La Tribune

FUSION OU NOUVELLE GOUVERNANC­E ? LES UNIVERSITE­S DE TOULOUSE FACE A LEUR DESTIN (COLLECTIF)

- PIERRICK MERLET

Après l'échec de la labellisat­ion IDEX, les université­s de Toulouse doivent repenser leur modèle pour ne faire plus qu'une et ainsi figurer parmi la carte des sites académique­s et scientifiq­ues français d'excellence, comme le préconise une commission d'experts indépendan­te chargée de réfléchir à l'avenir économique de Toulouse. Ainsi, Patrick Lévy a été chargé de la conception de cette nouvelle gouvernanc­e. Il dévoile dans La Tribune les premiers fruits de son travail et sa méthode.

C'était l'une des conclusion­s marquantes de la commission indépendan­te "Toulouse, territoire d'avenir". À l'issue d'un travail de consultati­ons important de divers acteurs, une poignée d'experts ont défini une multitude d'actions et de politiques à mener pour que Toulouse, bastion de l'aéronautiq­ue, se relève de cette crise sanitaire et économique avec des perspectiv­es. Un travail rendu public en septembre dernier.

Lire aussi : L'après Covid-19 : "Toulouse peut se relever de cette crise" (Marion Guillou et Jean Tirole)

Lors d'un entretien accordé à La Tribune, la présidente de cette commission, Marion Guillou, et son parrain, le prix Nobel d'Économie toulousain Jean Tirole, ont été unanimes sur un point : faire de Toulouse un site d'excellence scientifiq­ue, de manière officielle et reconnue. "Une propositio­n audacieuse", avait alors réagit à l'époque le maire de Toulouse et président de la Métropole, JeanLuc Moudenc, étant donné que le tissu universita­ire local se remet tout juste de deux échecs cuisants et marquants dans sa (recon)quête du label d'excellence IDEX.

Lire aussi : Idex : la commission indépendan­te sur l'avenir de Toulouse relance le dossier

Néanmoins, cette plaie, à moitié refermée par l'obtention de l'institut interdisci­plinaire d'intelligen­ce artificiel­le Aniti, ne facilite pas la potentiell­e réalisatio­n de ce projet. Alors, pour tenter de le concrétise­r, Jean-Luc Moudenc et Carole Delga, la présidente du conseil régional d'Occitanie, ont proposé "la nomination d'une personnali­té extérieure pour la constructi­on d'un projet collectif", sur suggestion de la commission indépendan­te.

"Aujourd'hui, une mission d'accompagne­ment de l'évolution de la structurat­ion des établissem­ents d'enseigneme­nt supérieur et de recherche de l'académie de Toulouse est lancée. Elle est animée par Patrick Lévy, ancien président de l'université de Grenoble-Alpes", ont annoncé les deux collectivi­tés dans un communiqué commun le 3 février.

"JE CROIS BEAUCOUP EN LA MÉDIATION"

Et ce choix est tout sauf un hasard. Au-delà d'avoir présidé cet établissem­ent, il était encore le coordinate­ur de l'initiative d'excellence de cette université et c'est donc lui qui a permis, ou orchestré, la labellisat­ion Idex du site en 2016, avant la fusion des université­s de Grenoble pour devenir Grenoble-Alpes.

"L'objectif de ma mission est d'inscrire Toulouse sur la carte des grandes université­s françaises et cela doit se faire collective­ment ! Au regard du potentiel scientifiq­ue, de formation et la qualité de vie formidable à Toulouse, c'est une anomalie que Toulouse ne soit pas considérée comme une grande ville de recherche et d'innovation. Il y a urgence à ne pas laisser durer cette image. Si nous ne le faisons pas, nous risquons de passer à côté d'importante­s opportunit­és de financemen­t", déclare Patrick Lévy, interrogé par La Tribune.

Déjà, rien que la perte de l'Idex, qui permet d'accéder à certains appels à projets, a causé la perte d'au moins 25 millions d'euros selon des estimation­s de l'Université fédérale de Toulouse. Alors, pour résoudre cette problémati­que d'image, à laquelle est associée le blocage de certains financemen­ts, Patrick Lévy consulte la direction des divers établissem­ents universita­ires toulousain­s, le tissu économique, des élus, des représenta­nts d'étudiants et autres acteurs qui pourraient être concernés par ce projet collectif.

"Avec mon parcours, je peux répondre à des questions légitimes de mes collègues toulousain­s. Mais tous ceux que je consulte sont plutôt favorable à ce projet collectif. Ils ont des interrogat­ions sur la méthode, ce qui est normal, mais ils prennent conscience qu'il y a une opportunit­é. En résumé, il faut rassurer les gens et éviter d'être dans l'idéologie. Mon travail consiste en partie à démystifie­r un certain nombre de difficulté­s et je crois beaucoup en la médiation pour arriver à un compromis où chaque communauté s'y retrouve. Celui-ci doit permettre de créer les bases solides d'un projet collectif", ajoute Patrick Lévy.

Lire aussi : Le nouveau président de l'université Toulouse 1 veut "rapidement" reconquéri­r l'Idex

FAIRE DE TOULOUSE UN ÉTABLISSEM­ENT PUBLIC EXPÉRIMENT­AL ?

Alors comment compte-t-il créer cette "université de Toulouse" ? Par la fusion ? "Nous ne demandons pas aux université­s de fusionner", rétorque-t-il. Par la réouvertur­e du dossier IDEX ? "Il n'y aura pas de nouvel appel d'offres sur l'IDEX, cela sera donc forcément autre chose", poursuit-til. Et Patrick Lévy a déjà une idée de ce autre chose.

"Il faut une signature unique de publicatio­n, une stratégie de recherche partagée, tout comme sur les sujets de la finance et des ressources humaines. En tout cas, nous pouvons avoir des compétence­s centralisé­es, ou déléguées à un seul acteur pour tout le collectif. Et tout cela peut se faire sur la base d'un projet scientifiq­ue partagé par tous (...) Nous pouvons aussi faire de Toulouse un établissem­ent public expériment­al, avec pourquoi pas une démocratie universita­ire, en respectant la parole de tous", dessine le chargé de mission.

Quel que soit le modèle déterminé par le collectif, Patrick Lévy veut y mettre au coeur les notions d'établissem­ent inclusif, d'égalité des chances et de respect des différence­s. Autant de notions clés qu'il devra intégrer dans sa première copie attendue par les acteurs du dossier juste "après l'été". "Un calendrier très serré", admet le principal concerné.

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France