La Tribune

Dans les outre-mer, EDF va abandonner le fioul pour la biomasse liquide

- JULIETTE RAYNAL

La filiale d'EDF dédiée à la production d'électricit­é dans les territoire­s insulaires va convertir trois centrales au fioul en centrales fonctionna­nt à partir d'huiles végétales. Elle prévoit la constructi­on d'une quatrième centrale de ce genre en Guyane.

Utiliser des biocarbura­nts à la place de produits pétroliers pour produire de l'électricit­é. C'est le projet de conversion sur lequel planche EDF PEI, filiale à 100% d'EDF dédiée à la production d'électricit­é dans les territoire­s insulaires.

Ce projet concerne les trois centrales thermiques à moteur qu'opère aujourd'hui EDF PEI à La Réunion, en Martinique et en Guadeloupe. La centrale thermique qu'EDF PEI doit mettre en service en Guyane sur le site de Larivot fonctionne­ra, elle aussi, à la biomasse liquide. Elle sera complétée dans un second temps par de la production photovolta­ïque.

"Cela correspond à une demande de la ministre de la Transition écologique qui a validé le projet d'une nouvelle centrale en Guyane, à condition qu'elle fonctionne à la biomasse", précise Frédéric Maillard, président d'EDF PEI, alors qu'initialeme­nt l'électricie­n prévoyait un projet, critiqué, de centrale électrique au fioul.

La biomasse liquide sera produite à partir d'huiles végétales, compatible­s avec la technologi­e à moteur choisie il y a plusieurs années par EDF. Les modificati­ons techniques nécessaire­s à la conversion (système d'injection des combustibl­es, réglages des moteurs et du système de contrôle commande), devraient être "restreinte­s", selon la filiale d'EDF, pour qui le coût d'investisse­ment nécessaire sera maîtrisé.

QUELQUES MILLIONS D'EUROS PAR CENTRALE

"Ce sera quelques millions d'euros par centrale. Compte tenu de la puissance des centrales [212 mégawatts pour celle de l'île de La Réunion, ndlr] le ratio d'investisse­ment est acceptable", juge Frédéric Maillard.

Selon lui, ce projet de conversion permettra "aux territoire­s insulaires d'augmenter rapidement le taux d'énergies renouvelab­les dans leur mix énergétiqu­e pour un coût d'investisse­ment relativeme­nt faible, avec une solution rapide à mise en oeuvre et offrant une production pilotable et garantie".

Pas question pour EDF de remplacer ces centrales thermiques par des parcs photovolta­ïques ou éoliens pour des raisons de sécurité d'approvisio­nnement de l'électricit­é, qui pourrait être fragilisée par la trop forte intermitte­nce de ces modes de production.

"En l'état actuel des technologi­es, la conversion de nos centrales constitue le levier le plus efficace et le plus rapide pour aller vers un mix 100% énergies renouvelab­les sur les territoire­s insulaires, tout en maintenant la même qualité d'approvisio­nnement en électricit­é. Le recours à d'autres solutions, comme le photovolta­ïque ou l'éolien, nécessiter­ait une surface au sol très conséquent­e. Or, sur ces territoire­s le foncier est précieux, notamment pour des raisons de biodiversi­té", explique Frédéric Maillard.

1,5 MILLION DE TONNES DE CO2 ÉCONOMISÉE­S CHAQUE ANNÉE

Autre avantage de la biomasse liquide : sa faible empreinte carbone. Selon les calculs d'EDF, le passage à la biomasse liquide permettra d'économiser environ 1,5 million de tonnes de CO2 par an à l'échelle des quatre centrales. A titre de comparaiso­n, une tonne de CO2 représente un aller/retour Paris New-York en avion.

EDF parle d'un bilan carbone nul pour le fonctionne­ment de ces futures centrales thermiques vertes. "Les émissions de CO2 émises sont consommées par les plantes qui ont poussé dans le champ", précise le dirigeant.

Outre la réduction des émissions de gaz à effet de serre, EDF PEI fait valoir l'améliorati­on de la qualité de l'air au niveau local. Le remplaceme­nt des produits pétroliers par la biomasse liquide permettrai­t de réduire de manière significat­ive les émissions de poussières et d'oxyde de soufre.

LE DÉFI D'UN APPROVISIO­NNEMENT DURABLE

Mais pour être véritablem­ent vertueux, ce dispositif doit reposer sur un approvisio­nnement en biomasse liquide durable. Dans cette optique, EDF PEI s'est engagé à n'utiliser que des produits certifiés RED 2. Cette réglementa­tion européenne garantit que le recours à la biomasse liquide permet de réduire d'au moins 65% le bilan carbone du dispositif, depuis les champs de récolte à la fabricatio­n de l'électricit­é, par rapport aux produits pétroliers. Elle assure également que la culture des produits n'a pas été réalisée sur une terre présentant une grande valeur ajoutée en matière de biodiversi­té ou de capture de CO2.

"Nous nous interdison­s également le recours à l'huile de palme et au soja compte tenu de leur impact potentiel en termes de déforestat­ion", précise le dirigeant.

EDF PEI prévoit ainsi de s'approvisio­nner essentiell­ement en huile de colza. Outre son caractère durable pour la biomasse liquide, la culture du colza est aussi utilisée pour obtenir de la protéine végétale nécessaire à la fabricatio­n du tourteau pour l'alimentati­on du bétail. Pour une tonne de colza cultivée, 60% est dédiée aux protéines végétales et 40% pour fabriquer de l'huile de colza, utilisée dans la biomasse liquide. De quoi optimiser l'utilisatio­n des terres exploitées.

UN SCÉNARIO HYBRIDE POUR RÉPONDRE À DES BESOINS COLOSSAUX

Pour répondre à ses besoins colossaux d'approvisio­nnement (entre 80.000 et 100.000 tonnes de biomasse liquide par an pour une centrale), l'électricie­n mise sur un scénario hybride, couplant un approvisio­nnement direct de produits finis sur le marché mondial de la biomasse liquide, un approvisio­nnement de produits transformé­s en France à partir de graines, au moins en partie, cultivées dans l'Hexagone (en phase avec le plan de relance national qui souhaite relocalise­r la production de protéines végétales ) et un approvisio­nnement local. EDF se dit ainsi prêt à contribuer au développem­ent de filières biomasse liquides locales, qui n'existent pas encore aujourd'hui sur les territoire­s insulaires.

Côté calendrier, la centrale de Port-Est à La Réunion devrait être la première à abandonner le fioul, l'île ayant d'ores et déjà inscrit la conversion de la centrale, au plus tard en 2023, dans sa Programmat­ion pluriannue­lle de l'énergie (PPE). Une première étape indispensa­ble à cette transition. "Une fois que la PPE de la Réunion sera validée par les instances nationales, nous pourrons déposer un dossier auprès de la CRE (Commission de régulation de l'énergie) pour valider le déploiemen­t de notre projet", précise Frédéric Maillard. Le producteur Albioma, concurrent d'EDF, s'engage lui aussi sur le terrain de la transition. Il s'apprête à remplacer le charbon par des granulés de bois dans les deux centrales qu'il exploite sur l'île.

La conversion des deux centrales thermiques d'EDF situées en Guadeloupe et en Martinique interviend­ra, elle, à une échéance plus lointaine, leur PPE étant à un stade moins avancé. Quant à la nouvelle centrale de Larivot, en Guyane, elle doit remplacer la vieille installati­on au fioul de Dégrad-des-Cannes (qui fournit 40% de l'électricit­é du territoire ultra-marin), dont l'arrêt est prévu en 2023.

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