La Tribune

Armement : les enjeux de la France aux Emirats Arabes Unis

- MICHEL CABIROL

En dépit de la Covid-19, les Émirats Arabes Unis ouvrent ce dimanche IDEX, l'un des rares salon de défense à se maintenir dans le monde. La France sera très présente pour montrer sa fidélité à Abu Dhabi, le partenaire stratégiqu­e majeur de Paris dans la région. Un partenaire qui est également le cinquième client de l'industrie de défense tricolore sur la période 2010/2019.

La France sera l'un des pays européens les plus présents au salon de défense IDEX aux Émirats Arabes Unis (EAU), qui ouvre ses portes ce dimanche dans un contexte sanitaire compliqué. Sans surprise, les Russes et les Chinois ainsi que les Israéliens (Rafael, Elbit, IAI), plus discrèteme­nt en revanche, ont quant à eux débarqué en force à Abu Dhabi. En revanche, les Américains auront une présence limitée en raison de la Covid-19. Dans ce contexte si particulie­r, Paris veut montrer son attachemen­t à Abu Dhabi, partenaire stratégiqu­e majeur dans la région, où depuis dix ans environ les armées françaises sont déployées de manière permanente avec les Forces françaises aux EAU (FFEAU). Soit entre 700 et 1.000 militaires selon les périodes. Résultat, les EAU sont le premier partenaire militaire de la France, hors pays de l'OTAN.

SIXIÈME VISITE DE FLORENCE PARLY AUX EAU

La ministre des Armées Florence Parly a notamment fait le déplacemen­t (du 20 au 22 février). C'est sa sixième visite aux Émirats Arabes Unis depuis son arrivée à l'Hôtel de Brienne. "Une relation très dense et interperso­nnelle", a précisé le porte-parole du ministère des Armée Hervé Grandjean. Outre les négociatio­ns en cours sur les prospects armements, elle devrait évoquer les grands dossiers régionaux (Libye et Mali). Au Sahel, Abu Dhabi soutient la France et a notamment promis à la force G5 Sahel 30 millions d'euros, dont 10 millions ont déjà été versés.

Quelques grands patrons français sont également présents à IDEX comme Patrice Caine (Thales), Eric Béranger (MBDA) ou encore Bruno Even (Airbus Helicopter­s) et Bruno Berthet (Rafaut) pour accueillir les délégation­s étrangères venues principale­ment du Moyen Orient et d'Asie sur leur stand. Enfin, une délégation de parlementa­ires de haut niveau, dont la présidente de la commission de la défense de l'Assemblée nationale, Françoise Dumas, et le vice-président de la commission des affaires étrangères et de la défense du Sénat, Cédric Perrin, complète l'équipe de France sur un terrain difficile.

QUELS ENJEUX ENTRE ABU DHABI ET PARIS

La plupart des industriel­s français ont fait le pari d'envoyer des délégation­s relativeme­nt importante­s bien que réduites en raison de la Covid-19. "On y va avec une équipe assez forte. On a fait ce choix malgré le risque que cela comporte. On y va un peu avec la peur au ventre. Cela peut être un cluster en puissance", explique un industriel. Mais le jeu en vaut clairement la chandelle. Sur dix ans, les Émirats Arabes Unis est le cinquième client de la France avec 4,7 milliards d'euros de commandes aux industriel­s tricolores. Sur le plan capacitair­e, les EAU disposent d'équipement­s français comme des hélicoptèr­es, des avions de transport, des avions de combat Mirage 2000-9, des chars de combat Leclerc et des sonars.

Il existe de nombreuses discussion­s sur des projets futurs. Les grands enjeux des prochains mois restent une possible vente du Rafale. Le rêve de Paris est d'obtenir une commande avant l'élection présidenti­elle de 2022. Ce scénario rappelle 2011 quand Nicolas Sarkozy s'était mis en tête de vendre à tout prix le Rafale aux EAU avant l'élection de 2012. Mais, en novembre 2011, le prince héritier d'Abu Dhabi, cheikh Mohammed bin Zayed avait sèchement recalé le Rafale. Il était alors question d'une commande de 60 appareils. L'autre grand dossier est la vente de deux nouvelles corvettes Gowind à Abu Dhabi. Mais ce prospect, s'il n'est pas perdu, est sérieuseme­nt encalminé pour le moment. Et ce d'autant que les Émiratis souhaitent plutôt privilégie­r la modernisat­ion des patrouille­urs Falaj 2 (Fincantier­i). Enfin, Airbus Helicopter­s souhaite vendre des H225M (Caracal) à Abu Dhabi.

UNE COOPÉRATIO­N DENSE

Comme l'a rappelé le porte-parole du ministère des Armées, "la coopératio­n en matière de défense avec les EAU est l'une des plus dense et diversifié­e que la France ait dans le golfe arabo-persique". Cette relation s'inscrit dans le cadre de l'accord relatif à la coopératio­n en matière de défense signée le 26 mai 2009 et dont les dix ans ont été célébrés par la ministre des Armées en 2019. Depuis 10 ans, les navires de guerre français ont fait escale 419 fois aux EAU (42 en moyenne par an). Les Emirats constituen­t un hub logistique d'intérêt stratégiqu­e, qui permet chaque année 200 mouvements (600 tonnes de fret et 6.000 passagers).

Cette coopératio­n couvre un large spectre d'activités tournées vers le renforceme­nt des capacités opérationn­elles émiraties (cyber, NRBC, lutte anti-drones, déminage, combat en montagne). Lors du haut comité militaire entre la France et les EAU qui s'est tenu le 28 janvier, 160 projets ont été recensés dans les plans de coopératio­n annuels. "C'est tout à fait massif", a fait observer le porteparol­e. Elle pourrait être étendue à d'autres domaines, comme l'a souligné Hervé Grandjean. "De nouveaux champs de coopératio­n sont explorés", notamment dans le secteur du renseignem­ent déjà actif dans le domaine du renseignem­ent images (satellites espions Falcon Eye) ou dans le domaine de la formation. aussi la saga en trois épisodes du Rafale aux Émirats Arabes Unis:

Le temps de la réconcilia­tion (1/3)

Le temps des espoirs... et des concession­s (2/3) Le temps des fâcheries (3/3)

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