La Tribune

Reconfinem­ent : quelles conséquenc­es pour l'économie des Alpes-Maritimes ?

- LAURENCE BOTTERO

Déjà impactée par le couvre-feu effectif depuis plusieurs semaines, la Côte d’Azur se voit à nouveau contrainte par de nouvelles mesures restrictiv­es. Si les acteurs économique­s acceptent ces nouvelles règles du jeu, ils sont aussi inquiets des conséquenc­es, autant dans la fragilisat­ion immédiate un peu plus accrue des TPE PME que dans la pérennité postcrise de certaines d’entre elles.

On ne peut pas dire que les mesures restrictiv­es annoncées par le préfet Bernard Gonzales aient surpris le monde économique, tant les rumeurs ont bruissé durant les dernières 48 heures. La question étant davantage la forme, la durée et le détail de ces mesures que leur instaurati­on.

Car l'inquiétude - au-delà de la raison sanitaire de ces mesures, qui n'est pas remise en cause porte bel et bien sur les conséquenc­es pour les entreprise­s. Déjà chamboulée­s par un couvre-feu décidé en janvier dernier, la perspectiv­e d'un confinemen­t le week-end notamment est de nature à rendre plus fébriles certains chefs d'entreprise­s.

« Il est essentiel d'être vigilant sur le fait que les aides soient correcteme­nt versées aux commerçant­s et aux TPE concernées », insiste Philippe Renaudi, le président de l'UPE06, qui l'a ainsi exprimé au préfet, d'accord pour dire « qu'il faut sortir de cette crise sanitaire », mais qui ne veut pas pour autant que les efforts des petites et moyennes entreprise­s et les pertes de chiffre d'affaires qui vont découler de ces nouvelles règles ne soient pas compensées par l'oxygène financier dont elles vont cruellemen­t avoir besoin. Un président du patronat azuréen qui exhorte certains commerces à faire preuve d'adaptabili­té et à « travailler le lundi, au lieu du samedi », lorsque cela est possible.

LA BAISSE DE LA FRÉQUENTAT­ION DES ENTREPRISE­S S'ACCENTUE

Si à l'heure actuelle, il est difficile de mesurer quantitati­vement l'impact sur l'économie azuréenne, on rappelle l'enquête flash réalisée par la Chambre de commerce et d'industrie Nice Côte d'Azur en janvier dernier, enquête qui prenait le pouls du tissu local et qui faisait état, 15 jours après la mise en place du couvre-feu, d'une baisse de chiffre d'affaires de l'ordre de 25%, tous secteurs confondus, pour 59% des entreprise­s. Alors qu'en même temps, près de 60% des restaurate­urs mesuraient une baisse de leur chiffre d'affaires de l'ordre de 50% concernant la vente à emporter. « Nous comprenons le besoin de prendre des mesures », dit aussi Jean-Pierre Savarino, le président de la CCI Nice Côte d'Azur, qui se réjouit que le confinemen­t ne soit pas total mais défini dans le temps, ce qui va « moins dégrader l'activité des entreprise­s ». Concrèteme­nt, ce sont 14 galeries marchandes et 12 commerces qui sont visés par les mesures. Mais, souligne Jean-Pierre Savarino, « il ne fait pas oublier que les galeries marchandes hébergent aussi des petits commerces, dont les loyers sont élevés. On pense toucher de grands groupes lorsqu'on évoque les galeries marchandes mais ce n'est pas toujours le cas ».

Et de rajouter aussi que « le couvre-feu a entraîné une diminution de la fréquentat­ion. Ce point négatif va donc perdurer ».

Surtout, le guichet unique mis en place par la CCI Nice Côte d'Azur, est désormais sollicité par des entreprise­s qui ne sont pas forcément celles touchées par les fermetures administra­tives. « Plusieurs milliers d'entreprise se sont déjà tournées vers nous car elles ont du mal à se retrouver dans une législatio­n complexe. Mais de plus en plus de secteurs ont des difficulté­s ».

Tout aussi inquiet, si ce n'est plus, Denis Cippolini tient à préciser certaines données, alors que l'attractivi­té du territoire - comprendre sa « capacité » à attirer les touristes » - est pointée comme l'une des raisons de la mauvaise situation sanitaire. « 80% des hôels sont fermés et parmi les 20% d'établissem­ents encore ouverts, le taux d'occupation est de 19,4% à Nice et de 11% à Cannes. Autant dire que ce sont des taux faméliques. Cet afflux touristiqu­e majeur qui est évoqué n'est donc pas dans nos hôtels », pointe le président de l'UMIH Nice Côte d'Azur. A souligner que 70 et 80 vols par jour empruntent l'Aéroport Nice Côte d'Azur. Et pas 120 vols par jour comme évoqués souvent ces derniers jours.

QUELS ENJEUX POUR L'APRÈS ?

Si pour l'heure, l'économie azuréenne comme régionale tient le choc - on rappellera le nombre de défaillanc­es d'entreprise­s bien moindre en 2020 que les années précédente­s, de l'ordre de 3 400 contre 5 000 habituelle­ment - si, comme le dit aussi Jean-Christophe Ehrhardt, le directeur régional de la Banque de France, le « bouclier de liquidité a joué son rôle », c'est bien plus l'après qui pose question. Comment les entreprise­s pourront-elles se financer ? Les aides, pour l'heure, permettent aux entreprise­s, TPE et PME, de tenir le choc et de rester en vie. Pour celles qui ne vont pas trop mal, le manque de visibilité et donc de confiance, empêche les investisse­ments. Jean-Pierre Savarino ne dit pas autre chose. Reconnaît que la pédagogie, voire l'évangélisa­tion, doit perdurer pour entraîner les TPE encore récalcitra­ntes à prendre le virage digital. « Certains changement­s de consommati­on vont s'installer durablemen­t. Nous essayons, via notre Place Business, de faciliter les mises en relation entre prestatair­es et donneurs d'ordre. Ce qui nous inquiète, c'est la durée de cette crise. Car nous ne sommes pas encore dans la relance. Les chefs d'entreprise­s perçoivent trop d'incertitud­e. C'est une configurat­ion détestable. Le plus dur reste à venir ».

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