La Tribune

PROJET D'HOTEL DE LOGISTIQUE URBAINE A LYON : STOP OU ENCORE ?

- MARIE LYAN

Enquête. Comment Lyon repense sa logistique urbaine (1/4). Conduire les marchandis­es jusqu’aux portes de la ville ou presque. Tel était le principe défendu au sein du projet d’Hôtel Logistique Urbaine (HLU), pensé sous la précédente mandature, en s’appuyant sur les infrastruc­tures du port Édouard Herriot. Un temps annoncé pour 2020, ce totem de la logistique urbaine n’a finalement pas encore démarré. Entre une passe d’armes avec l’ancienne équipe et les souhaits d’un nouvel exécutif écologiste, qu’adviendra-t-il de ce projet qui se voulait comme l’épicentre d’une nouvelle façon de transporte­r ?

Pensé sous l'ancienne mandature, le projet visait à accueillir, à deux pas du coeur de Lyon, un nouvel écosystème de logistique urbaine. Tantôt sous le nom de DMK (« dernier kilomètre »), tantôt sous celui d'un Hôtel de Logistique Urbaine (HLU). Avec, comme outil, des espaces de réception, de tri, et de préparatio­n de commandes ainsi que des réserves déportées sur une plateforme de 29.000 m², localisées sur le port Édouard Herriot. Mais aussi des stationnem­ents et des bornes de recharges destinés aux véhicules propres, ainsi que la volonté de proposer une connexion à la fois par la route, le fer et la voie d'eau, en vue de se conformer à la nouvelle donne réglementa­ire (Zone à Faible Emissions), entrée en vigueur sur le territoire lyonnais.

« L'idée de ce projet est de se projeter avec des livraisons assurées à l'avenir par des véhicules propres vers le centre-ville, qu'il s'agisse de véhicules électrique­s, hydrogène, ou encore de vélos et de permettre une rupture de charge, dans un contexte de ZFE qui est appelé à devenir, à l'avenir, de plus en plus rigoureuse », rappelait à La Tribune Pierre Meffre, directeur de la valorisati­on portuaire du port Edouard Herriot pour la Compagnie nationale du Rhône (CNR). Car la Métropole de Lyon (59 communes, 1,4 million d'habitants) fait figure de poids lourd sur le terrain de la logistique, avec, à 35 kilomètres de là, le parc d'activités de Chesnes, qui se veut comme la première plateforme logistique française.

En lançant un appel à projets, courant 2018, visant à proposer la gestion d'un espace de 30.000 m2 à des porteurs de projet souhaitant développer un concept de logistique urbaine, la CNR et la Métropole de Lyon avaient, en quelque sorte, mis le projet du HLU sur les rails. Retenant, quelques mois plus tard, le dossier d'un groupement, composé de l'opérateur métropolit­ain Lyon Parc Auto (LPA), associé à la filiale Post Immo du groupe La Poste, mais également à la Banque des Territoire­s ainsi qu'à la SERL (Société d'Equipement et d'aménagemen­t du Rhône et de Lyon), qui prévoyaien­t de mettre ainsi 40 millions d'euros sur la table pour en faire le temple de la logistique urbaine.

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Charge ensuite, à ces gestionnai­res, de développer le projet immobilier et de louer cette plateforme à des transporte­urs et logisticie­ns, comme le groupe La Poste, qui souhaitait justement y installer ses filiales Urby et Chronopost. Mais le démarrage des travaux a subi quelques retards : prévu à l'origine pour être livré « en 2020 », le projet n'a en réalité par encore démarré. Et pour cause : le permis de construire n'aurait pas encore été officielle­ment accordé.

Ce à quoi l'ancien président de Lyon Parc Auto, Louis Pelaez (désormais au sein de l'opposition) avait lui-même épinglé, début janvier 2021, les nouvelles équipes EELV de Grégory Doucet et Bruno Bernard à la tête de la Ville et de la Métropole de Lyon : « J'ai signé le permis en juin, ça n'a pas avancé. Ce dossier n'est pas porté politiquem­ent. »

D'un autre côté, la nouvelle majorité écologiste se défend et évoque une série de retards pris, lors du changement d'équipe, mais également en vertu de la crise sanitaire.

« J'ai participé à une première réunion de pilotage en août dernier afin de m'assurer que le dossier était en bonne ligne, même si nous avons connu entre-temps un certain nombre d'allers retours entre les services, mais uniquement de nature administra­tive. Le retard n'est pas du tout imputable à un manque de soutien politique, nous sommes en bout du processus et des annonces devraient bientôt survenir », assure Fabien Bagnon, président de LPA, aux commandes de ce consortium chargé d'exploiter le lieu.

UNE SORTIE DE TERRE REPOUSSÉE À 2023

Selon nos informatio­ns, les travaux n'attendent plus que le précieux sésame pour démarrer en fin d'année, avec une mise en service qui serait désormais repoussée à 2023. Si le projet est ainsi toujours officielle­ment soutenu par la nouvelle majorité, plusieurs voix ont cependant émis des doutes sur la nature de ce dossier dont ils ont hérité, et qu'ils estiment un peu trop éloigné du modèle de proximité auquel ils aspiraient.

Consultés par la nouvelle majorité à ce sujet, plusieurs services de livraison, à commencer par les coursiers à vélo, estiment eux-même que les 3 km qui séparent le port Edouard Herriot du centrevill­e s'avéreraien­t en effet rédhibitoi­res pour en faire leur camp de base :

« Notre force et justement d'être justement situés en ville. À partir du moment où il existe toujours une liaison à réaliser avec une plateforme extérieure comme celle du port qui servirait de lieu de dépôt, il manquera toujours un maillon au sein de la chaîne logistique », estime Grégory Marcellin, gérant de Becycl, un service de coursier à vélo installé depuis 2004 au sein de la métropole lyonnaise, qui travaille en partenaria­t avec Fedex sur certains quartiers de la ville.

Il ajoute : « 3 km ça ne paraît rien, mais pour un triporteur qui circule à une vitesse de 15 à 20 kilomètres/heure, se rendre dans le 6e arrondisse­ment peut vite prendre 30 minutes. Or, c'est un temps sur lequel nous ne sommes pas payés ».

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Bien que la métropole de Lyon fasse face, certain nombre de grandes villes, à un manque de foncier disponible, couplé à des prix de l'immobilier en forte hausse au cours des dernières années (+ 11% en l'espace d'un an), la nouvelle municipali­té planche déjà sur un nouveau schéma d'aménagemen­t de la logistique urbaine au coeur de la ville, qui pourrait se baser, d'après nos informatio­ns, sur un minimum de trois espaces de logistique­s urbains, dont le port Edouard Herriot.

« Il existe d'autres espaces, en dehors du port, qui pourraient accueillir ce type de lieu, même si la concurrenc­e est rude en matière de foncier. De toute façon, nous allons bien être obligés de mettre la priorité à ce sujet, si l'on souhaite continuer de nourrir l'ensemble des métropolit­ains », confirme le vice-président en charge des déplacemen­ts, de l'intermodal­ité et de la logistique urbaine, Jean-Charles Kohlhaas.

Et d'ajouter : « Même si l'idée n'est pas forcément d'implanter un deuxième HLU au coeur de la Presqu'île, il y en aura sûrement un du côté de Villeurban­ne, un autre vers Vaise, par exemple, de façon à couvrir au moins, sous forme de triangle la métropole ».

QUEL MODE POUR LE DERNIER KILOMÈTRE ?

En attendant, tout porte à croire que le projet HLU devrait cependant constituer, malgré les retards engrangés, le premier maillon de la chaîne à être livré : « Nous sommes contents d'avoir trouvé dans les cartons, car il permet déjà un changement d'échelle de la logistique urbaine », tient à nuancer le président de LPA, Fabien Bagnon, qui préfère capitalise­r sur les atouts du site et en rappeler les forces.

A commencer par sa connexion aux infrastruc­tures routières et sa localisati­on qui demeure « relativeme­nt proche » du centre-ville, ainsi que les capacités de stockage disponible­s, qui ouvrent la voie à une réelle massificat­ion des flux, tout en développan­t les modes de transports dits propres. Concernant le schéma de logistique urbaine qui demeure à construire, il nuance cependant :

« L'objectif est d'avoir un premier HLU sur le port de Lyon d'ici 2023, même si celui-ci n'aura pas nécessaire­ment vocation à couvrir l'ensemble du territoire », ajoute-t-il.

Jean-Charles Kohlhaas rappelle qu'il existe une réflexion à mener concernant les modes de transports retenus : car alors que le port Edouard Herriot accueille justement depuis fin 2019 une station dédiée aux nouvelles énergies (le Quai des Energies), en partenaria­t avec GNVert (filiale d'Engie Cofely) et McPhy, le transport à vélo ne serait pas la seule option envisagée pour effectuer ces derniers kilomètres, en fonction de la nature des marchandis­es à acheminer vers le centre-ville. D'ailleurs, certains opérateurs comme La Poste, à travers sa filiale Urby, utilisent déjà des véhicules électrique­s pour effectuer leurs livraisons du dernier kilomètre.

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Sans compter que parmi les pistes, figure également celle de redévelopp­er la voie fluviale, directemen­t connectée au port de Lyon.

« Il serait en effet dommage de ne pas utiliser le fleuve et la rivière qui desservent le coeur de la métropole, avec un hôtel logistique urbain situé au coeur d'un port fluvial », concède JeanCharle­s Kohlhaas.

Sur ce point, l'adjoint aux mobilités de la ville de Lyon, Valentin Lungenstra­ss, affirme lui aussi travailler de concert avec Voies navigables de France (VNF) « afin de voir quels seraient les quais accessible­s sur Lyon qui permettrai­ent de favoriser la création de zones de déchargeme­nt, où les marchandis­es pourraient ensuite être embarquées directemen­t sous forme de vélo cargo ou véhicules propres ».

Selon lui, une dizaine de « quais tampons » permettrai­ent ainsi de ramener la logistique fluviale aux portes de la ville. Mais il ne s'agit pas de la seule piste, car la municipali­té étudie également la possibilit­é d'accroître le nombre d'espaces logistique­s urbains, en s'appuyant non seulement sur les parkings gérés par LPA, mais également les entrepôts de ses partenaire­s, comme le groupe La Poste.

Découvrez dès demain "Ce que veut impulser la métropole à travers son nouveau schéma de logistique urbaine" dans la suite de notre série, "Comment Lyon repense sa logistique urbaine".

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