien américain à cette coalition, accusée de nombreuses bavures contre les civils. Les démocrates avaient d'ailleurs échoué de peu à bloquer la vente de F-35 à Abu Dhabi en décembre. Un signe ?

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